Le débat
Roselyne Bachelot veut faire de 2011 l’année des patients et de leurs droits. Elle a créé une mission sur le sujet dont la présidence revient à la médiatique Marina Carrère d’Encausse. Face à cela, le gouvernement augmente les restes à charge via son Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et instaure une cotisation pour accéder à l’aide médicale d’État (AME). Paradoxe ?
président de l’ONG ? Médecins du monde
C’est une régression. Et c’est d’autant plus aberrant quand cela se passe au moment où Roselyne Bachelot décrète que 2011 sera l’année de la lutte contre les inégalités de santé. Il y a là une grosse incohérence. Mettre en place une cotisation de 15 ou 30 euros, c’est créer un ticket d’entrée sur l’accès aux soins. Et c’est économiquement peu crédible puisque ce ticket ne couvrirait que 0,5 à 1 % des dépenses du dispositif AME.
C’est vrai, beaucoup de gens n’ouvrent pas leurs droits, souvent par défaut d’information. Il faut à tout prix accroître l’entrée des fragiles et des exclus dans ce dispositif. Les luttes contre la tuberculose et contre le sida étaient des politiques d’inclusion. Si on a réussi à juguler le sida dans les années 1990, c’est bien parce qu’il y avait une volonté d’inclure ces populations à la marge.
Exclure de la prévention et des soins, majorer le retard aux soins a forcément un impact sur la santé individuelle. Mais pas seulement. Il y a un risque pour la collectivité à ne pas prendre en charge ces pathologies.
Oui, entre 2007 et 2009, on est passé de 11 à 22 % de retard aux soins, dans les centres de consultations de Médecins du monde. Il y a deux explications à cela. La première est à relier à la politique sécuritaire actuelle : on a un certain nombre de personnes qui ont peur de se déplacer dans nos centres pour se soigner parce qu’ils sont en situation irrégulière. On peut citer le cas de Calais et des Roms. Par ailleurs, les Français qui se trouvent juste au-dessus du seuil de pauvreté mais qui ne peuvent pas s’offrir de mutuelle tardent de plus en plus à se soigner.
Soit on fait une vraie politique de réduction des inégalités sociales de santé et on s’en donne les moyens, soit on reste dans des effets d’annonce. L’aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), par exemple, était un bon dispositif qui minimisait l’effet de seuil. Il faut renforcer ce type de dispositif.
médecin, coprésentatrice et directrice de la rédaction du Magazine de la santé et d’Allô docteurs sur France 5, présidente des travaux de “2011, année des patients et de leurs droits”
Dans le cadre de la mission qui m’a été confiée, je vais travailler au maximum sur les droits des patients, tout en essayant de dissocier mon opinion personnelle pour ne pas troubler le jeu. C’est une position complexe que je vais essayer de maintenir, même si la ministre de la Santé l’a rappelé, cette mission conserve sa liberté de parole. Elle se compose de personnalités
C’est certain. C’est pourquoi je militerai pour l’égalité des droits des patients, pour la défense des plus faibles.
Je ne vais pas préjuger des propositions qui seront émises par les différents groupes de travail, mais cela pourra être de mieux faire connaître leurs droits aux usagers du système de santé, de manière à ce qu’ils puissent avoir des exigences vis-à-vis des médecins, par exemple. Il me paraît notamment inconcevable que les patients ne puissent systématiquement pas obtenir de devis pour des actes lourds.
On s’appliquera tous, dans cette mission, à faire en sorte que ce qui aura été dit soit fait. On ne peut pas dire qu’Alain-Michel Ceretti, un des membres de la mission, ne soit qu’un homme de papier, par exemple.
* Voir l’actu p. X pour la composition de la mission présidée par Marina Carrère d’Encausse.