L'infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

ACCOMPAGNEMENT > La cocaïne est sortie de son « ghetto doré » pour devenir un problème de santé publique. Mais la prise en charge des usagers de cocaïne reste à organiser.

« Les signes neuropsychiatriques liés à l’abus, et surtout à la dépendance à la cocaïne, amènent les consommateurs sur un versant schizophrénique et paranoïde. » Le docteur William Lowenstein, addictologue, directeur général et médecin chef de la clinique Montevideo (Boulogne– Billancourt) était invité par Résad84 (Réseau santé addictions de Vaucluse-Camargue) pour parler de la prise en charge des usagers de cocaïne, le 27 septembre à Avignon.

Manque de dépistage

Il a rappelé la réalité de la cocaïne « considérée à tort comme une drogue légère ou anodine ». Aux États-Unis, elle est la principale cause de décès par mort brutale due à des substances illicites. En France, le Dr Lowenstein regrette le manque de dépistage de la cocaïne dans les cas d’accidents vasculaires cérébraux, troubles du rythme cardiaque, infarctus du myocarde, spasmes coronariens ou insuffisance rénale aiguë.

Une “culture cocaïne”

La démarche appliquée pour les usagers d’héroïne ne fonctionne pas avec la cocaïne. Parmi les raisons possibles de cet échec, le Dr Lowenstein évoque « la temporalité spécifique à la cocaïne et l’organisation des structures de soins ». La réponse à la demande du patient doit être réactive, souvent en dehors des heures ouvrables. « Si on lui propose un rendez-vous le lendemain à 8heures, il risque d’être réabsorbé par le rythme rapide de la cocaïne. » À l’inverse, le traitement de la dépendance à la cocaïne est long. La plupart des études américaines évaluent une durée thérapeutique à partir de six mois de suivi intensif, voire d’hospitalisation.

Il n’existe pas de médicament de substitution à la cocaïne comme pour les opiacés (Méthadone, Subutex). Le traitement doit donc s’orienter vers des associations de médicaments. Les neuroleptiques et les thymorégulateurs font partie des médicaments, qui, adaptés à chaque patient et à l’évolution de son état, peuvent être utilisés. De même pour la variété des psychothérapies proposées en France qui vont des plus classiques au soutien du type “narcotique anonyme”. Alors qu’à l’étranger, les thérapies cognitivo-comportementales sont davantage utilisées.

Un engouement croissant pour cette drogue

Le nombre de personnes de 12 à 75 ans ayant expérimenté la cocaïne en France en 2005 (au moins un usage au cours de la vie) est estimé à 1,1 million*, plaçant la cocaïne en deuxième position, loin derrière le cannabis (12,4 millions), mais nettement devant l’héroïne (360 000). La part des personnes ayant essayé la cocaïne est maximale dans la tranche d’âge des 25-34 ans (4,1 %, contre 1,3 % pour les 45-64 ans). L’augmentation des chiffres entre ces générations témoigne d’un attrait grandissant pour cette substance illicite.

* “Prise en charge des consommateurs de cocaïne”, recommandations professionnelles de la Haute Autorité de santé, février 2010 (www.has-sante.fr).