Cahier de formation
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Plus de 500 000 personnes en France sont porteuses d’une hépatite B ou C chronique. La plupart l’ignorent, car ces infections sont insuffisamment dépistées et restent souvent longtemps silencieuses. Pourtant, non traitées, elles risquent d’évoluer vers une cirrhose, voire un cancer du foie, et d’avoir des conséquences fatales.
Le foie assure des fonctions essentielles à la vie : digestion, maintien de la glycémie, utilisation des réserves d’énergie, synthèse des facteurs de coagulation ou encore élimination des toxiques. Une hépatite est une inflammation des cellules du foie (hépatocytes). Un virus en est souvent la cause, mais pas toujours. Bien que le foie ait la capacité de se régénérer, l’atteinte de ses cellules due à l’hépatite finit par engendrer une sorte de cicatrice, appelée fibrose. Au bout de vingt à trente ans, la fibrose peut devenir cirrhose. Cette dernière est dite “compensée” lorsque le foie continue d’assurer l’essentiel de ses fonctions. Mais lorsque l’architecture du foie se désorganise, et que son fonctionnement est altéré (insuffisance hépatique), on parle de “cirrhose décompensée”. Il s’agit souvent d’une urgence à haut risque de complications, représentées par l’apparition d’un ictère (jaunisse), d’urine foncée et de selles décolorées, d’œdèmes des membres inférieurs, mais aussi d’ascite (liquide dans l’abdomen), d’hémorragie digestive, voire d’encéphalopathie. Dix ans plus tard, en moyenne, un cancer du foie, ou carcinome hépatocellulaire, peut se développer.
La consommation massive d’alcool est la première cause d’hépatite en France. Le plus souvent mineure, l’hépatite alcoolique ne présente pas ou peu de symptômes. Mais les poussées hépatiques répétées peuvent aboutir à la constitution d’une cirrhose et à des complications entrainant un risque de mortalité élevé.
Les hépatites peuvent également être dues à une intoxication médicamenteuse (par exemple, un surdosage de paracétamol) ou à l’absorption d’autres substances dangereuses pour l’organisme (comme certains champignons toxiques, tels que l’amanite phalloïde). Enfin, certaines hépatites, dites “auto-immunes”, sont liées à un trouble du système de défense de l’organisme.
Les hépatites virales sont provoquées par des virus qui infectent préférentiellement les hépatocytes. On en distingue cinq principaux types : A, B, C, D (delta) et E. Une personne peut être infectée par plusieurs de ces virus, simultanément ou successivement.
Les virus A et E ne provoquent que des hépatites dites aiguës : en général, elles guérissent spontanément au bout de quelques semaines – sauf en cas de complication rare de type hépatite fulminante. Les hépatites B, C et D, en revanche, peuvent perdurer au-delà de six mois dans l’organisme et devenir chroniques. Ce sont elles qui posent le plus de problèmes en France.
On estime à près de 300 000 les personnes en France porteuses chroniques du virus de l’hépatite B (VHB), soit près de 0,65 % des 18-80 ans. Mais, en raison d’un dépistage insuffisamment ciblé, plus de la moitié l’ignorent. La découverte du statut sérologique est le plus souvent fortuite : 8 % des personnes souffrent déjà de formes graves de la maladie (cirrhose ou cancer) au moment du diagnostic… Conséquence : la prise en charge est souvent trop tardive. De plus, malgré l’existence d’un vaccin, on observe en France près de 3 000 nouvelles contaminations par an. D’où l’objectif du quatrième plan national de lutte contre les hépatites (2009-2012): améliorer encore l’information, le dépistage et la prévention.
Très contagieuse, l’hépatite B se transmet d’abord par le sang, lors du partage de matériel souillé (toxicomanie, piercing, tatouages et rasages, acupuncture). Depuis 1971, il n’existe quasiment plus de risque de transmission lié aux transfusions sanguines. En revanche, le VHB, présent dans le sperme et les sécrétions vaginales, peut également se transmettre lors de relations sexuelles non protégées. La transmission par la salive reste controversée. Enfin, il existe une possibilité de transmission materno-fœtale : un dépistage de chaque femme enceinte doit donc être effectué au cours du sixième mois.
Prescrit par le médecin, le test de dépistage est pris en charge à 100 %. Les marqueurs témoins de l’infection (antigènes et anticorps) qui apparaissent dix jours à un mois après la transmission sont dosés par prise de sang.
En cas d’infection, une élévation importante des transaminases, témoin de la mort des cellules hépatiques (cytolyse), est aussi constatée. On parle d’hépatite B chronique lorsque l’antigène HBs persiste au-delà de six mois dans l’organisme.
Depuis trois ans, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les hépatites virales B et C, des rendez-vous de dépistage gratuit (une simple prise de sang) sont organisés partout en France avec différents partenaires régionaux tels que mairies, hôpitaux, associations etc. Calendrier des dépistages sur le site www.hepbinfo.fr
Cette phase passe le plus souvent inaperçue, mais parfois, des signes tels que fatigue, nausées, vomissements, ictère ou syndrome pseudo-grippal, peuvent apparaître. Une fois sur 1 000, l’hépatite B aiguë peut se compliquer d’une hépatite fulminante, destruction massive du foie, très souvent fatale.
Si l’hépatite B aiguë guérit la plupart du temps spontanément, elle peut évoluer vers une infection chronique dans 5 à 10 % des cas.
En cas d’hépatite chronique, deux fois sur trois, le virus est bien présent dans le foie mais ne détruit rien. L’hépatite reste asymptomatique ou peu active. Dans un tiers des cas, en revanche, l’infection provoque une réaction inflammatoire et la formation de fibrose. 15 à 40 % des hépatitesB chroniques évoluent vers une cirrhose, susceptible de donner lieu à un carcinome hépatocellulaire.
Les traitements ne permettent quasiment jamais de guérir l’hépatite B, mais ils parviennent à stopper la maladie (arrêt de la multiplication virale) dans 80 % des cas. En l’absence de traitement de référence, deux options thérapeutiques sont utilisées en fonction du patient : l’interféron pégylé pendant un an ou les analogues nucléosidiques et nucléotidiques pendant plusieurs années.
Le VHB reste une cause importante de décès par cancer, et ce, alors qu’un vaccin très efficace existe depuis trente ans. Depuis 1998, il est obligatoire pour le personnel de santé exerçant en collectivité et recommandé pour les nourrissons, adolescents, autres professionnels de santé, personnes voyageant dans les zones à risque, personnes âgées et entourage de personnes contaminées.
En raison de la polémique attribuant au vaccin la survenue de scléroses en plaques, la couverture vaccinale des jeunes enfants en France est longtemps restée insuffisante. Mais, depuis 2004, elle progresse, permettant d’espérer dans les années qui viennent une réduction significative de l’incidence de la maladie et de ses complications.
L’hépatite C touche en France plus de 230 000 personnes de façon chronique, et son virus (VHC) est responsable de 2 700 à 4 400 nouvelles contaminations par an. Il s’agit très majoritairement de personnes en situation de précarité : l’hépatite C concerne 60 % des usagers de drogue, 25 % des détenus et 25 % des personnes infectées par le VIH. Comme pour l’hépatite B, une amélioration de la politique de prévention, de dépistage et d’accès aux soins est nécessaire, en particulier vis-à-vis des usagers de drogue qui méconnaissent trop souvent leur statut sérologique.
L’hépatite C se transmet presque exclusivement par voie sanguine : lors de l’échange de matériel d’injection ou de préparation chez les usagers de drogues en intraveineuse ou nasale, ou encore lors de piercings, tatouages, rasages, séances d’acupuncture ou de mésothérapie. Un risque important de transmission existait lors de l’administration de fractions coagulantes dérivées du sang jusqu’en 1990, lors de transfusions, greffes et chirurgies lourdes jusqu’en 1992 et lors d’actes invasifs jusqu’en 1997. Désormais, grâce à une succession de mesures obligatoires (dépistage du VHC sur les dons de sang, sélection des donneurs, désinfection et stérilisation très strictes), ces risques ont quasiment disparu. La transmission sexuelle (rapports traumatisants ou pendant les règles) et intrafamiliale (partage de rasoirs, coupe-ongles, brosses à dents) est rare. La transmission materno-fœtale est de l’ordre de 3 %, et de 20 % en cas de co-infection avec le VIH.
Là aussi, le dépistage est intégralement pris en charge. Il est particulièrement recommandé pour l’entourage de personnes infectées, ainsi que pour toute personne ayant vécu l’une des situations à risque énumérées ci-dessus. Un prélèvement sanguin permet de rechercher la présence d’anticorps anti-VHC. Un résultat négatif devra être confirmé trois mois après la dernière prise de risque.
En cas de séropositivité au VHC, il faut rechercher si le virus est encore présent dans l’organisme (détection de l’acide ribonucléique du virus par PCR, réaction en chaîne par polymérase). Si le virus est absent (15 à 35 % des cas), c’est qu’il y a eu guérison. L’organisme garde la trace d’un contact avec le VHC, mais il n’est plus infecté, ni contagieux. En revanche, la présence d’anticorps ne protège pas d’une éventuelle nouvelle contamination.
Depuis dix ans, la France possède sa propre journée de dépistage de l’hépatite C qui s’est tenue cette année encore le 16 octobre.
Si le VHC est présent dans l’organisme, des examens complémentaires sont nécessaires pour évaluer la sévérité de la maladie et assurer le suivi : dosage des transaminases, mesure de la charge virale, mais aussi détermination du génotype du VHC. Il existe en effet six grandes souches, ou génotypes, du virus de l’hépatite C. Il n’y a pas de génotypes plus graves que d’autres, mais certains sont plus faciles à traiter (génotypes 2 et 3). Et, enfin, mesure, par biopsie ou par des méthodes alternatives, de l’activité inflammatoire ainsi que du degré de fibrose du foie.
Une fois sur dix, des signes tels que fatigue, nausées, vomissements, ictère ou syndrome pseudo-grippal, peuvent apparaître. Mais le plus souvent, l’hépatite C aiguë passe inaperçue. Et dans 15 à 35 % des cas, elle guérit spontanément. Mais si le virus est toujours présent au bout de trois mois, une administration d’interféron pégylé et de ribavirine pendant six mois peut permettre d’éviter l’évolution vers une hépatite chronique.
65 à 85 % des hépatites C aiguës deviennent chroniques. Une lassitude marquée est souvent le seul signe de l’infection, mais elle peut s’accompagner de courbatures ou douleurs articulaires, nausées et vomissements, démangeaisons, difficultés de concentration ou dépression.
Par ailleurs, le VHC atteint fréquemment d’autres organes, ce qui peut provoquer des manifestations extra-hépatiques très diverses : problèmes cutanéo-muqueux, thrombopénies auto-immunes, thyroïdites auto-immunes, atteintes rénales, lymphomes, fibromyalgie, douleurs musculotendineuses, mais aussi cryoglobulinémies (maladie due à l’agglutination d’immunoglobulines dans le sang, qui engendre un risque de thrombose). Pour toutes ces manifestations extra-hépatiques, un traitement antiviral peut être proposé.
La fibrose évolue vers une cirrhose dans 20 à 30 % des cas et, chaque année, 4 à 5 % des cirrhoses donnent lieu à un carcinome hépatocellulaire.
Le traitement antiviral permet de guérir 80 % des infections par les génotypes2 et 3 du VHC, et 50 % des infections par les génotypes1 ou 4. Dans les autres cas, il permet de ralentir, de stopper, voire de faire régresser la fibrose hépatique.
Deux médicaments sont habituellement utilisés pendant six à douze mois : une prise quotidienne de ribavirine par voie orale et une injection sous-cutanée hebdomadaire d’interféron pégylé.
→ Nombre de personnes atteintes d’hépatite virale chronique en France en 2004 :
VHB : 281 000 ;
VHC : 232 000.
Il s’agit surtout de populations en situation de précarité.
→ Nombre de nouvelles infections :
VHB : plus de 2 500 par an ;
VHC : de 2 700 à 4 400 par an.
→ VHB : 1 300 décès par an ;
VHC : 2 600 décès par an.
Quasiment tous ces décès sont liés à une cirrhose, associée à un cancer du foie dans un tiers des cas.
Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire (InVs) du 19 mai 2009 (n° 20-21).
J’ai été contaminé par le virus de l’hépatite C lors d’une transfusion sanguine en 1984. Puis-je obtenir une réparation de l’État ? Oui. Le décret du 11 mars 2010 (n° 2010-251) a créé un fonds d’indemnisation ad hoc. Les victimes d’une contamination transfusionnelle (par une transfusion sanguine ou par l’administration d’un médicament dérivé du sang, pour les hémophiles, par exemple) peuvent s’adresser à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), pour une procédure amiable, par lettre recommandée. Jusque-là, le seul recours possible était une procédure contre l’Établissement français du sang, souvent longue, coûteuse et aléatoire.
« La polémique imputant au vaccin contre l’hépatite B le risque de déclencher une sclérose en plaques n’a eu lieu qu’en France, pays où le vaccin a été découvert… Aujourd’hui, à la lumière des différentes études publiées qui montrent qu’il n’y a pas de lien de cause à effet, la polémique s’éteint. Par précaution, on conseille seulement aux personnes ayant un risque familial de développer une maladie auto-immune, en particulier une sclérose en plaques, de réaliser la vaccination le plus tôt possible. Il est très important d’être vacciné pour éviter une contamination par le virus, qui peut entraîner une hépatite fulminante, une hépatite chronique et, à terme, une cirrhose… Je constate, dans ma pratique clinique, que la couverture vaccinale s’améliore et que les patients sont de mieux en mieux informés sur l’hépatite B. Les “Journées hépatites” sont très importantes de ce point de vue. »
Y a-t-il un risque d’être infecté si on pratique un piercing aujourd’hui ? Le risque est aujourd’hui fortement réduit. Le décret n° 2008-149 du 19 février 2008 réglemente les conditions d’hygiène relatives aux pratiques du tatouage et du perçage [cf. ILM n° 262, rubrique Initiatives]. Dorénavant, les personnes pratiquant ce genre d’activité doivent le déclarer à la préfecture de leur département et être habilitées après avoir suivi une formation spécifique. En ce qui concerne le matériel entrant en contact avec la peau ou la muqueuse du client et les supports directs de ce matériel, ils doivent être à usage unique et stériles, ou stérilisés avant chaque utilisation. Enfin, il est interdit de pratiquer ce genre d’actes sur une personne mineure sans le consentement écrit de ses parents ou de son tuteur. Il faut éviter les tatoueurs et les perceurs ambulants.
→ La consommation d’alcool.
→ Le tabac.
→ La polytoxicomanie (benzodiazépines, médicaments, ecstasy, etc.).
→ Un surpoids.
→ Le sexe masculin.
→ Un âge jeune au moment de la contamination (facteur de passage à la chronicité).
→ Un âge avancé (supérieur à 40 ans) au moment du dépistage.
→ Une co-infection avec d’autres virus des hépatites (B, C, D) et/ou avec le VIH.
Le médecin généraliste, choisi comme médecin traitant, remplit et signe avec le patient le protocole de soins permettant une prise en charge à 100 % des soins liés à l’hépatite chronique. Pour cela, il faut que l’hépatite soit reconnue comme une affection de longue durée (ALD), c’est-à-dire qu’elle réponde à ces trois critères : sérologie positive et/ou recherche du virus par PCR positive ; élévation persistante des transaminases depuis six mois ; lésions histologiques d’hépatite chronique active (biopsie).
Ensuite, le médecin traitant oriente vers un médecin spécialiste, hépatologue ou gastro-entérologue. C’est ce dernier qui doit faire la première prescription d’interféron et de ribavirine. Pour la ribavirine, un formulaire d’accord de soins et de contraception doit être signé par le ou la patient(e), avec réalisation, si besoin, d’un test de grossesse.
Le renouvellement du traitement peut être prescrit par tout médecin, généraliste ou spécialiste. Les produits sont disponibles en pharmacie de ville.