L'infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010

 

Une pathologie

Cahier de formation

Le point sur

Pâleur de la peau et des muqueuses, vertiges… L’anémie peut aussi se traduire par des douleurs coronariennes ou d’artérite. Non sans danger, elle est confirmée par l’analyse du taux d’hémoglobine.

Description

Les personnes atteintes d’une infection virale, comme une hépatite ou le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ou d’une maladie chronique comme une MICI sont, on le sait, particulièrement sujettes à l’anémie. Mais c’est aussi le cas des femmes ayant des pertes sanguines abondantes, et du nourrisson prématuré ou dont la mère présente une carence en fer (multiparité). Il existe en effet plusieurs types d’anémie.

Néanmoins, elle se définit invariablement par une diminution du taux d’hémoglobine au-dessous des valeurs normales pour l’âge et le sexe : inférieur à 13 g/dl chez l’homme, 12 g/dl chez la femme, 10,5 g/dl chez la femme enceinte, 14 g/dl chez le nouveau-né, 12 g/dl chez l’enfant, mesuré à l’hémogramme.

Pourquoi l’hémoglobine ?

L’hémoglobine, principal constituant des globules rouges, assure le transport de l’oxygène et d’une partie du gaz carbonique. Et ce qui est important pour l’organisme, ce n’est pas tant le nombre de globules rouges, mais la quantité d’oxygène qu’ils transportent, et, par conséquent, le taux d’hémoglobine par unité de volume de sang. Dans certaines circonstances, cependant, la diminution du taux d’hémoglobine ne va pas refléter une anémie véritable. C’est le cas des hémodilutions (par exemple, dans l’insuffisance cardiaque): le volume du plasma est augmenté alors que le volume total des globules rouges est stable.

Symptomatologie

Les signes dépendent de la rapidité d’installation de l’anémie et de la capacité du système cardiovasculaire et pulmonaire à s’adapter à l’anémie. La pâleur de la peau et des muqueuses peut s’associer à une tachycardie à l’effort pour une anémie modérée ou d’installation lente. Lors d’une anémie sévère (Hb < 8 g/dl) ou d’installation rapide, s’associent une polypnée, un tachycardie au repos, des œdèmes des membres inférieurs, céphalées, vertiges, voire un état de choc. Une anémie peut également être à l’origine de douleurs coronariennes ou d’artérite chez un sujet porteur d’une insuffisance circulatoire artérielle.

Premières analyses

La baisse du taux d’hémoglobine peut résulter de deux mécanismes fondamentaux.

→ Une augmentation des pertes : dans ce cas, les réticulocytes augmentent, témoignant de l’effort de la moelle qui tend à compenser l’excès de perte. On parle d’anémies régénératives.

→ Une diminution de la production médullaire : le taux de réticulocytes n’est pas augmenté. On parle alors d’anémies arégénératives.

Les premiers critères qui permettent de classer les anémies sont le nombre de réticulocytes, puis le volume globulaire moyen (VGM), le volume d’un globule rouge. Une anémie est dite microcytaire quand le VGM est diminué, et macrocytaire quand le VGM est augmenté.

On pourra ainsi distinguer : les anémies microcytaires qui sont aussi arégénératives, les anémies non microcytaires arégénératives et les anémies non microcytaires régénératives. En fonction de ces résultats, d’autres examens seront demandés. Les causes des anémies peuvent être multiples, rendant leur diagnostic délicat.

Anémies microcytaires arégénératives

La microcytose est le reflet d’un défaut de synthèse de l’hémoglobine. Elle peut résulter d’un défaut de fer dans le plasma, d’un défaut constitutionnel de synthèse de la globine (thalassémie), plus rarement d’une anomalie spécifique de la synthèse de l’hème (anémie sidéroblastique génétique).

Anémie par carence en fer

Il s’agit de la première cause des anémies de l’adulte. Le fer sérique est diminué ainsi que la ferritine. La cause la plus fréquente d’une telle anémie est un excès de perte en fer par saignement chronique d’origine gynécologique chez la femme réglée, ou digestive nécessitant une fibroscopie gastrique (avec biopsie duodénale) et une coloscopie, et éventuellement une échographie pelvienne (ulcère, cancer, rectocolite hémorragique, varices œsophagiennes, polypes, fibrome). En l’absence d’un saignement chronique, sont évoqués une malabsorption (maladie cœliaque, maladie de Crohn), des dons de sang répétés, la maladie de Rendu-Osler, le syndrome de Lasthénie de Ferjol, une hémolyse chronique. Les carences d’apport en fer sont exceptionnelles, sauf chez le nourrisson, notamment en cas de prématurité ou de carence chez la mère.

Anémie inflammatoire

Il s’agit de la deuxième cause des anémies de l’adulte. Le fer sérique est bas, associé à un syndrome inflammatoire (augmentation de la vitesse de sédimentation, de la protéine C. réactive et du fibrinogène). L’anémie est la conséquence de la maladie inflammatoire : le fer est retenu dans les macrophages et son passage dans la circulation sanguine est ralenti.

Autres

Le fer sérique est normal ou augmenté. Ce sont l’alpha-thalassémie, la bêta-thalassémie et l’anémie sidéroblastique génétique.

Anémies non microcytaires arégénératives

Les anémies arégénératives sont toujours dues à un défaut de production dans la moelle. Les causes les plus fréquentes sont une insuffisance rénale, une insuffisance endocrinienne, une inflammation à son début, un alcoolisme.

D’autres causes pourront être évoquées sur un myélogramme, et éventuellement sur une biopsie ostéo-médullaire :

→ une absence d’érythroblastes dans la moelle (aiguë : virale, toxique, auto-immune ou idiopathique ; chronique : chez l’adulte, une leucémie lymphoïde chronique, thymome, maladie auto-immune, et chez l’enfant, une maladie de Blackfan-Diamond);

→ une anémie mégaloblastique : présence de mégaloblastes dans la moelle osseuse due à une carence en vitamine B12 et acide folique ;

→ des érythroblastes malformés ;

→ un envahissement de la moelle par des cellules tumorales, une aplasie médullaire, une fibrose médullaire.

Anémies non microcytaires régénératives

Elles peuvent être causées par une hémorragie aiguë ou une hyperhémolyse.

→ Une hémorragie aiguë : c’est le premier diagnostic évoqué.

→ Une hyperhémolyse : la bilirubine conjuguée est augmentée. L’hyperhémolyse est le raccourcissement de la durée de vie normale des globules rouges au-dessous de 120 jours. Les globules rouges sont détruit en raison de : leur forme anormale, par exemple, dans la drépanocytose ; leur membrane anormale, par exemple lorsqu’elle est recouverte d’anticorps (hémolyse immune); leur résistance anormale (anomalie métabolique); leur membrane rompue par une fracture mécanique (dysfonctionnement d’une prothèse valvulaire intracardiaque) ou par une agression chimique.

Les causes sont donc nombreuses et diverses : maladies de l’hémoglobine (drépanocytose, hémoglobines instables, certaines thalassémies), enzymopathies (déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase ou G6PD, déficit en pyruvate-kinase), maladies de la membrane (la maladie de Minkowski-Chauffard ou sphérocytose héréditaire, elliptocytose, acanthocytose, maladie de Marchiafava-Micheli), immunologiques (auto-immunisation, allo-immunisation après transfusion, allergies médicamenteuses), toxiques (intoxication au plomb, médicaments, morsure de serpents), bactériennes, parasitaires (paludisme), mécaniques.