L'infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010

 

Dermatologie

Cahier de formation

Le point sur

Les onychomycoses sont des mycoses de l’ongle. Fréquentes, elles touchent dans 80 % des cas les orteils. Un traitement précoce se justifie pour éviter la diffusion de l’atteinte et la contamination de l’entourage.

Généralités

L’onychomycose est une infection de l’ongle provoquée par des champignons : dermatophytes le plus souvent, levures (Candida) ou moisissures. Atteignant 6 à 9 % de la population générale, c’est la plus fréquente des pathologies de l’ongle. Les autres atteintes de l’ongle ont essentiellement pour cause des microtraumatismes répétés ou un psoriasis (l’atteinte de l’ongle est parfois isolée).

→ Les onychomycoses provoquées par les dermatophytes siègent le plus souvent au niveau des pieds (surtout gros orteil). Très souvent, il existe une atteinte de la plante des pieds ou de l’espace interorteil associée.

→ Les onychomycoses provoquées par les levures touchent le plus souvent les ongles des mains. Elles sont plus fréquentes chez les sujets diabétiques ou immunodéprimés.

→ Les onychomycoses à moisissures sont moins fréquentes (5 % des cas): elles surviennent essentiellement sur un ongle préalablement fragilisé (par une infection à dermatophytes, par exemple).

Les signes cliniques

Ils peuvent être très variables. Typiquement, le champignon pénètre par le bord latéral de l’ongle ou son extrémité libre puis progresse vers la matrice (base de l’ongle).

Un changement de couleur de l’ongle peut survenir (opaque, blanchâtre, mais aussi jaune ou marron), une augmentation de l’épaisseur ou un décollement de l’ongle, un aspect friable.

Les facteurs de risque

→ Différentes pathologies ou traitements favorisent leur apparition : diabète, troubles circulatoires, déficits immunitaires (sida…) ou traitements immunosuppresseurs (chimiothérapies, corticoïdes au long cours…).

→ Des facteurs environnementaux jouent aussi un rôle : milieux humides et chauds des douches collectives, piscines ; pratique de sports de combat pieds nus ; port répété de chaussures de sport ; transpiration excessive…

→ Facteurs liés à l’âge : la prévalence de la maladie dépasse 30 % chez les plus de 60ans (elle est très rare chez l’enfant). Le ralentissement de la vitesse de pousse de l’ongle, les troubles de la circulation sanguine, des déformations des orteils favorisent le développement de l’infection.

→ Il pourrait également exister une prédisposition génétique.

Objectif du traitement

→ En plus de problèmes esthétiques, la mycose peut être à l’origine de douleurs limitant la marche ou la pratique d’une activité sportive.

→ L’infection ne guérit pas spontanément. L’absence de traitement entraîne un risque de contamination de l’entourage (transmission indirecte favorisée par un milieu humide) et de diffusion locale de la maladie (aux autres ongles, à la peau), voire de surinfection bactérienne.

→ Par ailleurs, plus le patient attend pour se traiter, plus l’atteinte progresse et plus la durée du traitement sera longue. D’où l’importance d’une prise en charge précoce.

Stratégie de traitement

En fonction de l’étendue de l’atteinte et de la présence d’une pathologie associée, deux situations peuvent se présenter : soit le patient doit être orienté vers son médecin, soit l’automédication peut être envisagée.

Consultation médicale

→ Selon le degré de l’atteinte : une consultation médicale est impérative lorsque plus de deux ongles sont atteints ou lorsqu’il y a atteinte du tiers proximal c’est à dire le tiers de l’ongle en partant de la base (suspicion d’atteinte de la matrice) ou si l’ongle est gravement endommagé (épaissi ou décollé) ou infecté. Toute atteinte cutanée associée nécessite également un avis médical.

→ En fonction du terrain : en cas de diabète, d’immunosuppression, de pathologie en relation avec une mauvaise circulation sanguine. Dans ces situations, un prélèvement mycologique est le plus souvent réalisé pour confirmer le diagnostic. Les antifongiques locaux sur prescription médicale sont indiqués seuls ou en association aux antifongiques systémiques. Ces derniers sont indispensables lorsque l’atteinte de l’ongle est importante et touche la matrice.

Automédication dans certains cas

Le vernis Curanail 5 %, en vente libre (non remboursé), à base d’amorolfine, est l’équivalent du vernis Loceryl. Ses indications sont limitées à certaines situations : atteinte localisée à l’extrémité distale de l’ongle (partie libre) ou sur le côté (sans atteinte de la base) et touchant au maximum deux ongles.

Le traitement est réservé à l’adulte (plus de 18 ans). Il n’est pas recommandé chez la femme enceinte ni au cours de l’allaitement.

En pratique : la posologie est d’une seule application par semaine sur le ou les ongle(s) atteint(s). Elle s’effectue de préférence le soir (il est préférable de ne pas mettre de chaussures tout de suite après). Une fois sec, le vernis résiste à l’eau et au savon. Avant chaque nouvelle application, éliminer les couches de vernis précédent à l’aide d’un dissolvant et limer toute la surface de l’ongle à l’aide de la lime fournie.

Un mauvais diagnostic expose à un risque de retard de prise en charge de la pathologie (par exemple, application du vernis sur un psoriasis de l’ongle). Si aucune amélioration n’est observée au bout de trois mois de traitement, il est conseillé de prendre un avis médical.

Encourager l’observance

Tous les traitements de l’onychomycose sont longs ! Même si une amélioration est observée en deux à trois mois, il faut poursuivre les applications jusqu’à la repousse totale de l’ongle sain : environ six mois sont nécessaires pour renouveler totalement l’ongle d’une main, neuf à douze mois pour l’ongle d’un pied.

Prévention

→ Pour éviter les récidives (en particulier au niveau des mycoses des pieds): toujours bien sécher les pieds et les espaces interdigitaux après la toilette en utilisant une serviette individuelle, enlever le tapis de bain dans la salle de bain ; décontaminer chaussures et chaussons (poudre antifongique), éviter de porter systématiquement des chaussures de sport en dehors des activités sportives ; laver les chaussettes et serviettes à 60 °C ; prévoir un chaussage pour les lieux publics (sandales dans les piscines, chaussons en gymnase…); traiter une transpiration excessive des pieds.

→ Surveiller régulièrement la plante des pieds, les espaces interdigitaux, les ongles et traiter toute atteinte rapidement.

Les antifongiques sur prescription

Antifongiques locaux : l’amorolfine à 5 % (Loceryl) s’emploie à raison d’une à deux applications par semaine, uniquement sur les ongles atteints ; le ciclopirox 8 % (Mycoster) doit être appliqué chaque soir sur tous les ongles du membre atteint (même les ongles sains); l’association bifonazole-urée à 40 % (Amycor Onychoset) est indiquée lorsque l’ongle est très épais ou décollé. L’urée à 40 % exerce une action kératolytique : l’ongle finit par tomber après une à trois semaines d’application quotidienne.

Antifongiques systémiques : la terbinafine (Lamisil) est indiquée en première intention en raison d’une bonne efficacité et d’une tolérance satisfaisante (hépatites, réactions cutanées et neutropénie sont rares mais imposent l’arrêt du traitement). Le kétoconazole (Nizoral) est réservé aux allergies ou intolérances à la terbinafine du fait de sa toxicité hépatique potentielle. La griséofulvine (active uniquement sur les dermatophytes) est le seul antifongique systémique indiqué chez l’enfant.