L'infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010

 

Votre cabinet

FICHE PRATIQUE

Face au refus de soins d’un patient, quelle attitude l’infirmière peut-elle adopter ? Comment concilier l’obligation professionnelle de soins à laquelle toute infirmière est astreinte et le droit du patient à les refuser ?

Le droit au refus : corollaire du droit au consentement

Conformément à l’article L. 1111-4 du Code de la Santé publique : « Aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. » Ce consentement repose sur une information claire, loyale, appropriée au malade, à sa maladie et au traitement, progressive et évolutive. Il a pour corollaire le droit au refus de soins.

Le refus de soins : quelle attitude pour l’infirmière ?

Si un patient persiste dans son refus des soins, la professionnelle doit, dans un premier temps, s’interroger sur les raisons d’un tel refus. S’il s’agit d’un nouveau patient, le simple fait qu’il ne la connaisse pas peut être une explication. S’il s’agit d’un patient habituel, la recherche des causes du refus sera sans doute plus complexe (situation de douleur mal vécue et non exprimée, perte de confiance, sentiment d’incompréhension, manque d’information, etc.). Quelle que soit la situation, il semble important de ne pas contrarier le patient, d’accepter les raisons de son refus tout en renouvelant ultérieurement la proposition de soins, de suggérer éventuellement au patient un échange pendant la réalisation des soins (faire parler la personne sur son histoire, son passé, ses souvenirs). La menace d’un placement hospitalier accompagné d’une obligation de soins fait parfois réagir les malades, mais c’est une violence à laquelle les professionnelles doivent avoir recours le plus rarement possible. Il s’agit d’une forme de chantage à laquelle certains patients peuvent être sensibles, notamment si le refus repose sur des éléments purement subjectifs (mauvaise humeur passagère par exemple), mais elle peut aussi être source de violences, tant à l’égard des proches que de la personne elle-même (actes d’autodestruction), voire de la praticienne. De même, attention aux attitudes visant à infantiliser le patient (« cessez ce caprice », « vous n’êtes plus un enfant »).

Bien entendu, parfois, différer les soins, même de quelques heures, peut s’avérer impossible et mettre en danger la vie du patient. L’infirmière doit donc, si le malade persiste dans son refus, contacter le médecin traitant ou, si l’urgence commande, ne pas hésiter à prendre les mesures indispensables (prévenir le service des urgences, par exemple).

Le médecin, en cas de refus confirmé de la part de son patient, « doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix » et après avoir tout mis en œuvre « pour la convaincre d’accepter les soins indispensables » (art. 1111-4). C’est donc bien à lui qu’incombe cette obligation légale d’information quant aux conséquences du refus, et non à l’infirmière.

La responsabilité du médecin peut-elle être mise en cause ?

Du fait des termes de la loi, ce type de contestation ne semble plus pouvoir être pénalement retenu. Mais qu’en sera-t-il sur le plan civil ? En cas de décès, pourra-t-on reprocher au praticien de n’avoir pas su persuader le patient ? Il est important qu’il puisse « apporter la preuve par tout moyen » (consultation datée, refus écrit, signé, daté, inscription des faits dans le dossier du malade, conservation des doubles de toute correspondance) qu’il a donné une information appropriée, en particulier sur les conséquences du refus, qui a bien été « libre », « éclairé » et « certain » et qu’il s’est efforcé de convaincre dans l’intérêt du patient.

Des exceptions

Comme toute règle, celle du droit au refus de soins connaît quelques exceptions : « Dans le cas où le refus de traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale risque d’entraîner des conséquences pour la santé du mineur, le médecin délivre les soins indispensables » (art L. 1111-4), en informant le procureur de la République dans le cas du mineur ou du juge des tutelles dans le cas du majeur sous tutelle. Un arrêt du conseil d’État a par ailleurs tenu compte de la difficulté pratique de la décision médicale chez un malade hors d’état d’exprimer sa volonté, dans une situation extrême. Ainsi, la femme d’un témoin de Jéhovah a porté plainte après le décès de celui-ci pour non-respect d’un refus de transfusion exprimé avant l’intervention, le chirurgien ayant été contraint de transfuser le malade au cours de celle-ci. Le Conseil d’État, dans son arrêt du 26 octobre 2001, a considéré que le chirurgien n’avait pas commis de faute : « Compte tenu de la situation extrême dans laquelle M.X se trouvait, le médecin qui le soignait a choisi, dans le seul but de tenter de la sauver, d’accomplir un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état. »

Véronique Sokoloff

Juriste en droit pénal et droit de la santé, formatrice en secteur libéral et hospitalier

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