L'infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010

 

HYGIENE

Votre cabinet

En partant pour sa tournée, l’infirmière prend ses clés de voiture, touche la poignée de la portière, le volant, le levier de vitesse, sa sacoche, la portière encore puis la sonnette et le portillon de chez Mme X dont elle serre la main. Avant d’entamer les soins, elle se lave les mains et les essuie avec le torchon familial. Devrait-elle porter des gants ?

Pourquoi porter des gants ?

Pour se protéger et protéger ses patients. Ce n’est pas aux infirmières qu’on apprendra que de nombreux virus et bactéries peuvent être manuportés. Et donc transmis par les mains. Les gants sont une barrière supplémentaire entre le patient et le soignant, afin que les microbes de l’un n’aille pas chez l’autre, aggravant l’état du patient ou contaminant le professionnel, et parfois ses autres malades*.

Quand faut-il en porter ?

« On nous a appris à faire les prises de sang avec des gants mais, en stage, personne n’en utilisait, explique Guillemette Lachenal, libérale en Haute-Loire. Je n’ai donc pas pris le réflexe d’en porter dès le début. J’en utilisais d’ailleurs encore moins autrefois. Aujourd’hui, si je ne les utilise pas systématiquement, j’en porte toujours dès que je fais une toilette à des gens qui se sont souillés. Je fais peu de pansements très sales, mais j’en mets si je dois graisser la peau d’un patient après un pansement. »

En fait, le type de soins pratiqués influe sur la fréquence du port des gants à usage unique. Magaly Pillot, installée dans le Nord, porte très souvent des gants. Pour ôter les pansements, procéder à des sondages urinaires, des soins de trachéotomie, des aspirations, intervenir sur les chambres implantables, au contact des liquides biologiques et pour les toilettes. Mais pas pour les prises de sang, car elle manquerait, estime-t-elle, de dextérité.

Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (www.has-sante.fr), le port de gants est préconisé lors de :

→ contact avec les muqueuses, une peau lésée, une plaie chronique ;

→ gestes invasifs « n’autorisant pas de procédure no touch » ;

→ risque de souillure par du sang ou d’autres produits biologiques ;

→ lésion cutanée manuelle, « même minime », chez le soignant ;

contact avec un site anatomique porteur d’une bactérie multirésistante.

La HAS précise, en outre, par type de soins, s’il faut employer des gants stériles ou non. En général, les gants stériles sont nécessaires lors de toute effraction de la barrière cutanéo-muqueuse.

Le port des gants est efficace, mais pas à 100 %. D’une part, parce qu’ils peuvent être percés, coupés ou déchirés durant les soins ou avec le temps, d’autre part, parce que leur matériau n’est pas parfaitement étanche. « Ils constituent cependant une barrière supplémentaire qui peut suffire à ce qu’une aiguille, par exemple, n’atteigne pas la peau », explique Vincent Van Nieuwenhove, responsable d’une formation sur le sujet à l’Institut Pasteur de Lille (cf. encadré). Bien sûr, avant de les enfiler, il faut s’assurer qu’ils sont exempts de trous visibles. Et les utiliser dans les règles de l’art : les mettre après s’être lavé les mains, les enfiler et les retirer correctement. Enfin, les propriétés des différents matériaux avec lesquels sont fabriqués les gants influent sur leur efficacité.

Quels gants choisir ?

À condition d’être choisis à la bonne taille, les gants en latex naturel sont assez résistants et assurent sensibilité et dextérité. Mais les protéines qu’ils contiennent peuvent être sources d’allergie, et la poudre, qui fixe ces protéines, en se diffusant dans l’air, peut être inhalée au moment de l’enfilage. Pour réduire les risques d’allergie, il est possible d’utiliser des gants hypoprotéiques non poudrés ou, en cas d’allergie avérée, des gants de substitution sans latex.

Les gants en caoutchouc synthétique ou nitrile possèdent en effet des propriétés de souplesse et d’élasticité proches de celles du latex, ou en néoprène… Mais ils coûtent plus cher. Ceux en vinyle, plus fragiles, offrent une dextérité et une sensibilité moins bonnes.

Effets collatéraux des gants

→ Perte des sensations. « Les sensations ne sont pas les mêmes avec des gants, observe Guillemette Lachenal. On sent beaucoup moins bien les veines, par exemple. Sauf si on a des gants très fins et à sa mesure… Ou alors il faudrait mettre le garrot, sentir la veine sans gant et mettre les gants avant de piquer ? Je n’ai jamais pensé à utiliser des gants pour les toilettes [si les patients ne sont pas souillés, ndlr]. Sans, je juge mieux de la température de l’eau et certains patients m’ont dit qu’ils n’aimaient pas qu’on leur fasse la toilette avec des gants. Pour eux, c’est presque insultant : cela leur renvoie l’idée qu’ils sont sales, qu’on ne peut pas les toucher. »

→ Distance. Magaly Pillot, elle, en porte systématiquement pour les toilettes. « Si j’étais une patiente, je préférerais que mon infirmière porte des gants. Cela permet de conserver une certaine distance vis-à-vis des patients. Et puis j’ai les mains très sensibles à l’eau et au savon. C’est ce que je leur réponds, d’ailleurs, quand ils me font remarquer que mes collègues n’en portent pas. »

Faut-il quand même se laver les mains ?

Si les gants constituent une barrière pour les micro-organismes, la peau en est une autre et elle « doit être maintenue en bon état », insiste l’Institut national de recherche et de sécurité dans une fiche pratique (Gants de protection pour les métiers de la santé, sur le site www.inrs.fr). Le lavage doit absolument être effectué juste avant l’enfilage des gants et juste après leur retrait. Il permet d’éliminer les éventuels micro-organismes qui auraient pu pénétrer sous les gants et y proliférer rapidement, les résidus de poudre, etc. Il réduit donc aussi le risque d’irritation cutanée et d’allergie. Si le lavage est impossible dans de bonnes conditions d’hygiène, une friction avec une solution hydro-alcoolique peut le remplacer. Mais il sera plus malaisé si des gants poudrés ont été utilisés, souligne Vincent Van Nieuwenhove.

Ce qu’il ne faut pas faire

→ Garder ses gants trop longtemps : les gants perdent leurs propriétés protectrices plus ou moins rapidement selon leur matériau. Il faut donc les mettre juste avant le soin et les retirer juste après.

→ Conserver ses bagues ou avoir des ongles longs sous les gants : les bactéries prolifèrent assez rapidement sous les gants.

→ Utiliser les mêmes gants pour plusieurs soins ou plusieurs patients… ou les laver, cela va sans dire !

* Lire le guide de prévention du ministère de la Santé Infections liées aux soins réalisés en dehors des établissements de santé sur le site www.sante.gouv.fr.

UNE PAIRE DE GANTS = 1 geste = 1 patient

Vincent Van Nieuwenhove* organise depuis 2009 une formation en hygiène des soins à domicile. « C’est une formation créée à l’origine pour les services d’hospitalisation à domicile, mais elle convient aussi très bien aux infirmières libérales, souligne-t-il. Elle consiste à rappeler les bases du monde microbien et, plus particulièrement, des infections liées aux soins, y compris les soins à domicile. Nous abordons autant la tenue des soignants que l’hygiène des mains, l’entretien du matériel ou la gestion des déchets. Il faut absolument rappeler que le port des gants a deux buts : protéger le patient lorsqu’on doit réaliser des soins qui exigent un environnement aseptique et protéger le professionnel en cas de contact avec des liquides biologiques, s’il y a un risque de blessure ou d’accident d’exposition au sang ou si le patient est infecté. Quand on va soigner quelqu’un à domicile, on ne connaît pas toujours bien le patient. » Son leitmotiv : une paire de gants, un soin, un patient.

* Chargé d’audit conseil formation en hygiène hospitalière au service d’hygiène hospitalière de l’Institut Pasteur de Lille.