NORD
L’exercice au quotidien
Diane Révéllion, infirmière libérale à Dunkerque, exerce son métier depuis dix-huit ans. Mais elle s’apprête à changer de cap pour enfin s’adonner à sa nouvelle passion : l’ostéopathie.
Brise marine, cris des mouettes, soleil radieux : un décor de vacances idéal. Mais Diane n’a pas vraiment le temps d’en profiter. En ce lundi matin, 9heures, elle rend visite à son quatorzième patient. Après avoir passé quinze ans loin de sa terre natale, Diane, 40 ans, est revenue s’installer à Dunkerque il y a un peu plus de deux ans. Un retour aux sources qui s’explique par la découverte de l’ostéopathie et sa volonté d’exercer ce métier, devenu le sien.
Mais, en attendant de pouvoir s’y consacrer entièrement, « j’exerce mes deux professions : infirmière libérale et ostéopathe », explique-t-elle en s’aventurant au volant de sa voiture dans les rues sinueuses de Dunkerque. Et son emploi du temps est calculé au millimètre près : « Les lundis, mercredis et un week-end sur deux, je suis infirmière libérale, et les mardis, jeudis, vendredis, ostéopathe. »
Cheveux blonds coupés courts, yeux noisette, sourire aux lèvres en permanence, Diane a informé la majorité de ses patients de son autre métier et ils savent qu’un jour ou l’autre, elle ne viendra plus faire leurs soins. Mais, comme pour repousser l’échéance, tous lui disent : « Ce n’est pas pour tout de suite, n’est-ce pas ? » Pourtant, d’ici à cinq ans, Diane compte bien arrêter ses tournées…
La passion pour les soins, Diane l’a depuis l’enfance. « Je voyais souvent les infirmières auprès de mon grand-père malade », se rappelle-t-elle. S’ajoute à cela des problèmes de dos pendant sa croissance. « Tous les ans, j’allais dans un centre de soins faire des examens. L’anatomie, les radiographies, tout cela m’attirait. » À tel point qu’elle hésite à devenir kinésithérapeute. « Mais comme je n’ai pas fait un baccalauréat général, j’ai pensé que cela serait trop compliqué. » Ce sera donc infirmière.
Diane intègre l’Ifsi de la faculté catholique de Lille dont elle sort diplômée en 1992. Après un séjour de deux mois à Paris en tant qu’infirmière salariée – « indispensable pour apprendre le métier » – elle part à Lyon avec une amie. « Nous pensions y travailler une saison, en intérim, et surtout profiter des montagnes à proximité pour faire du ski », avoue-t-elle. Finalement, elle reste six ans et demi au service de réanimation post-chirurgie cardiaque et pulmonaire de l’hôpital de Bron.
Mais Lyon est avant tout la ville où elle découvre l’ostéopathie. Adepte du sport, elle souffre de nombreuses cervicalgies. Et c’est tout naturellement que Diane se rend chez un ostéopathe. Le déclic. « À partir de là, j’ai voulu en savoir plus sur ce concept différent de la médecine traditionnelle. » Ses recherches sur ce métier et une nouvelle passion, la planche à voile, l’ont conduite à demander sa mutation pour Aix-en-Provence où elle s’installe pendant neuf ans. Décidée à devenir ostéopathe, Diane saute alors le pas et reprend les études – dont la durée varie entre cinq et six ans. Avec moins de temps pour la planche à voile, la vie de Diane s’organise désormais au rythme des cours d’ostéopathie et de son métier d’infirmière qu’elle continue d’exercer en parallèle. « J’ai travaillé pendant mes trois premières années d’études aux urgences de nuit, où j’étais déjà depuis quatre ans, et puis, pour des raisons financières, je me suis installée en libérale », commente-t-elle. Diane demande effectivement plusieurs fois, à l’établissement hospitalier où elle travaille, de financer sa formation. En vain. Elle quitte donc l’hôpital pour devenir infirmière libérale remplaçante.
Entre une piqûre et deux pansements, Diane reconnaît volontiers avoir trouvé dans l’ostéopathie ce qui lui manquait. « J’aime le métier d’infirmière car les relations avec les patients sont extraordinaires, mais tout ce qui relève de l’anatomie, de la physiologie reste un peu léger. » Et d’ajouter, enthousiaste : « L’ostéopathie vise à traiter le patient dans sa globalité. Nous ne soignons pas un mal, nous essayons d’aider le patient à retrouver un confort de vie. »
Les ostéopathes travaillent sur l’équilibre du corps humain, qui peut être mis à mal par diverses épreuves du quotidien : les maux de têtes, de cervicales, de dos, le stress. Et, pour les enfants, il s’agit de résoudre les troubles du sommeil, les coliques, les régurgitations ou les déformations céphaliques à la suite d’accouchements difficiles.
Officiellement diplômée en ostéopathie depuis janvier 2009, c’est à Dunkerque que Diane choisit d’exercer son nouveau métier. Accompagnée de son conjoint Laurent, rencontré à Aix-en-Provence et également ostéopathe, elle s’installe dans le même cabinet que lui. Et, dans le local, l’ambiance est nettement moins médicale que lors de la tournée. Musique et huiles essentielles habillent la pièce dans une ambiance zen aux teintes orangées, « pour que les patients soient sereins ». Et si le choix du couple s’est porté sur Dunkerque, c’est parce que « nous voulions nous installer dans une région que je connaissais bien afin d’y retrouver mes proches et où il y a peu d’ostéopathes », rapporte Diane en expliquant que, contrairement au Sud de la France, les ostéopathes se font rares dans le Nord. Ils ne sont qu’une dizaine à Dunkerque alors que la ville compte 70 000 habitants. Une situation qui s’explique notamment par une implantation des écoles d’ostéopathie plus importante dans le Sud de la France ou à Paris. D’ailleurs, cela ne fait que cinq ans qu’une école a ouvert ses portes à Lille. « Les habitants du Nord connaissent peu ce métier et sont peut être moins ouverts aux médecines parallèles », suppose Diane. Profiter de ce déséquilibre démographique est un avantage pour le couple qui doit se constituer une patientèle.
Si Laurent exerce à temps plein depuis avril 2008, ce n’est pas encore le cas de Diane qui n’a qu’une dizaine de patients par semaine alors que l’idéal serait d’en avoir entre vingt-cinq et trente. « En plus, je me suis arrêtée pendant six mois pour donner naissance à notre fils, Hélio. Je reprends peu à peu mon activité d’ostéopathe depuis le mois de février. »
Pour se faire connaître, Diane et son compagnon se présentent aux professionnels de santé de la ville. Mais c’est essentiellement le bouche-à-oreille qui amène le plus de client. Et si le tarif de la consultation, fixé à 50euros, peut influer sur la demande, ce qui inquiète davantage Diane sur le long terme, ce n’est pas tant l’aspect financier, mais la concurrence : « Par rapport à la demande, chaque année, il y a beaucoup trop d’ostéopathes qui sortent des écoles. Il faudrait mettre en place un numerus clausus pour réguler la situation. »
En attendant de pouvoir exercer sa nouvelle profession à plein temps, Diane poursuit son métier d’infirmière libérale. Mais elle n’a pas souhaité se constituer une patientèle en raison de son projet professionnel. « J’ai ma plaque et mes feuilles de soins, mais je suis remplaçante pour une autre infirmière. » Elle l’a d’ailleurs informée, dès le début, qu’elle ne souhaite pas, à terme, récupérer sa tournée. Les deux femmes se partagent donc les patients mais Diane ne s’occupe ni des papiers, ni de la gestion. « Comme nous nous entendons bien, elle voudrait que je reste. Les patients aussi, d’autant qu’ils n’aiment pas que leur infirmière change trop souvent », constate Diane, avant de conclure, la voix calme et posée : « Mais je pense que, pour être professionnelle, il ne faut exercer qu’un seul métier : je me suis beaucoup investie pour devenir ostéopathe, maintenant, j’ai envie d’en vivre. »
Le métier d’ostéopathe a été reconnu dans l’article 75 de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé de mars 2002 (décrets parus au Journal officiel en mars 2007).
Depuis, les ostéopathes ont une pratique réglementée et peuvent être consultés en première intention. En France, la formation des ostéopathes, sous contrôle du ministère de la Santé, est accessible après le baccalauréat. Elle se compose de 1 435 heures d’enseignements théoriques des sciences fondamentales et de biologie humaine et de 1 225 heures d’enseignements théoriques et pratiques de l’ostéopathie. Néanmoins, la loi HPST dispose que les études “préparatoires” doivent être au minimum de 3520 heures, sans préciser s’il s’agit de la durée totale des études ou juste des matières concernant l’ostéopathie. Pour certains syndicats, les 3 520 heures ne doivent prendre en compte que les matières concernant l’ostéopathie, pour atteindre au total 5 000 heures de formation comme dans de nombreux pays européens. Ceci afin de réduire le nombre beaucoup trop élevé d’écoles d’ostéopathes.