Cahier de formation
Savoir faire
Pierre N., 28 ans, en traitement pour une hépatite C, reçoit une injection hebdomadaire d’interféron pégylé. Vous avez rendez-vous avec lui tous les mardis soirs. Mais, ce soir-là, il vous avoue qu’il n’en peut plus, qu’il est toujours très fatigué le mercredi et le jeudi, les deux jours qui suivent l’injection, ce qui s’en ressent dans son activité professionnelle.
Si la priorité de Pierre est son activité professionnelle, vous pouvez lui proposer de pratiquer l’injection le vendredi soir. Mais, dans ce cas, Pierre sera peu disponible le week-end pour des activités : il aura besoin de se ménager et de se reposer. Vous l’incitez à contacter rapidement son médecin pour recueillir son avis.
Un traitement n’est pas toujours nécessaire en cas d’hépatiteB. La décision de traiter dépend de l’âge et de l’état général du patient mais aussi de la charge virale, de l’activité des transaminases et du degré de fibrose. Si ces trois dernières mesures restent normales, une simple surveillance est réalisée tous les trois à six mois. Sinon, un traitement peut être proposé.
Il faut savoir que les traitements permettent rarement de guérir l’hépatiteB, et que, souvent, ils doivent être pris à vie. Mais, dans plus de la moitié des cas, ils permettent de stopper l’évolution de la maladie en bloquant la multiplication virale et en rendant l’hépatite inactive.
Il n’y a pas de traitement de référence. Deux options sont possibles en fonction de la situation individuelle du patient : pour les patients qui ont une charge virale faible, l’interféron pégylé peut être prescrit pour six mois à un an. Mais ce cas de figure est peu commun. Le plus souvent, l’hépatiteB est soignée avec des analogues nucléosidiques et nucléotidiques (lamivudine, adéfovir, entécavir, telbivudine, ténofovir) ; le traitement est prescrit à vie de façon permanente, car on guérit très rarement de l’hépatiteB. Parmi les analogues, le ténofovir et l’entécavir sont privilégiés en première intention, du fait de leur puissante activité antivirale et du faible risque de résistance en cas de traitement prolongé.
Comme pour l’hépatite B, le traitement de l’hépatiteC n’est pas systématique et, le plus souvent, il ne représente pas une urgence. Son éventuelle mise en route doit être décidée en prenant en compte plusieurs considérations : d’une part, la gravité de la maladie et la probabilité que le traitement soit efficace ; d’autre part, la motivation du patient.
L’évaluation de l’état du foie (fibrose, activité de l’hépatite) par la biopsie ou les méthodes alternatives est indispensable, en particulier chez les personnes qui ont un taux de transaminases élevé, pour déterminer l’indication d’un traitement. En cas d’hépatite minime, de transaminases normales, d’absence de fibrose importante, un dosage régulier des transaminases est proposé jusqu’au prochain examen du foie par biopsie ou méthodes alternatives, trois à cinq ans après. En cas d’hépatite minime avec risque de détérioration rapide, ou d’hépatite plus importante (score A ≥ 2 ou F ≥ 2) et, en l’absence de cirrhose décompensée, un traitement antiviral de six à douze mois peut être indiqué. Mais, au préalable, un certain nombre de contre-indications doivent être écartées : atteinte grave du cœur, baisse trop importante des globules rouges, des globules blancs ou des plaquettes sanguines, psychose en évolution ou dépression grave, épilepsie non contrôlée, insuffisance rénale grave, maladie auto-immune, prise de certains médicaments, grossesse ou projet d’enfant en cas de traitement par ribavirine (une contraception est nécessaire jusqu’à sept mois après l’arrêt du traitement).
Un traitement est d’autant plus facilement mis en route, même indépendamment de l’état du foie, que ses chances de réussite sont fortes. C’est le cas quand le virus de l’hépatiteC est de génotype2 ou 3. À l’inverse, certains paramètres augmentent la probabilité d’une mauvaise réponse au traitement : sexe masculin, âge supérieur à 40 ans, consommation d’alcool et/ou de drogues, surpoids. Intervenir sur ces derniers facteurs, lorsque c’est possible, peut être utile avant de commencer le traitement.
Enfin, le succès de la thérapie est fortement lié à l’adhésion du patient au traitement, en particulier les trois premiers mois. Pour cette raison, il est fondamental d’évaluer sa motivation : est-il prêt à accepter un traitement astreignant et fatigant ? Est-il informé sur les effets secondaires et a-t-il conscience de leurs possibles répercussions sur sa vie affective et/ou professionnelle ?
Une consultation préalable chez un psychiatre peut être utile afin de dépister d’éventuels troubles dépressifs susceptibles d’être aggravés par le traitement (voir page 46, partie “L’accompagnement des patients”).
Le traitement contre l’hépatiteC associe deux médicaments antiviraux : l’interféron (IFN), qui fait partie des substances naturellement produites par l’organisme en cas d’agression et qui stimule le système immunitaire, et la ribavirine. Cette “bithérapie” dure de six mois à un an, selon le génotype et la charge virale. Elle permet actuellement de guérir 80 % des cas d’infection par le virus de génotype2, 3 ou 5 et près de 50 % des cas d’infection par le virus de génotype 1 ou 4.
Au total, ce sont 55 % des personnes traitées qui ont une réponse virologique prolongée six mois après la fin du traitement. Parmi les autres, 10 % rechutent au bout de six mois et 35 % sont non-répondeurs (en particulier les personnes touchées par le génotype 1). Pour ces derniers, à défaut de guérison, une stabilisation, voire une régression de la fibrose, peut être obtenue (traitement dit “suppressif” ou “d’entretien”). Par ailleurs, de nouvelles thérapeutiques peuvent leur être proposés dans le cadre d’essais cliniques.
L’administration du traitement
La ribavirine se présente sous forme de comprimés ou de gélules à prendre chaque jour, généralement matin et soir, par voie orale, pendant les repas. Deux marques sont commercialisées : Rebetol® de Schering-Plough et Copegus® de Roche.
L’interféron se présente sous forme d’injections sous-cutanées. Deux produits sont disponibles sur le marché : ViraferonPeg® de Schering-Plough et Pegasys® de Roche. Ils doivent être conservés au réfrigérateur pour rester à une température comprise entre 2 et 8 °C. La forme pégylée, qui allonge la demi-vie du médicament, permet d’administrer une injection par semaine, au lieu de trois pour la forme standard.
Si l’usage de Pegasys® est relativement simple (il s’agit d’une seringue pré-remplie prête à l’emploi), celui de ViraferonPeg® l’est moins. Le produit, qui se présente sous la forme d’un stylo injectable, implique plusieurs phases de manipulation délicates : il faut mélanger le solvant et la poudre, visser, doser et injecter. Le laboratoire Schering-Plough fournit une notice explicative bien faite ainsi qu’un DVD de démonstration. Par ailleurs, une aide téléphonique en direct est disponible (tél.: 0 800 106 106, de 7 heures à minuit, sept jours sur sept ; appel gratuit depuis un poste fixe). Sont également fournis par les industriels un coffret pour récupérer les stylos injecteurs (il s’agit de déchets d’activité de soins à risque infectieux) et un sac isotherme pour le transport.
Un certain nombre de patients préfèrent confier les injections à une infirmière libérale plutôt que de les faire eux-mêmes, du moins au cours des premières semaines. Dans ce cas, les infirmières libérales doivent bien rappeler aux patients qu’il faut sortir le produit du réfrigérateur trente minutes avant. Il peut aussi parfois être conseillé aux aidants d’appliquer un patch de crème Emla analgésique une heure avant l’injection qui peut s’avérer douloureuse.
L’injection se fait en sous-cutané, à un endroit différent à chaque fois (cuisse, ventre, bras). Il est important de toujours injecter l’interféron le même jour de la semaine, si possible à la même heure. Souvent, les jours qui suivent l’injection sont les plus pénibles (syndrome grippal, fatigue…). Il est parfois conseillé de pratiquer l’injection le vendredi soir pour pouvoir être en forme à partir du lundi.
Relativement fréquentes du fait de leur transmission commune par le sang, les co-infections par les virus des hépatites B, C, D et/ou du VIH accélèrent la progression de l’hépatite et augmentent le risque de complications (cirrhose, cancer). Un traitement est donc plus souvent indiqué.
Dans le cas d’une co-infection VIH/VHC, les interactions médicamenteuses, ainsi que les risques de toxicité hépatique de certains anti-rétroviraux, doivent être pris en compte. En règle générale, si l’infection par le VIH n’est pas stabilisée, celle-ci doit être traitée en priorité par des antirétroviraux. Dès que l’immunité est restaurée, une bithérapie anti-VHC associant interféron et ribavirine permet d’obtenir une réponse virologique prolongée dans un tiers des cas. Dans certains cas particuliers, les traitements anti-VIH et anti-VHC doivent être utilisés en même temps, en tenant compte des interactions possibles.
Le ténofovir et l’emtricitabine (Truvada®) sont utilisés pour lutter à la fois contre le VIH et le VHB et sont généralement associés à un troisième médicament actif contre le VIH.
Le traitement est le même qu’en cas d’hépatite C isolée : bithérapie interféron/ribavirine. Le VHB peut toutefois être réactivé en cas de guérison de l’hépatite C : un nouveau traitement par interféron est alors possible.
La greffe du foie, ou transplantation hépatique, est proposée aux patients qui ont une insuffisance hépatique terminale, due à une hépatite fulminante, à une cirrhose décompensée ou à un cancer du foie : le foie n’assure plus correctement ses fonctions et la vie du patient est menacée à court terme.
La greffe ne peut pas être réalisée en cas de défaillance viscérale extra-hépatique (cœur, poumon, cerveau), de déficit immunitaire, d’une infection non contrôlée ou de tumeur maligne extra-hépatique présumée non guérie. La décision prend également en compte l’âge du patient (de préférence inférieur à 65ans), ainsi que son état psychique et sa situation sociale.
Le médecin responsable du centre de transplantation inscrit le patient sur la liste d’attente de l’Établissement français des greffes (EFG) qui régule la distribution des greffons disponibles. Le délai d’attente est très variable : de quelques jours à plus d’un an.
La greffe nécessite un traitement anti-rejet à vie. Ce traitement, dit immunosuppresseur, peut entraîner des effets indésirables : hypertension artérielle, diabète, anomalies de la fonction rénale, cancers ou troubles neuropsychologiques.
Les complications les plus fréquentes, après une transplantation, sont les infections, le mauvais fonctionnement du foie greffé et, presque toujours, une récidive de l’infection par le VHC, mais qui ne remet pas en cause l’utilité de la greffe.