L'infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

Le traitement de l’hépatite B ou C n’est pas systématique. Parfois, une surveillance régulière associée à une bonne hygiène de vie suffit. Sinon, la stratégie thérapeutique est adaptée à chaque patient. Dans tous les cas, un accompagnement est indispensable pour optimiser les chances d’efficacité du traitement, dont les effets secondaires peuvent être lourds, au point de pousser certains patients à abandonner le traitement.

Vous vous rendez chez Alice L., 35 ans, pour la réalisation d’un pansement. Porteuse du virus de l’hépatite B, Alice est pour le moment sous surveillance. Elle vous confie qu’elle vient de rencontrer un partenaire amoureux et que la relation semble sérieuse. Mais ne risque-t-elle pas de contaminer son compagnon lors des relations sexuelles ?

Sa question est pertinente : en effet, l’hépatite B est une maladie sexuellement transmissible (MST) et il faut impérativement utiliser des préservatifs lors des rapports sexuels. Mais, en cas de relation stable avec un partenaire, et en l’absence de prise de risques (usage de drogues…), si son compagnon est vacciné contre l’hépatite B, le préservatif ne s’impose plus. Vous l’invitez à en parler avec son médecin généraliste ou son gynécologue.

HYGIÈNE DE VIE

Même si le médecin, après un bilan médical approfondi, conclut qu’un traitement n’est pas nécessaire et que la vie quotidienne de la personne infectée n’a globalement pas à être modifiée, il faut de même prendre quelques précautions, d’une part pour protéger son foie, d’autre part pour éviter de contaminer son entourage.

Contre-indications médicamenteuses

Certains médicaments peuvent être toxiques pour le foie : c’est le cas des antalgiques ou anti-inflammatoires (aspirine, paracétamol), des médicaments contre les vomissements (Primpéran®), de la théophylline, de certains antibiotiques, des sédatifs, tranquillisants, somnifères et barbituriques, des anticoagulants et des hormones. De même, en cas de traitement contre l’hépatite, certaines associations médicamenteuses sont contre-indiquées. Il est donc nécessaire de demander l’avis du médecin ou du pharmacien avant la prise de tout médicament, qu’il s’agisse d’un médicament vendu avec ou sans ordonnance ou même d’une substance a priori “douce” (extrait de plantes, complément alimentaire, vitamine A). Il est également conseillé d’éviter l’utilisation de certains produits chimiques toxiques pour le foie, tels que solvants, pesticides ou produits en aérosol.

Conseils alimentaires

La consommation d’alcool accélère à la fois la progression de la fibrose et la multiplication du virus : elle est donc fortement déconseillée. S’il existe un problème d’alcoolisme, une prise en charge spécifique peut alors être nécessaire. L’arrêt des drogues et du tabac est également recommandé. Là encore, une aide spécifique au sevrage ainsi que des produits de substitution peuvent être proposés.

Enfin, un régime alimentaire est recommandé en cas d’excès de poids, car ce dernier constitue un facteur de moins bonne réponse au traitement. Dans les autres cas, l’alimentation générale doit simplement être équilibrée.

Protéger son entourage

Le patient n’est pas tenu d’informer son employeur, ni ses collègues, de son hépatite. En revanche, pour éviter tout risque de contamination et recevoir une prise en charge appropriée, il doit prévenir les personnes qui lui délivrent des soins : médecin (y compris médecin du travail), chirurgien, infirmier, dentiste. Tous ces professionnels sont évidemment tenus au secret médical.

Mesures d’hygiène

Les objets usuels (vaisselle, verres, cuvette des toilettes, etc.) ne nécessitent pas de désinfection, mais les objets de toilette susceptibles d’être en contact avec le sang (coupe-ongles, ciseaux, épilateurs, rasoirs, brosses à dents) ne doivent pas être prêtés ni empruntés. Les objets souillés par du sang doivent être placés dans un récipient protecteur (tampons, fil dentaire, aiguilles, pansements) ou désinfectés pendant vingt minutes à l’eau de Javel. En cas de coupure ou de plaie cutanée, il faut désinfecter avec du Dakin® ou de l’eau de Javel diluée à 1/10e, puis effectuer un pansement recouvrant largement la plaie.

Relations sexuelles

En cas d’hépatite B, l’utilisation de préservatifs est nécessaire, car il s’agit d’une MST. Pour l’hépatite C, le risque de transmission par voie sexuelle est rare. Une contamination peut intervenir lors de rapports sexuels avec échanges sanguins directs ou indirects. L’utilisation de préservatifs n’est recommandée qu’en cas d’infection génitale (par exemple, herpès), de lésion ou de rapport potentiellement traumatisant (sodomie), de relation sexuelle pendant les règles si la femme est porteuse du VHC, ou, bien sûr, en cas de co-infection avec le VIH ou le VHB. Une grossesse est possible, mais à distance des périodes de traitement, et sous surveillance médicale pour éviter les risques de transmission de la mère à l’enfant.

Usage de drogues

Enfin, les usagers de drogues par voie intraveineuse ou nasale ne doivent jamais emprunter ni prêter du matériel, qu’il s’agisse de matériel d’injection ou de préparation (aiguille, seringue, paille, coton, cuillère, cupule, eau, etc.). Il leur est possible de se procurer des kits de matériel stérile (Stéribox2® ou Kit+®) en pharmacie, dans des distributeurs automatiques et auprès de certaines associations.

En cas d’hépatite C, une vaccination contre l’hépatite B est fortement recommandée.

SURVEILLANCE

Modalités et objectifs

Pour éviter les complications, une surveillance régulière de l’hépatite est nécessaire, même en l’absence de symptômes et de traitement. Le rythme des contrôles dépend de la sévérité de la maladie et de la présence ou non de certains facteurs aggravants, comme une co-infection. Lors du bilan initial, le degré d’atteinte hépatique, mais aussi l’état général du patient sont contrôlés : dentition et vue, comorbidités et traitements pris, addictions, contre-indications aux traitements. Une vaccination contre l’hépatite A et/ou B peut être conseillée.

Par la suite, l’inflammation du foie est évaluée au minimum deux fois par an (prise de sang ou échographie). Une biopsie (ou un examen par méthodes alternatives) est réalisée en général tous les trois à cinq ans, si le taux de transaminases reste normal et en l’absence de facteurs aggravants. Dans le cas contraire, les biopsies sont plus fréquentes.

En cas de traitement, une surveillance plus rapprochée permet d’en contrôler l’efficacité et la tolérance. Les examens se poursuivent au minimum six à dix-huit mois après la fin du traitement pour vérifier s’il y a eu ou non guérison.

Biopsie et méthodes alternatives

La ponction biopsie hépatique (PBH) est un examen invasif, généralement réalisé sous anesthésie locale, lors d’une hospitalisation de 10 à 24 heures. Il consiste à prélever des cellules du foie (fragment de quelques millimètres) à l’aide d’une aiguille. C’est actuellement le meilleur moyen de connaître avec précision l’état du foie, en déterminant directement l’importance des lésions. Les résultats sont indiqués par le score Métavir (de A0 à A3 pour l’activité inflammatoire, et de F0 à F4 pour le degré de fibrose) ou par le score de Knödell (de 0 à 22).

Mais la biopsie reste une méthode lourde et très coûteuse, susceptible d’erreurs en raison de la répartition hétérogène des lésions sur le foie. Aussi, de nouvelles méthodes, non invasives, ont été développées. Deux d’entre elles ont été validées pour certains patients : il s’agit du FibroTest-ActiTest® qui se sert des marqueurs sanguins, et du FibroScan® (cf. page 40) qui utilise la technique des ultrasons pour mesurer l’élasticité et donc la dureté du foie (indicateur de fibrose).

En cas de cirrhose

En cas de cirrhose (F4 selon le score Métavir), un bilan sanguin et une échographie abdominale sont réalisés au moins tous les six mois pour dépister aussi précocement que possible l’apparition d’une décompensation ou d’une tumeur du foie. Tous les un à quatre ans, un examen par endoscopie est également recommandé pour rechercher des varices de l’œsophage, susceptibles de provoquer une hémorragie.

En cas de cirrhose compensée, l’interféron peut permettre une stabilisation de la fibrose, voire une régression chez 10 à 30 % des patients traités. Sinon, il faut envisager une greffe (transplantation hépatique).

Question de patient

Quel est le virus le plus contagieux ? En se piquant à une aiguille souillée par le sang d’une personne infectée, le risque de contamination est de 30 % pour le VHB, de 3 % pour le VHC et de 0,3 % pour le VIH.