Dr Claude Colas, endocrinologue à Paris (75)
La vie des autres
Dynamique tout en étant calme et douce, le Dr Claude Colas est endocrinologue depuis une trentaine d’années. Installée en libéral dans le VIIe arrondissement de Paris, elle place l’écoute de son patient au cœur de son métier.
Si le Dr Colas a choisi d’être endocrinologue, c’est « parce que je pense qu’on peut toujours offrir une solution aux patients », souligne-t-elle, le sourire aux lèvres. Une caractéristique à laquelle s’ajoute l’aspect « intellectuel, ludique et subtil » de sa spécialité : « Il faut mener une réflexion sur le fonctionnement des hormones, sur la notion de contrôle et de régulation, et comprendre comment l’environnement ou le comportement des gens peuvent intervenir sur une régulation hormonale », s’enthousiasme-t-elle.
L’endocrinologie s’intéresse aux déséquilibres hormonaux, métaboliques et nutritionnels. D’ailleurs, de par sa formation, chaque endocrinologue est également diabétologue et nutritionniste. « Il s’agit d’une science de la vie et non pas juste une spécialité d’organes », rapporte le médecin, en précisant s’être plus particulièrement intéressée à la diabétologie. D’ailleurs, bien qu’installée en libéral depuis la fin de ses études, elle réalise également une vacation d’une demi-journée par semaine au service de diabétologie de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu dans le IVe arrondissement de Paris. « J’aime exercer en libéral car j’ai la liberté de travailler au rythme que je veux. Mais j’ai gardé une activité à l’hôpital pour être au contact d’autres professionnels de santé et continuer à me former. »
Maladies auto-immunes, comme l’hyperthyroïdie ou l’hypothyroïdie, mais aussi hypoglycémie, hyperglycémie ou obésité sont quelques-unes des pathologies pour lesquelles les patients viennent la consulter.
Comment se déroule leur prise en charge ? « Ils peuvent venir me consulter en première intention parce qu’ils pensent avoir décelé un problème en raison d’une histoire familiale de diabète, une surcharge pondérale, la découverte d’une boule dans la thyroïde, une baisse de la libido. » Mais les patients peuvent aussi venir sur recommandation de leur médecin traitant ou d’un autre spécialiste, comme le cardiologue, le gynécologue ou l’ophtalmologue.
Lorsque le diagnostic est établi, l’endocrinologue propose un traitement au patient. Mais il a souvent besoin d’examens complémentaires pour étayer ce diagnostic. Le médecin interroge également le patient sur ses habitudes de vie : fume-t-il, fait-il de l’exercice, à quelle heure prend-il ses repas ? Et trouver le bon traitement nécessite parfois plusieurs consultations. « Dans cette recherche, le ressenti du patient est très important. C’est mon guide, avec les résultats sanguins, pour confirmer ou modifier le traitement », précise le Dr Colas. Parallèlement à cette prise en charge au cabinet, elle adapte régulièrement les traitements par téléphone. « Les conseils téléphoniques sont quotidiens. Le suivi des patients dépasse le cadre de la consultation : cela fait partie de mon métier en libéral. »
Atteint d’une pathologie souvent chronique et inguérissable, le patient bénéficie d’un suivi sur le long terme. « J’ai un impact direct sur la vie de mes patients », constate le Dr Colas. Lorsqu’ils arrivent dans son cabinet, ils n’ont pas toujours des symptômes flagrants. Ils découvrent leur maladie au détour d’une prise de sang et, d’une heure à l’autre, « ils repartent du cabinet avec un traitement lourd ». Et d’ajouter : « C’est en général douloureux pour eux. Leur vie change du jour au lendemain et c’est à nous de les accompagner. » Une réalité parfois difficile à vivre lorsque cela concerne les jeunes personnes ou des femmes enceintes : « Hier, j’ai eu en consultation une jeune femme enceinte de cinq semaines en hyperglycémie, ce qui est dangereux pour le développement de l’enfant. J’ai dû la mettre sous insuline avec quatre injections par jour et une autosurveillance glycémique pendant toute sa grossesse. »
Claude Colas noue une relation de proximité avec ses patients qui ont besoin d’être rassurés et écoutés. « J’entre dans leur intimité, ils se confient beaucoup à moi. Ils savent qu’ils peuvent tout me dire », indique-t-elle, en étant consciente de ne pas pouvoir plaire à tout le monde. Lorsqu’elle n’apporte pas la réponse que les patients souhaitent entendre ou lorsqu’elle leur propose un traitement qu’ils ne veulent pas suivre, « il arrive qu’ils ne reviennent pas me voir ». C’est un tel besoin d’écoute venant des patients qui a poussé le Dr Colas, sous l’impulsion de certains d’entre eux, à créer en 1993 une association, Ose (ose.asso.fr), pour que les diabétiques parlent ensemble de leur pathologie, de leur rapport à leur maladie et à leur traitement. Claude Colas a d’ailleurs observé, en trente ans de carrière, « une évolution dans l’autonomie du patient ». Avec le développement de l’éducation thérapeutique, le médecin peut lui apprendre à gérer sa maladie et adapter son traitement afin de réduire les complications tout en se rapprochant le plus possible du bon équilibre. « C’est un progrès extrêmement important dans notre discipline. »
« Les liens que je peux avoir avec les infirmières libérales sont plutôt téléphoniques : nous ne nous connaissons pas forcément. Je propose à mes patients d’avoir recours à leurs services, s’ils le souhaitent, pour une aide dans leur traitement. Ensuite, elles peuvent m’appeler pour des conseils afin d’adapter les doses d’insuline de l’un de mes patients ou lorsque l’un d’entre eux vient de sortir de l’hôpital. Elles sont le chaînon indispensable au maintien à domicile des patients en difficulté qui ne sont pas encore autonomes ou qui ne le deviendront jamais. Ensemble, nous sommes les acteurs de cette hospitalisation à domicile, rendue possible grâce au protocole que nous mettons en place. Nous tressons un tissu sociosanitaire entre le patient, les infirmières, parfois d’autres professionnels, et nous assurons ce lien pour que le patient soit le mieux soigné et que sa qualité de vie soit préservée. »
« Nous avons une spécialité clinique intellectuelle, de raisonnement », souligne le docteur Colas, également vice-présidente du syndicat national des spécialistes en endocrinologie et maladies métaboliques et nutrition. Elle se bat pour que cet acte intellectuel soit mieux reconnu. Car, actuellement, « l’endocrinologie est la spécialité la plus mal payée en France ». Une consultation en secteur 1 coordonnée par un médecin traitant est remboursée intégralement par la Sécurité sociale à hauteur de 28 € et le revenu annuel moyen d’un endocrinologue est de 43 000 €. « Idéalement, il faudrait que nos consultations soient remboursées à hauteur de 50 à 70 €, ce serait un revenu décent et du même niveau que celui des praticiens hospitaliers. » Pour mener ce combat, le syndicat se rapproche des grandes centrales syndicales « car nous sommes peu nombreux dans notre spécialité, 750 en libéral et 750 en hospitalier. » Un faible nombre qui posera, à terme, un problème de démographie médicale.