POLITIQUE DE SANTÉ
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RISQUES SANITAIRES > À l’occasion des entretiens de Bichat, les membres de l’Académie de médecine ont démontré le rôle néfaste des alertes sanitaires “virtuelles”.
Basées sur une agitation médiatique et faisant peu de cas des données scientifiques, ces crises sanitaires sans victimes avérées, revenant régulièrement dans le débat public, brouillent les messages de santé publique. C’est en tout l’avis des membres de l’Académie de médecine qui ont pris la parole aux entretiens de Bichat, début octobre à Paris.
André Aurengo, chef du service de médecine nucléaire de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a décodé la stratégie des “lanceurs d’alertes professionnels”, en l’illustrant avec l’exemple des antennes de téléphonie mobile. La première étape d’une alerte sanitaire infondée consiste à faire appel à « des études épidémiologiques surinterprétées et des rapports biaisés afin d’accréditer l’idée d’un débat scientifique qu’une expertise officielle tente d’étouffer ».
Dans le cas des radiofréquences, le document contestant les expertises rassurantes émanant de l’OMS, de l’Incirp (International Commission for Non Ionizing Radiation Protection) ou de l’Académie de médecine est le rapport BioInitiative, publié en 2007.
Sous la pression des associations de défense de la sécurité sanitaire défendant « une application dévoyée du principe de précaution », les autorités publiques ont commandé à l’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) une étude visant à faire le point sur l’impact des radiofréquences, et plus particulièrement de la téléphonie mobile.
Au terme de près de 500 pages de démonstration, cette étude, à laquelle ont collaboré les spécialistes internationaux les plus éminents, concluait à l’absence d’effets génotoxiques, mutagènes, cancérogènes ou cocancérogènes des champs électromagnétiques utilisés en téléphonie mobile. Les auteurs du rapport estimaient également que la revendication des associations de réduire l’émission des antennes à 0,6 V/m n’avait pas de fondement scientifique et que la multiplication des antennes ainsi induite pourrait être néfaste.
En octobre 2009, quand la direction de l’Affset a présenté le rapport à la presse, ses conclusions rassurantes ont été escamotées. Au contraire, onze études (sur les 97 considérées comme scientifiquement rigoureuses) affirmant que les radiofréquences avaient un effet sur les fonctions cellulaires ont été mises en avant et jugées « incontestables », alors qu’elles n’avaient été répliquées par aucune autre équipe.
Cette interprétation partiale, bafouant un travail scientifique long de dix mois, peut s’expliquer par le contexte politique : le premier comité de suivi du Grenelle des Ondes allait se tenir et il aurait été fâcheux que les participants associatifs quittent la table des négociations, suite à la publication d’un rapport invalidant leurs propos. Ces considérations vont en tout cas à l’encontre d’une bonne gestion des risques sanitaires.