Gérer la prise d’hormones thyroïdiennes - L'Infirmière Libérale Magazine n° 265 du 01/12/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 265 du 01/12/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

Mme B. a une prescription de pansements digestifs pour des brûlures d’estomac. Elle s’apprête à les prendre en même temps que le Lévothyrox.

Vous lui expliquez que le pansement doit être pris à distance du Lévothyrox car il pourrait en diminuer l’efficacité. Vous lui proposez de continuer à prendre le Lévothyrox le matin à jeun, et de prendre l’autre traitement le soir.

UNE ADMINISTRATION RÉGULIÈRE

Une prise quotidienne

Le malade doit prendre les hormones prescrites tous les jours, même si c’est un traitement complaisant. En effet, la demi-vie d’une hormone thyroïdienne est longue, de l’ordre de six jours. L’oubli du traitement pendant trois ou quatre jours est sans conséquence.

Dans des conditions identiques

Il faut veiller à ce que le patient prenne son traitement dans les mêmes conditions à chaque fois. Il y a une interférence entre l’apport alimentaire et l’absorption de l’hormone. C’est pourquoi on recommande une prise le matin à jeun, idéalement 1 heure avant le petit déjeuner, ou dès le lever. Si la prise est faite dans des conditions différentes, par exemple au début du petit déjeuner, il faut continuer de le prendre au début du petit déjeuner. De même – et surtout s’il existe un risque d’interférences avec beaucoup de prises médicamenteuses ou si le sujet le préfère – l’hormone thyroïdienne peut être prise le soir au coucher. C’est sans doute le moment où le médicament sera le plus actif.

DES ASSOCIATIONS À SURVEILLER

Diminution de l’absorption intestinale

L’absorption de l’hormone est diminuée par le fer (Ferograd, Tardyferon…), le calcium, le magnésium, les pansements digestifs… Il faut donc dissocier ces prises. On peut prendre par exemple l’hormone le matin et le calcium ou le pansement digestif le soir. Si ce n’est pas possible, espacer les prises d’au moins deux heures. Les inhibiteurs de la pompe à proton (Inipomp, Mopral…) réduisent l’absorption acide de l’estomac, ce qui diminue l’absorption de la lévothyroxine. Pour des personnes qui ont un traitement bref par Mopral ou Inipomp, il n’y a pas lieu de changer la posologie. Si c’est un traitement continu, le médecin peut être amené à majorer légèrement l’apport en hormones thyroïdiennes.

Augmentation du métabolisme de l’hormone

Les inducteurs enzymatiques, comme le Gardenal ou le Tégrétol, augmentent la dégradation de l’hormone.

Chez un sujet épileptique, les besoins en hormones peuvent être majorés à cause de l’inducteur enzymatique, à l’instauration du traitement ou en cas de modification de ce dernier.

LE POINT DE VUE DU SPÉCIALISTE

Questions/réponses avec le professeur Jean-Louis Wémeau, endocrinologue à l’hôpital Claude-Huriez (CHRU de Lille).

Faut-il réévaluer les besoins hormonaux d’un patient hypothyroïdien après qu’un équilibre a été trouvé ?

Les besoins en hormones thyroïdiennes sont fixes. Et, globalement, lorsqu’on a trouvé le bon équilibre, il n’y a pas lieu de varier l’apport en hormones. Ces besoins sont proportionnels au poids, entre 1,6 et 1,7 mg/kg/jour. Pour les femmes, en général, c’est proche de 100 mg, et 150 mg pour les hommes. Une fois qu’on a trouvé la dose, attestée par la normalité du taux de la TSH, on ne se demande plus si les besoins augmentent ou diminuent, ils sont fixes. Un contrôle après six mois, puis annuellement, du taux de TSH est suffisant. Il faut cependant se méfier des interférences avec d’autres médicaments qui modifient l’absorption ou le métabolisme de l’hormone thyroïdienne. D’importantes variations du poids modifient aussi les besoins hormonaux, tandis que, chez le sujet âgé, les besoins sont réduits (proches de 1,3 µg/kg/jour).

Un patient traité par des hormones thyroïdiennes peut penser, lorsqu’il ne se sent pas bien, que son équilibre hormonal est perturbé. Que peut-on lui dire à ce sujet ?

On peut dire au malade que lorsqu’il est bien substitué et bien équilibré, ce qui lui arrive ne vient plus ni de la thyroïde, ni du traitement. Quand le malade n’est pas bien et souffre de fatigue ou de crampes, qu’il n’a pas le moral, il peut penser que c’est la thyroïde qui est déréglée. Or chez un sujet hypothyroïdien qui prend des hormones, cela ne peut pas être la thyroïde. Il ne peut pas se mettre en hyperthyroïdie puisqu’il est hypothyroïdien. Il ne peut pas se mettre en hypo- puisqu’il prend l’hormone. Il faut savoir que de petites variations de la TSH n’ont pas une grande signification et ne sont pas nécessairement une indication à changer la dose du médicament. C’est seulement au dessus de 10 mUI/L de TSH qu’on ressent l’hypothyroïdie et en dessous de 0,1 mUI/L qu’on ressent l’hyperthyroïdie.

Y a-t-il des patients difficiles à équilibrer ?

Un patient qui ne prendrait pas correctement son traitement, souvent par méconnaissance des interférences avec d’autres médicaments. Certains malades atteints d’une hypothyroïdie auto-immune révèlent d’autres maladies auto-immunes. C’est le cas, par exemple, des gastrites atrophiques avec des anticorps contre l’estomac, ou de la maladie cœliaque avec des anticorps contre l’intestin, qui sont des facteurs de moins bonne absorption de l’hormone. Les besoins en hormones sont alors augmentés alors qu’ils prenaient bien leur traitement.

Quelques très rares malades ont des mauvaises absorptions de l’hormone pour des raisons mal connues. Chez certains, sans inconvénient, les apports seront majorés à 200, 300, jusqu’à 600 mg, pour pouvoir obtenir l’équilibre.