L'infirmière Libérale Magazine n° 265 du 01/12/2010

 

LOIRE-ATLANTIQUE (44)

Initiatives

La porte ouverte aux autres, c’est le mode de vie qu’a choisi Anne-Françoise Poulin. Cette infirmière de 39 ans, qui a ouvert en 2007 deux gîtes dont l’un est adapté aux normes handicapées, cherche, avec ses deux activités, à allier plaisir et utilité.

Après dix ans passés à arpenter les couloirs des métros parisiens pour se rendre à son travail à l’hôpital et amener son fils à la crèche, Anne-Françoise a dit stop : « Nous avions l’impression, avec mon mari Stéphane, de ne plus avoir le temps de rien. » Il était temps de rentrer à Guérande, qu’Anne-Françoise avait quitté pour suivre son futur mari et faire ses études d’infirmière pour Paris.

De retour au pays des marais salants, à proximité de l’océan et des longues plages de sable blanc, le couple s’est installé en 2000 à Kerhuet : dans ce hameau situé à trois kilomètres de Guérande et à cinq kilomètres de La Baule dans les terres, « on n’a plus besoin de partir en vacances quand on est ici », glisse Anne-Françoise. D’ailleurs, en arrivant à Kerhuet, le couple a acheté une maison sur un grand terrain, avec, en tête, un projet : la construction d’un gîte. Mais sa concrétisation n’était pas encore d’actualité…

En effet, Anne-Françoise fait des remplacements en libéral pendant six mois. « J’ai d’abord demandé du travail dans les hôpitaux publics du secteur, mais je n’en ai pas trouvé, explique-t-elle. Puis le libéral s’est imposé à moi. Et heureusement, car je crois que je n’aurais jamais osé le découvrir autrement. » Quant au choix du métier, il s’est également imposé de lui-même. « J’avais une maman qui n’était pas particulièrement en forme et je me suis toujours sentie coupable de ne pas avoir pu l’aider autant que je l’aurais souhaité. C’est donc naturellement que je suis devenue infirmière. » Aujourd’hui, Anne-Françoise apprécie de partager du temps avec ses patients. « Ce n’est pas de l’indiscrétion mais on connaît leur vie, on entre dans leur intimité. Et humainement, c’est très intéressant car il y a un échange de connaissances. Je n’ai plus mes grands-parents et cela me fait plaisir d’entendre des histoires de leur époque », raconte-t-elle en soignant un patient qui allait à l’école avec son grand-père.

Le choix d’un mode de vie

Après avoir effectué des remplacements pendant six mois, une infirmière lui a suggéré de racheter sa clientèle. Proposition qu’Anne-Françoise a accepté, non sans quelques hésitations. Elle est désormais associée à deux autres infirmières, au sein d’un cabinet rattaché à une maison médicale. Les trois partenaires, qui ont sectorisé leur clientèle afin de ne travailler que sur La Baule centre, se partagent le planning du mois en trois : chacune travaille ainsi dix jours, et rarement après 19 heures car elles ont décidé de ne pas effectuer les couchers des patients. Le choix de ce rythme de travail permet aux infirmières d’être en accord avec une philosophie de vie qu’elles partagent. « Nous ne travaillons pas pour amasser de l’argent mais pour une qualité de travail et de vie, indique Anne-Françoise à l’aube, dans les rues de La Baule. Nous avons toutes des enfants encore petits et nous souhaitons nous en occuper. »

Car, bien que passionnée par son métier, Anne-Françoise reconnaît volontiers avoir besoin de temps pour elle, pour son bien-être et celui de ses patients. Sensible, empathique et peu avare d’attention à l’égard de ses patients, elle s’explique : « Être infirmière est un très beau travail si on parvient à prendre du temps pour se ressourcer et se reposer ; sinon, je ne pense pas qu’on puisse le faire correctement. » Et d’ajouter : « Pour moi, être bien avec mes patients, c’est être bien avec moi-même. Je ne peux pas imaginer arriver chez eux en étant épuisée, d’autant que je mets toute mon énergie positive dans mon métier. » Pour s’évader, Anne-Françoise n’a pas besoin de chercher très loin : ses trois enfants de 11, 7 et 4 ans s’en occupent ! « Quand je rentre chez moi, je suis tellement happée par le reste que cela me permet d’oublier mon travail le temps d’un moment. » Et si ce n’est pas ses enfants, le chantier de leur nouvelle maison a de quoi l’occuper amplement.

La concrétisation d’un rêve

Travailler uniquement dix jours par mois comme infirmière donne l’opportunité à Anne-Françoise de se consacrer entièrement à une seconde activité : deux gîtes qu’elle a ouverts avec son mari en juin 2007, la Maison des bois flottés. « Ces gîtes, c’est ce que nous voulions depuis très longtemps avec mon mari. Cette envie d’accueillir, d’ouvrir notre maison aux autres, faisait partie de notre projet de vie quand nous nous sommes mariés. »

Ainsi, après plusieurs années de réflexion, de discussions, d’interrogations et la mise au point d’un plan avec un architecte, Anne-Françoise et Stéphane se sont lancés dans la réalisation de leur rêve. En six mois, deux gîtes de 47 et 70 m2 sont construits, dont l’un reçoit le label Tourisme & Handicap, permettant d’accueillir les personnes malentendantes, handicapées mentales et à mobilité réduite. Le couple, qui s’est occupé de l’agencement intérieur, a en effet décidé de respecter les normes handicapées, notamment en adaptant la taille des portes au gabarit des fauteuils roulants ou en construisant une salle de bain équipée d’une douche à l’italienne. « Cette idée du gîte adapté est en lien direct avec mon travail d’infirmière. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour ces familles qui ne partent plus en vacances parce que l’un de leur membre a été victime d’un accident. »

Sans se comporter comme une infirmière avec les vacanciers, Anne-Françoise les rassure néanmoins en amont sur l’adaptation du gîte en leur expliquant qu’elle connaît, par son métier, les exigences requises pour l’accueil de personnes handicapées. Elle n’hésite pas non plus à utiliser son réseau local pour mettre ses clients en relation avec les aides-soignantes et les infirmières dont ils ont besoin pendant leur séjour.

En plus de cette structure adaptée, le couple a construit les gîtes dans un réel souci de développement durable et de respect de l’environnement. « Nous voulions qu’ils soient recyclables au maximum », fait savoir Stéphane. Enduits à la chaux, murs en biobriques, peintures avec éco-label, isolation en chanvre et en liège, sont quelques-uns des matériaux utilisés pour la construction. Motivés, les propriétaires ont également créé leur station de phytoépuration pour l’assainissement des eaux. Et ils ne comptent pas s’arrêter là. Ils souhaitent accentuer le développement éthique et durable de leurs constructions et réfléchissent à l’installation de panneaux solaires.

De nouveaux gîtes en prévision

Une idée qui prendrait forme avec les nouveaux gîtes qu’ils envisagent de bâtir. « Nous avons déjà un projet dans les cartons avec le même architecte », avoue Anne-Françoise. Et précise qu’ils songent à rénover, d’ici quelques années, leur ancienne maison en deux autres gîtes respectant également les normes handicapées : « Les deux premiers marchent bien, ce serait dommage de ne pas aller plus loin. » En effet, la première année, les propriétaires ont craint de ne pas remplir le carnet des réservations, mais l’angoisse a vite été dissipée. Le couple, qui s’était fixé un taux de remplissage de vingt-trois semaines pour les deux gîtes, a finalement loué pendant soixante semaines. D’année en année, les réservations augmentent et, pour l’été prochain, elles affluent déjà, grâce au bouche-à-oreille notamment. Car si Stéphane et Anne-Françoise ne touchent réellement la clientèle handicapée que depuis cette année, « une fois satisfaits, les clients en parlent autour d’eux ». D’autant que les structures de vacances adaptées sont peu nombreuses en France.

Novices dans le milieu de l’hébergement mais ravis de découvrir un nouveau métier, Anne-Françoise et Stéphane ne rechignent pas à se former en se rendant à des conférences d’informations du comité départemental du tourisme de Loire-Atlantique sur la qualité de l’accueil, l’attente des clients, la communication. Les propriétaires n’ont pas créé les gîtes dans un but pécuniaire, mais pour faire plaisir et se faire plaisir. « L’activité des gîtes est complémentaire à mon métier d’infirmière : d’un côté, je m’occupe de gens qui vont mal et, de l’autre, je fais découvrir une région que j’aime à des vacanciers. C’est aussi un moyen pour moi de me ressourcer. »

À terme, le couple souhaite que l’un d’eux lève le pied sur sa profession initiale : l’entretien du gîte prend du temps, notamment le samedi, lorsqu’il faut s’occuper du départ des clients, faire le ménage et accueillir les nouveaux vacanciers. « Mais je pense que ce sera davantage mon mari car j’aurai toujours besoin d’avoir un contact avec mes patients. »

Contact

Gîtes labellisés

Clévacances

Tourisme et Handicap

→ Anne-Françoise et Stéphane Poulin

Maison des Bois Flottés, 49, route de Kerhuet, 44 350 Guérande

Tél. : 02 40 42 98 06

Mob. : 06 84 39 67 11