Guy Avril, médecin en Charente (16)
La vie des autres
Guy Avril, généraliste, a privilégié durant sa carrière les médecines dites alternatives. Dans l’ayurveda, il a trouvé une science de sagesse consacrée à la santé des hommes. Les principes préventif et curatif de ce médecin, souvent décrié par l’Ordre, ont convaincu ses patients.
« Je suis persuadé que l’on est malade par l’assiette et que l’on peut aussi guérir dans l’assiette. » Ce principe de l’ayurveda, dont découlent les médecines traditionnelles chinoise et tibétaine, le médecin l’a découvert lors de séjours en Inde. Par la suite, il a suivi des cours à l’Institut européen d’études védique où il a été initié, entre autres, à la cuisine ayurvédique. Il y a pris conscience que bon nombre de maladies pouvaient être évitées par le régime végétarien, « alors que nous nous empoisonnons avec des poissons et de la viande bourrés aux hormones de croissance, à la cortisone ou aux métaux lourds… ».
Les épices – curcuma, gingembre, poivre, curry, safran, moutarde, chili, cardamome, cannelle… – ajoutent leur note verte, rouge, orange, marron… Mais, « outre la couleur, ces épices utilisées quotidiennement en petite quantité sont stomachiques, anti inflammatoires, antibiotiques, antioxydantes, anticancéreuses et même aphrodisiaques », résume-t-il. Et pas seulement : elles ont un rôle à la fois préventif et thérapeutique.
Quand le médecin prend sa retraite anticipée, un peu forcé par l’étau des contraintes réglementaires, il décide de se faire plaisir et de découvrir d’autres médecines. Dans la forêt équatorienne, par exemple, il travaille dans un dispensaire où officie un chaman et il y apprend l’usage de certaines plantes. En Amazonie, il vient avec des graines confiées par Pharmaciens sans frontières, qu’il plante et qu’il enseigne aux villageois à changer en teinture mère. Il part ensuite en Inde dans une léproserie, créé par un ancien avocat indien, qui accueille 600 personnes.
Il y travaille avec le fils de l’avocat, médecin, et prodigue ses soins à des handicapés en sari. « Dans les hôpitaux ayurvédiques, les patients sont uniquement soignés de façon naturelle, même pour des maladies graves. Et ça marche. » Lors de séjours dans le sud du pays, Guy Avril a intégré les principes de la nature profonde (prakriti en indien) qui caractérise chaque être humain et qui se décline en Vata, Kapha, Pitta. « On naît avec une nature première et l’on ne doit pas en déroger. Un Vata qui devient Kapha ou Pitta est malade. » Le médecin s’est déjà rendu huit fois en Inde, pour des stages dans les hôpitaux ou dans des centres ayurvédiques, et a beaucoup consulté avec des médecins indiens. Il a parfaitement intégré la philosophie ayurvédique qui associe diététique, pranathérapie – pour rééquilibrer l’énergie – et marmathérapie – un équivalent de l’acupuncture qui soulage avec les doigts.
Pendant toute sa carrière de généraliste, Guy Avril a soigné avec des huiles essentielles, des gélules de plantes et des médecines alternatives. Fils d’agriculteur, reçu major à Santé navale, le jeune médecin avait très vite quitté la ville pour s’installer à la campagne, en Charente. « Je me suis rendu compte que les gens guérissaient de maux après avoir consulté un naturopathe, suivi des conseils simples et utilisé des remèdes préparés avec des plantes, alors que la médecine conventionnelle ne leur avait apporté aucune amélioration… » Formé dès les années 1980 en phytothérapie, en aromathérapie, en réflexothérapie et en diététique, Guy Avril a suivi un cursus de médecine traditionnelle chinoise à Shanghaï en 1985… et a pris le parti, dans son cabinet, de soigner le plus naturellement possible, malgré les rappels réguliers du Conseil de l’Ordre, et quelques interdictions temporaires. « Je faisais mes prescriptions, le pharmacien avec ses poudres concoctait les gélules à une époque où ces médicaments étaient encore remboursés », évoque-t-il. La période a connu le coup de grâce dans les années 1990. Le médecin, retraité prématuré, continue de prescrire à la demande de certains patients, et à se former… Mais « j’ai aujourd’hui du mal à trouver un pharmacien à même de préparer ce que je demande ». Guy Avril reste persuadé que la recherche des causes profondes de la maladie est une étape indispensable. Dans sa pratique, il s’est systématiquement efforcé d’observer comment fonctionne la personne, où elle se situe dans sa propre vie, dans sa famille. « Si vous n’êtes pas à la bonne place dans la vie, alors vient la maladie », affirme ce médecin, pour qui l’énergie circulante de l’individu est à prendre en compte au même titre que la tension, l’écoute du cœur, la palpation d’un ventre douloureux ou d’un sein, à une époque où nombre de médecins ne déshabillent plus leurs patients : « Il est plus facile de réduire le malade au seul plan physique et le corps humain à une usine chimique. » Cet érudit, qui a été pompier, ne remet pas en question la médecine d’urgence “qui sauve”. « Si j’ai substitué les médecines alternatives à la médecine allopathique occidentale, je n’ai jamais délaissé les outils et les technologies modernes. » Il s’est dit pris entre deux feux : dispenser les soins les plus naturels possibles et la loi. « Il est moins risqué d’empoisonner un malade avec des produits chimiques autorisés qu’avec des plantes », continue-t-il de penser.
« J’ai travaillé toute ma vie avec des infirmières, mais elles ont du mal à mettre en pratique cette médecine. Je me souviens d’un patient souffrant d’une gangrène : je le soignais avec des huiles essentielles. J’avais suggéré aux infirmières de lui faire des cataplasmes avec un mélange d’huiles de mélaleuca, de tea tree, etc., préparé en pharmacie. Je leur ai souvent montré des soins, parlé de diététique, donné des conseils en cas de maladie cardiovasculaire ou diabétique. Sur huit infirmières, une seule a accepté de soigner le patient avec des huiles essentielles : elle avait pu constater qu’un tel traitement coûtait moins cher et qu’il était en outre très efficace. Les infirmières libérales sont bien placées pour faire ce travail. Il faut leur montrer la voie et les mettre en confiance. Une de celles avec qui j’ai travaillé a pris ce parti : elle nettoie les plaies avec des huiles essentielles. Une autre a même évolué différemment : elle a suivi une formation en sophrologie et en médecines douces et a évolué vers d’autres métiers. Mais la plupart ont peur de la loi. »
Féru de médecines parallèles, Guy Avril a déjà publié plusieurs livres, dont une Encyclopédie des thérapies naturelles. Dans son dernier ouvrage, 22 épices pour préserver la santé (éd. Terre vivante), fruit de ses voyages et recherches en Inde, il insiste sur le rôle fondamental des épices dans la diététique, tant sur le plan curatif que préventif. Depuis l’ail et la vanille, en passant par le carvi carminatif, le fenugrec hypoglycémiant, le safran anti-dépressif ou le gingembre digestif et anti-spasmodique, le médecin a sélectionné celles qui présentent un intérêt majeur pour la santé. Dans ce livre très didactique, concis et bien illustré, le docteur Avril propose une route des épices les plus accessibles, à travers 100 recettes de soins médicinaux et 40 recettes de cuisine.