L'infirmière Libérale Magazine n° 265 du 01/12/2010

 

SECRET MÉDICAL

Votre cabinet

Le secret médical est la base de la relation de confiance entre le patient et le soignant. Il est aussi l’un des fondements de la médecine libérale et s’applique à tous les professionnels de santé, et par conséquent aux infirmières libérales. Il s’agit d’une obligation à la fois juridique et éthique.

Le cadre juridique du secret médical

Généralités

Le secret médical couvre toutes les informations relatives à un patient. Il s’agit non seulement de tout ce qui a été confié, vu, entendu, compris, voir interprété, relatif à la pathologie (déclarations du malade, diagnostics, thérapeutiques, pronostics, médicaments), mais également tous les éléments de la vie privée du patient auxquels l’infirmière a pu avoir accès dans le cadre de ses interventions à domicile (confidences des familles, conversations surprises lors d’une visite, etc.). Il convient par ailleurs de prendre garde à ce qui est raconté sur les blogs ou les réseaux sociaux via Internet, et de ne jamais oublier que, sur la toile, tout reste et tout se voit.

L’article L. 1110-4 du Code de la Santé publique (CSP), inséré par la loi du 4 mars 2002 dispose : « Toute personne prise en charge par un professionnel […] a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel de santé […]. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »

En ce qui concerne les infirmières

Il en est ainsi de l’article R. 4311-1 du CSP qui dispose que, dans l’ensemble de leurs activités, « les infirmiers et infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret professionnel. Ils exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur éducatif ».

Citons également l’article R. 4312-4, issu du décret 93-221 du 15 mars 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmières, qui dispose que « le secret professionnel s’impose à tout infirmier ou infirmière et à tout étudiant infirmier dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, lu, entendu, constaté ou compris. L’infirmier ou l’infirmière instruit ses collaborateurs de leurs obligations en matière de secret professionnel et veille à ce qu’ils s’y conforment ».

Quant au futur Code de déontologie, son article 5 reprend le contenu de ces mêmes dispositions, rappelant par ailleurs que le secret ne peut être opposé au patient. Ainsi, un professionnel ne peut refuser d’informer ce dernier, sous prétexte du respect dudit secret. Il précise que, conformément à l’article L. 1110-4 du CSP, les informations concernant un patient pris en charge dans un établissement de santé par une équipe de soins sont réputées confiées à l’ensemble de cette équipe. Hors structure, l’infirmier peut échanger avec d’autres professionnels de santé des informations relatives à un patient commun, afin soit d’assurer la continuité des soins, soit de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Le patient doit être préalablement informé de ce partage d’informations et peut s’y opposer. Il relève par ailleurs de la responsabilité de l’infirmière de veiller à ce que ses collaborateurs respectent le secret professionnel.

Les dérogations au respect du secret

Le secret s’impose envers la famille et l’entourage. Cependant, « en cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part » (article 1110-4 du CSP).

La loi du 4 mars 2002 a introduit la notion de personne de confiance, désignée par le patient, qui peut accompagner ce dernier dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux, afin de l’aider à prendre ses décisions, sans que le secret médical ne puisse lui être opposé.

Le secret professionnel perdure après la mort du patient. Toutefois, l’article L. 1110-4 alinéa 7 déroge à ce principe en autorisant l’accès aux informations médicales aux ayants droit, sous réserve que le patient ne s’y soit pas opposé de son vivant. Cette demande doit être justifiée par la volonté de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits. Certaines déclarations sont obligatoires : notamment les décès, les maladies professionnelles, les accidents de travail, les maladies contagieuses. Les infirmières libérales peuvent par ailleurs être concernées, mais de plus en plus rarement de nos jours, par les déclarations obligatoires de naissance.

Tout professionnel est autorisé à déclarer aux autorités judiciaires ou administratives des faits qui peuvent avoir des conséquences graves pour certaines personnes. Il s’agit notamment des privations ou sévices infligés à un mineur de moins de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger, compte tenu de son âge ou de son état physique. C’est ce que rappelle, pour les infirmières, l’article R. 4312-7 du CSP : « Lorsqu’un infirmier ou une infirmière discerne dans l’exercice de sa profession qu’un mineur est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger, en n’hésitant pas, si cela est nécessaire, à alerter les autorités médicales ou administratives compétentes lorsqu’il s’agit d’un mineur de 15 ans. » Certes, cette révélation n’est que facultative, mais en cas de non-dénonciation, l’infirmière libérale pourrait être poursuivie pour non-assistance à personne en péril (article 223-6 du Code pénal). Attention, car hors les catégories visées ci-dessus (mineurs de moins de 15 ans et personnes vulnérables), un tel signalement au procureur de la République n’est possible qu’avec l’accord de la victime.

Le secret médical et la justice

L’infirmière libérale mise en cause dans le cadre d’une procédure contentieuse (responsabilité médicale, par exemple) est autorisée à révéler, mais avec prudence, les informations nécessaires à l’instruction de cette procédure.

En effet, le secret professionnel ne peut faire obstacle au respect prioritaire des droits de la défense. Toutefois, elle s’astreindra à ne mentionner que les renseignements indispensables à la défense de ses intérêts.

Une infirmière appelée à témoigner devant un tribunal correctionnel ou aux assises doit se retrancher derrière le secret et refuser de divulguer des informations relatives à un patient. Nul ne peut l’en délier, pas même le juge ou le patient lui-même. En effet, le secret est absolu et son respect strictement encadré par la loi. Il n’appartient ni au patient, ni au professionnel qui n’en est que le dépositaire.

Dans le cadre d’une enquête, le juge peut demander, sur réquisition, la saisie du dossier du patient. La perquisition sera effectuée par les autorités judiciaires, au cabinet de l’infirmière, en présence non seulement de la professionnelle, mais également d’un représentant du Conseil de l’Ordre infirmier. Son rôle est de vérifier que la saisie ne porte pas atteinte au secret professionnel pour les dossiers qui ne sont pas concernés par la procédure.

Les sanctions de la violation du secret professionnel

La violation du secret professionnel est réprimée par l’article 226-13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » Par ailleurs, conformément à l’alinéa 5 de l’article L. 1110-4 du CSP : « Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » De telles dispositions permettent ainsi de poursuivre des personnes (employeurs, assureurs, etc.), indépendamment de l’identification du professionnel qui n’aurait pas respecté son obligation de secret.

Enfin, tout patient peut assigner un professionnel devant les juridictions civiles et demander des dommages et intérêts s’il peut apporter la preuve que la révélation d’une information couverte par le secret professionnel lui a porté préjudice.