L'infirmière Libérale Magazine n° 266 du 01/01/2011

 

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FICHE PRATIQUE

L’hospitalisation à la demande d’un tiers est une mesure qui s’applique aux personnes atteintes de troubles mentaux qu’il faut protéger contre elle-même. Détails.

L’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) constitue, avec l’hospitalisation d’office (HO), l’un des deux modes d’hospitalisation sans consentement. Le cadre juridique de cette hospitalisation est défini aux articles L. 3212-1 à 3212-12 du Code de la Santé publique (CSP). Un patient peut faire l’objet d’une mesure d’HDT si ses troubles mentaux, constatés médicalement, rendent impossible son consentement et si son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.

Pièces indispensables à l’admission

Pour que le patient soit admis en établissement spécialisé, la loi exige la production de trois documents.

→ Une demande, impérativement manuscrite, rédigée par le tiers qui sollicite l’hospitalisation : elle doit être datée, signée, comporter les nom, prénom, profession, âge et domicile du demandeur et de la personne à hospitaliser et mentionner le degré de parenté ou la nature des relations entre les parties concernées. Elle peut ainsi émaner d’un membre de la famille, mais aussi d’un voisin, voire d’un professionnel de santé, dès lors que ce dernier n’exerce pas dans l’établissement d’accueil. L’infirmière libérale est parfois sollicitée par la famille pour rédiger une telle demande. Cette sollicitation obéit à une double motivation : d’une part, la crainte de prendre une décision souvent lourde de conséquences pour la personne hospitalisée qui lui sera ultérieurement reprochée et, d’autre part, la confiance placée dans la professionnelle de santé, jugée plus à même d’évaluer l’impact de ce placement sur le patient. Son intervention peut permettre de dédramatiser une situation délicate et l’opportunité de rédiger ou non cette demande relève de la seule appréciation de l’infirmière.

→ Deux certificats médicaux, datant de moins de quinze jours. Le premier certificat peut être établi par tout médecin extérieur à l’établissement. Il peut donc s’agir du médecin traitant du patient. Il va constater l’état mental de ce dernier, indiquer les particularités de sa maladie et la nécessité de le faire hospitaliser sans son consentement. Le second certificat peut être rédigé par tout praticien, exerçant ou non dans l’établissement, sous réserve qu’il ne soit pas parent ou allié (et ce, jusqu’au quatrième degré !) du premier médecin, de la personne qui demande l’hospitalisation, de la personne hospitalisée ou du directeur de l’établissement d’accueil. Soulignons qu’en situation de péril imminent pour la santé du patient, dûment constaté par un médecin, l’admission peut être prononcée sur présentation d’un seul certificat.

La décision

La décision d’admettre une personne en HDT incombe au directeur de la structure qui veille au bon accomplissement des formalités légales en examinant notamment les trois documents précités.

La décision prononçant l’HDT empêche le patient de pouvoir quitter, de sa propre volonté, l’établissement. Pour autant, il continue de disposer de droits fondamentaux et les restrictions à l’exercice des libertés individuelles sont limitées à celles nécessitées par son état de santé. La loi prévoit la rédaction régulière pour le patient hospitalisé de certificats médicaux circonstanciés justifiant son maintien en HDT : le certificat dit des “24 heures”, rédigé par un psychiatre, qui ne peut être l’un des praticiens signataires d’un des certificats initiaux, le certificat de “quinzaine”, établi dès le douzième jour suivant l’admission et les certificats mensuels.

Par ailleurs, l’HDT peut être levée si elle est demandée par l’une des personnes mentionnées à l’article 3212-9 du CSP (par exemple le conjoint du malade) ou par décision judiciaire du président du Tribunal de grande instance saisi par le procureur de la République, le patient ou toute personne lui portant intérêt.

Véronique Sokoloff

Juriste en droit pénal et droit de la santé, formatrice en secteur libéral et hospitalier

www.formationsantedroit.over-blog.com

Dans l’actualité...

L’HDT ne pourra être prolongée au-delà de quinze jours sans l’intervention d’un juge. Ainsi en a décidé le Conseil constitutionnel (décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010) en déclarant inconstitutionnel l’article L. 3122.7 du CSP qui laissait au seul médecin, sur la base d’un simple certificat médical, la faculté de maintenir l’HDT au-delà des quinze premiers jours. Le Conseil constitutionnel s’est basé sur l’article 66 de la Constitution qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, “gardienne de la liberté individuelle”, comme c’est déjà le cas pour la garde à vue ou la rétention administrative des étrangers. La date de l’abrogation de cet article du CSP est reportée au 1er août 2011 afin de permettre au législateur de mettre en œuvre cette décision.