L'infirmière Libérale Magazine n° 266 du 01/01/2011

 

Marie-Christine Hatte, infirmière au centre de santé de Sallaumines (62)

La vie des autres

Le régime de sécurité sociale des mines n’a pas dit son dernier mot. Il continue d’offrir une prise en charge sanitaire et sociale aux ex-mineurs ainsi qu’à leurs ayants droit et s’est ouvert aux assurés du régime général. Marie-Christine Hatte, infirmière au centre de santé de Sallaumines, s’est prise au jeu de ce mode d’exercice.

La France a beau ne plus compter aucune mine de charbon en activité, les anciens mineurs n’en ont pas pour autant disparu au fond des puits. Et leur régime de Sécurité sociale non plus. La preuve : Marie-Christine Hatte fait partie des infirmières salariées de la Caisse régionale minière (Carmi) du Nord-Pas-de-Calais, une branche de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale des mines. Une recrue plutôt récente puisqu’elle y est entrée en 2005, après cinq années d’exercice hospitalier et vingt autres en milieu scolaire. « J’avais envie de revenir en structure de soins, raconte-t-elle. J’ai donc été remplaçante en gériatrie, en court, moyen et long séjour. Et, curieusement, après avoir travaillé pendant vingt ans auprès d’enfants et d’adolescents, j’ai beaucoup aimé m’occuper des personnes âgées. » Quelqu’un lui parle alors de la Carmi comme de la « gériatrie, mais à domicile » et elle mord à l’hameçon. Tout d’abord pour des remplacements, pendant trois ans, puis pour succéder à l’infirmière du centre de santé de Sallaumines, près de Lens (Pas-de-Calais). Un poste qu’elle occupe d’ailleurs toujours : « Tout doucement, les gens m’ont bien acceptée », reconnaît-elle.

Les conditions de vie

La possibilité d’intervenir au domicile des patients, très nouvelle pour elle, a immédiatement séduit Marie-Christine : « On entre dans le lieu de vie des patients, une relation différente se tisse obligatoirement avec eux. On comprend dans quel contexte ils vivent, on appréhende mieux leurs difficultés, leur façon de vivre, leur comportement, leur éventuel isolement. Cela permet d’avoir une approche beaucoup plus globale. » Ils se révèlent aussi particulièrement attachants, ajoute-t-elle, et « très attachés à leur médecin et à leur infirmière. Une fois que vous êtes adopté, c’est pour la vie ». Ils sont également très reconnaissants : alors que l’infirmière se déplace chez eux et qu’ils n’ont aucun sou à débourser, il arrive qu’ils insistent pour offrir des fleurs, des légumes du jardin ou des chocolats... « Dans le bassin minier, précise l’infirmière, les gens sont très attentifs aux autres, en particulier aux professionnels de santé qui leur apportent soin et écoute. »

Des patients et des soins

Elle prend principalement en charge des personnes atteintes de pathologies lourdes, chroniques, cardiaques par exemple, de cancer ou de la maladie d’Alzheimer. Ses patients sont en effet âgés, même si l’ouverture du régime minier aux assurés du régime général (cf.encadré ci-contre) a quelque peu rajeuni sa patientèle. Et diversifié les soins dispensés par Marie-Christine Hatte : « J’accepte toutes les demandes de soins, qu’elles émanent d’affiliés de la Carmi ou non. » Les premiers sont exonérés de l’avance de frais, les seconds bénéficient du tiers payant. Un atout pour la population, souvent très modeste, de son secteur.

Marie-Christine Hatte partage son temps entre le centre de santé et les visites à domicile en ville. Elle travaille en étroite collaboration avec le médecin du centre de santé mais organise elle-même ses journées. « La demande de soins est importante le matin, explique-t-elle, alors, entre 7 heures et 9 heures, je vois une vingtaine de patients à domicile pour des prises de sang, des injections d’insuline, etc. Je ne fais pas de toilettes car c’est le personnel du Services de soins infirmiers à domicile de la Carmi qui s’en occupe. »

À 9 heures, elle rentre au centre de soins où elle assure une permanence pour les patients qui peuvent se déplacer. Jusqu’à 11 heures, moment où elle repart en visite à domicile pour deux nouvelles heures. Elle reprend un peu plus tard avec les visites du “soir” jusqu’à 18 heures, et jusqu’à 20 heures lorsqu’elle est d’astreinte, une semaine par mois. Sauf deux après-midi par semaine durant lesquels elle assure, en plus, une permanence au centre de santé. En tout, elle travaille 35 heures par semaine, qu’elle organise donc avec une grande autonomie. « Je suis très indépendante mais en travaillant à la Carmi, je me sens moins isolée que si j’étais libérale », souligne Marie-Christine.

Autonome au sein d’une filière

Outre la stabilité financière du salariat, elle apprécie de rencontrer ses consœurs du régime minier lors des sessions de formation prises en charge par la Carmi. Mais, surtout, en travaillant au sein du régime minier, elle a conscience d’exercer au sein d’une véritable filière de soins sanitaire et sociale qui comprend à la fois les dimensions sociale, de prévention, d’éducation, de soins ambulatoires, en hospitalisation et en soin de suite et de rééducation (SSR). « Il existe un maillage entre les différents professionnels qui facilite les réponses lorsque nous rencon-trons des situations complexes », explique l’infirmière. Chaque jour, après avoir vu ses patients, elle rencontre le médecin et peut évoquer avec lui, au jour le jour, tout changement survenu dans l’état des uns ou des autres. Cette coordination permet de mettre en place très rapidement des réponses adaptées. Une efficacité qui constitue, pour Marie-Christine Hatte, une source importante de satisfaction et de motivation.

Elle dit de vous !

« Je n’ai aucune relation avec les infirmières libérales du secteur sur lequel je travaille car on ne se croise pas. J’ai eu vent des critiques de leur part à l’ouverture de la Carmi au régime général. Mais les patients peuvent tout à fait faire appel à aux infirmières libérales. Ceux qui sont affiliés au régime minier doivent seulement faire l’avance de frais. Chacun peut trouver sa place, il n’y a pas de concurrence. »

RÉGIME MINIER

Ouvert aux assurés du régime général

Le régime minier, créé en 1894, a été refondé en 1946. La Caisse régionale du Nord-Pas-de-Calais est la plus importante aujourd’hui avec 84 000 affiliés et 2 689 salariés. Les personnes affiliées au régime minier du Nord-Pas-de-Calais ont 77 ans en moyenne, remarque Pierre Nowacki, directeur des œuvres de la Caisse régionale. Il s’agit d’anciens mineurs – même si beaucoup sont décédés aujourd’hui – de leurs ayants droit, principalement leurs épouses ou leurs veuves. Ces assurés sont dispensés d’avance de frais. Mais, depuis juillet 2005, le régime minier s’est ouvert aux assurés du régime général. Il n’a pas connu un afflux massif de nouveaux affiliés mais, peu à peu, surtout par le bouche-à-oreille, la patientèle de la Carmi se modifie et rajeunit.