Une pathologie
Cahier de formation
LE POINT SUR
Jambes lourdes, varices ou troubles de circulation : derrière ces termes se cache l’insuffisance veineuse. Une pathologie plus ou moins gênante qui touche un adulte sur trois, avec plus ou moins de gravité.
Le sang présent dans les membres inférieurs doit vaincre la gravité pour remonter vers le cœur. Propulsé grâce à la pompe cardiaque, la chasse plantaire et les contractions musculaires, il ne doit donc pas redescendre vers le pied sous l’effet de la simple gravité. Ceci est rendu possible grâce aux valvules dont sont équipées les veines : ce sont des petits clapets qui empêchent le sang de refluer vers le bas. Leur altération caractérise l’insuffisance veineuse. Moins efficaces, voire complètement hors service, ces valvules ne jouent plus leur rôle, ce qui ralentit la circulation du sang dans les membres inférieurs : c’est la stase veineuse. Les vaisseaux dans lesquels le sang a reflué finissent par se dilater : s’installent alors les varicosités et varices. Quand elle devient plus importante, l’insuffisance veineuse peut conduire à la thrombose profonde, également appelée phlébite, qui peut avoir des conséquences pulmonaires graves (embolie).
Jambes lourdes, pieds gonflés, fourmillements, petits vaisseaux superficiels visibles : la maladie veineuse commence bien souvent par des symptômes faciles à identifier, mais que les patients préfèrent ignorer, les considérant comme des troubles bénins. Ils consultent généralement tardivement, une fois que la maladie est bien installée et qu’elle devient gênante ou visible avec la présence de varices.
Pas de parité dans cette pathologie : trois patients sur quatre sont en effet des femmes. Ceci s’explique par le fait que les veines sont sensibles aux variations hormonales. C’est d’ailleurs parfois au décours d’une grossesse que la patiente se découvre cette pathologie. L’hérédité joue également un rôle important : le risque d’être touché par la maladie veineuse est ainsi multiplié par deux si l’un des parents est atteint, par trois si les deux parents le sont.
Certains facteurs externes tels que la sédentarité, la chaleur et l’excès de poids peuvent également influer le déroulement de la maladie. Enfin, l’âge est un facteur aggravant : les valvules s’altèrent inexorablement avec le temps.
Chaque année, on compte plus de 350 000 cas de phlébites et 15 000 décès dus à une embolie pulmonaire. Si ces deux pathologies sont directement liées à l’aggravation de l’insuffisance veineuse, elles surviennent bien souvent lorsque le patient a négligé les premiers signes évocateurs de la maladie : les premières consultations ont effet généralement lieu en moyenne vers l’âge de 47 ans, alors que la maladie débute bien plus tôt.
La phlébite est due à la constitution d’un caillot dans le système veineux des membres inférieurs : elle peut parfois passer inaperçue car les signes cliniques peuvent être inexistants. En première intention, un dosage biologique des D-dimères permet d’affiner le diagnostic. Ces derniers sont en effet les produits de dégradation de la fibrine, l’un des constituants du caillot. Un taux faible de ces D-dimères permet d’éliminer le diagnostic de phlébite. Si le taux est élevé, l’examen clinique et une échographie doppler veineux permettent de poser le diagnostic (en visualisant par exemple le caillot) et de traiter.
Lorsque la phlébite n’est pas identifiée, le risque principal est que le caillot se détache et migre vers le cœur puis vers l’artère pulmonaire. C’est alors qu’on parle d’embolie : le patient souffre de douleur thoracique, de tachycardie et de dyspnée et peut parfois cracher du sang. Une embolie massive entraîne parfois la mort.
L’insuffisance veineuse peut également se compliquer en ulcère variqueux, une plaie de la jambe qui ne cicatrise pas. La stase veineuse entraîne en effet une pression importante à l’intérieur de la veine malade : ceci favorise l’apparition d’une inflammation veineuse qui libère des toxines dans les tissus. Ces dernières finissent par nécroser les tissus environnants et le moindre choc peut provoquer l’apparition d’une plaie, qui ne parvient pas à cicatriser. Elle doit être prise en charge spécifiquement : soins locaux, application d’une compression veineuse et traitement de la cause première, l’insuffisance.
La maladie veineuse peut à la fois être prise en charge par un traitement médicamenteux et par la chirurgie lorsque cela ne suffit pas.
En première intention, le médecin peut prescrire des veinotoniques en cure d’au moins trois mois. Ces médicaments spécifiques des veines contiennent des molécules issues de plantes, les flavonoïdes, qui vont limiter la dilatation et l’inflammation des veines et donc réduire la survenue d’œdèmes et de douleurs. Ils ne sont plus remboursés par la Sécurité sociale.
Ce traitement peut être associé à une compression veineuse : ce sont des chaussettes, bas ou collants qui exercent une pression active sur les veines superficielles des membres inférieurs, ce qui a pour effet de relancer le retour veineux. Il existe quatre grades de compression selon le degré d’évolution de la maladie. Ils sont en partie pris en charge par la Sécurité sociale.
À cela peuvent s’ajouter quelques règles d’hygiène de vie : marcher le plus souvent possible, éviter la station debout répétée, surélever les jambes la nuit, éviter les talons hauts et les vêtements trop serrés, éviter la chaleur (soleil, bains trop chauds, chauffage au sol, cire épilatoire, etc.), combattre le surpoids et boire régulièrement pour favoriser le drainage.
Lorsque la maladie est installée et que les traitements compressifs et médicamenteux ne suffisent plus, le médecin peut choisir de scléroser certaines varicosités : il injecte un produit qui irrite localement la veine malade, la rendant rapidement imperméable. Le sang n’y circule plus et la varicosité disparaît.
Quand les veines atteintes sont trop grosses, l’étape chirurgie devient indispensable. Le chirurgien pratique un stripping des veines saphènes, les veines principalement en cause en cas de reflux veineux, généralement sous rachianesthésie. Il peut également faire un éveinage esthétique pour les varices plus superficielles sous anesthésie locale. Dans les deux cas, le patient doit porter une compression veineuse pendant le mois suivant l’intervention. Depuis quelques années, le laser endoveineux propose une alternative intéressante à la chirurgie : une fibre optique de très petit diamètre est introduite sous anesthésie locale dans la veine malade qu’elle brûle de l’intérieur, ce qui a pour effet de la détruire.
Si plus de la moitié des Français souffrent d’insuffisance veineuse, c’est qu’ils ne font pas le lien entre leurs symptômes et la maladie et consultent trop tard, quand celle-ci est installée ou lorsque surviennent les complications. Un manque d’informations pourrait être à l’origine de cette méconnaissance : 34 % des patients s’estiment peu informés et trois quarts des médecins pensent qu’ils devraient sensibiliser davantage leurs patients. Il y a quelques années, la Société française de phlébologie organisait une semaine d’information et de prévention des maladies veineuses : un rendez-vous qui permettait au grand public de faire le point sur la question. Ce rendez-vous n’a pas été reconduit, mais l’idée n’a pas été abandonnée, explique-t-on à la Société française de phlébologie (www.sf-phlebologie.org).