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REGROUPEMENT > Après avoir connu un essor prodigieux ces deux dernières années, la Compagnie du soin à domicile© risque de péricliter. La société chargée de gérer cette marque est aujourd’hui liquidée, laissant ainsi tout un réseau de cabinets infirmiers dans l’impasse.
Nouveau coup de semonce pour la Compagnie du soin à domicile© (CSD). Le 21 octobre dernier, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la société Conseil libéral service, dite CLS. Une décision de justice qui pourrait ébranler le réseau de cabinets de la CSD bâti par deux infirmiers libéraux aixois
L’entreprise CLS était en effet chargée de gérer la marque CSD et détenait plusieurs missions stratégiques : elle empochait les 50 000 euros de redevance initiale provenant de chaque société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) créée avec l’enseigne de la compagnie et encaissait ensuite 2 % des soins facturés par chacun de ces différents cabinets. En échange, elle devait leur fournir un accompagnement administratif et technique, comme le ferait un franchiseur envers ses franchisés.
Sans CLS, le réseau perd donc un organe capital. Mais pas question d’en rester là : parmi les SELARL concernées, une contre-attaque s’organise. D’autant que la liquidation judicaire ne leur aurait pas été annoncée par les deux fondateurs de la Compagnie du soin, qui sont pourtant propriétaires à hauteur de 25 % de chaque SELARL… « On ne récupèrera pas les 50 000 euros que l’on a investis, vu que CLS semble avoir un déficit de 300 000 euros, se désole Bénédicte Cottalorda, gérante d’une compagnie basée à Cannes. Mais on ne peut pas abandonner un projet sur lequel on travaille depuis un an et demi. »
Malgré la situation de crise cyclique propre à ce réseau (cf. l’encadré), de nombreux ex-associés de la Compagnie que nous avons interrogés saluent son caractère innovant. « Le concept est très bien. Il répond à un besoin fort chez les infirmiers libéraux, reconnaît un ancien collaborateur. C’est la gestion qui a été catastrophique ! » Selon ces témoignages, seule la gestion hasardeuse de la maison mère serait à l’origine de la faillite. Impossible cependant de vérifier cela auprès des fondateurs de la Compagnie du soin, Loïc Baillé et Yves Colombani, ou encore du liquidateur judiciaire, Me Rafoni. Malgré nos appels répétés, ces derniers n’ont en effet pas donné suite à nos demandes d’interview.
Un réseau qui s’étend sur différentes régions françaises, des voitures balisées qui facilitent une reconnaissance par le grand public et une gestion administrative déléguée à un tiers sont autant de “vertus” que les partisans de la CSD défendent. Certains n’ont d’ailleurs pas l’intention de la laisser mourir, a fortiori dans le contexte actuel.
Entre l’essor grandissant des services d’hospitalisation à domicile (HAD) qui ont, eux, le droit d’inscrire leur numéro de téléphone sur leurs véhicules et les cliniques privées qui développent également des réseaux de soins à domicile, la concurrence avec le monde libéral s’annonce rude. Ce qui ne peut que conforter l’idée de regroupements.
Reste à savoir si un groupe privé pourrait être tenté de reprendre la marque CSD. « Imaginez que ce soit racheté pour 1 euro symbolique, s’inquiète une infirmière du réseau. Nous serions tributaire de ce nouvel investisseur sans l’avoir demandé… C’est pour cela que nous avons demandé au liquidateur judiciaire de freiner sa procédure. » À l’heure où nous mettons sous presse, différentes SELARL du réseau envisageaient une action commune pour éviter un rachat non désiré…
* Loïc Baillé et Yves Colombani.
Quelle erreur la CSD a-t-elle commise à votre avis ? Il y a eu un dysfonctionnement au niveau de la gestion. Mais j’estime que le projet posait aussi un problème : c’était une démarche un peu trop commerciale. De plus, ce qui n’était pas acceptable, c’était la captation des bénéfices des uns par d’autres, même si les textes le permettent. Le concept de franchise ne peut pas fonctionner pour du soin. En revanche, une forme de consultanat serait peut-être plus envisageable…
D’après vous, que peut devenir la CSD ? On va sans doute aboutir à la fermeture de la tête de réseau. Cela dit, l’idée était bonne. Il faut des structures de conseil. Je pense que les personnes qui ont monté les SELARL ont besoin d’être pilotées.
Ce type de réseau a-t-il un avenir ? L’avenir passera par les regroupements étant donné ce qui se développe par ailleurs. Pensez aux pôles de santé libéraux [ndrl. : ils visent à rendre plus lisible l’offre de soins dans des zones essentiellement rurales]. Je crois à des réseaux mono-professionnels comme l’ont fait les pharmaciens. Il me semble que d’autres projets vont émerger. Mais il vaudrait mieux que ces petits ne soient pas mort-nés.
* Site Internet : www.allservices.fr.
→ 292 000 euros de pertes au 31 décembre 2009, voilà le résultat net de la société Conseil libéral service, malgré ses 313 000 euros de chiffre d’affaires et ses effectifs réduits à sept personnes.
→ 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires au 31 décembre 2008 : c’est le poids de l’activité de la première Compagnie du soin© à domicile, créée en 2004.
Fondée en 2004 à Aix-en-Provence, la toute première CSD s’est vite fait remarquer. Avec ses petites Smart peintes au logo de la marque, ce cabinet infirmier propose un concept innovant mais aussi dérangeant. Il s’agit d’une forme de franchise appliquée au métier d’infirmier libéral. Selon nos calculs, la CSD compterait à ce jour près d’une vingtaine de SELARL. Toutes indépendantes juridiquement, elles sont reliées par la marque CSD et par les deux fondateurs du concept. « L’idée m’avait l’air intéressant. Cela aurait pu dynamiser ma carrière », reconnaît Dominique Séréduik, Idel dans l’Aube, qui a finalement abandonné le projet. En cause : différents procès intentés contre certaines compagnies. Début 2010, le tribunal administratif varois avait en effet condamné – en référés – le cabinet de Toulon la Valette à abandonner tous ses procédés publicitaires, en l’occurrence l’usage de la marque CSD sur ses véhicules et sur ses plaquettes d’information (ILM n° 257). À Aix, d’anciens associés ont mené une action judiciaire contre la maison mère (ILM n° 263) pour des honoraires non reversés.