L'infirmière Libérale Magazine n° 266 du 01/01/2011

 

ACCIDENTS MÉDICAUX

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Selon la deuxième enquête nationale sur les événements indésirables graves liés aux soins (ENEIS)*, rendue publique le 24 novembre dernier, 900 accidents médicaux surviennent chaque jour, en moyenne, dans les hôpitaux et cliniques français. Depuis la loi du 4 mars 2002, les victimes de tels accidents peuvent obtenir réparation des préjudices subis grâce à un dispositif amiable d’indemnisation pour les dommages les plus graves.

Depuis la loi du 4 mars 2002, il existe un dispositif amiable d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes (liés à un traitement) et d’infections nosocomiales, consécutifs à des activités de préventions, de diagnostics ou de soins, d’une certaine gravité. Ce règlement amiable relève de la compétence de la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) et d’un fond de garantie, appelé Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et d’infections nosocomiales (Oniam), sous la tutelle du ministère de la Santé et principalement financé par l’Assurance maladie.

Les seuils de gravité

Ce dispositif concerne les accidents médicaux, les affections iatrogènes et les infections nosocomiales qui atteignent certains seuils de gravité. Ces seuils ont été ainsi fixés par voie réglementaire :

→ taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 24 %;

→ arrêt temporaire des activités professionnelles ou déficit fonctionnel temporaire d’au moins six mois consécutifs sur un an ;

→ inaptitude définitive à l’exercice de l’activité professionnelle antérieure ;

→ troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence, y compris sur le plan économique.

Le seuil de 24 % est élevé. Précisons ainsi que la perte d’un œil correspond à un taux d’incapacité permanente partielle de 20 %. Les CRCI utilisent toutefois plus souvent la référence aux « troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence », pour atténuer la rigueur des autres critères. À ce jour, 19 % des dossiers sont déclarés recevables sur le fondement exclusif de cette mention.

La procédure

Il existe vingt-cinq CRCI regroupées sur quatre pôles : Bagnolet, Lyon, Bordeaux et Nancy. Elles sont présidées par un magistrat et composées, notamment, de représentants des associations de victimes, des professionnels et des établissements de santé. Est territorialement compétente la Commission du lieu du premier acte médical désigné comme étant à l’origine du ou des dommage(s). Elle peut être saisie directement par la victime, le cas échéant par son représentant légal (pour les mineurs ou majeurs protégés) ou par les ayants droit lorsque le patient est décédé.

La demande

La demande doit être accompagnée des pièces justificatives suivantes :

→ tout document médical ou administratif établissant le lien entre le dommage et l’acte médical ;

→ un certificat médical décrivant la nature précise et la gravité du dommage ;

→ un certificat de décès si la victime est morte ;

→ tout document de nature à établir que les dommages subis ont le caractère de gravité requis ;

→ un document indiquant sa qualité d’assuré social ainsi que les organismes de Sécurité sociale auxquels la personne est affiliée pour les divers risques ;

→ un document mentionnant les prestations reçues ou à recevoir des autres tiers payeurs du chef du dommage subi.

Étude de la demande

Dans un premier temps, la Commission examine si le dossier est recevable et donc si elle est compétente. Les seuils de gravité constituent la première cause d’irrecevabilité des demandes d’indemnisation. La Commission peut demander, pour l’éclairer, un avis médical qui sera rendu après examen des pièces.

→ Si la condition de gravité du dommage n’est pas remplie, la CRCI émet un avis d’irrecevabilité et la demande est rejetée. La Commission en informe alors les parties par courrier en précisant les motifs de ce rejet. Elle précise au demandeur qu’il peut saisir la Commission en vue d’une conciliation (article R. 1142-1 du Code de la Santé publique). Cependant, cette mission de conciliation dévolue à la CRCI est un échec, de l’aveu même des représentants des CRCI, les assureurs ne se présentant pas aux rares tentatives de conciliation demandées par les victimes.

→ En revanche, si la commission s’estime compétente, elle diligente une expertise à laquelle sont convoquées les parties. Le rapport de l’expert est communiqué à ces dernières, avant la réunion de la Commission, qui les entendra. La Commission dispose ensuite d’un délai de six mois pour rendre son avis.

L’avis de la Commission

→ Si la CRCI conclut à un accident médical fautif, l’assureur de l’acteur de santé responsable est alors tenu de faire une offre d’indemnisation à la victime dans les quatre mois suivant la réception de l’avis de la CRCI (article L. 1142-14 du CSP). Cette offre doit viser à la réparation intégrale des préjudices, dans la limite des plafonds de garantie des contrats d’assurance. Elle indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités dues à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations et indemnités versées par les tiers payeurs (Assurance maladie, etc.) qui seront directement remboursés par l’assureur du responsable. S’il n’y a pas d’offre de l’assureur, l’Oniam peut se substituer à ce dernier et indemniser la victime. L’acceptation de l’offre vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil et met fin à toute possibilité de procédure contentieuse ultérieure, civile ou administrative, pour les mêmes préjudices. En revanche, en cas d’aggravation de son état, la victime pourra déposer un nouveau dossier. Si l’offre est acceptée, l’assureur a un mois pour verser les sommes proposées. Si la victime estime l’offre de l’assureur insuffisante, elle peut saisir le juge compétent. Ce dernier peut faire une estimation supérieure à la proposition de l’assureur. De plus, il peut condamner l’assureur à verser à l’Oniam une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue. Cette “amende” prévue par les textes est supposée inciter les assureurs à faire des offres raisonnables.

→ Si La CRCI conclut à un accident médical non fautif, l’Oniam adresse une offre d’indemnisation, au titre de la solidarité nationale, à la victime (article L. 1142-17 du CSP). Cette offre doit également intervenir dans un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis et viser à la réparation intégrale des préjudices. Si la victime accepte l’offre, le paiement doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception par l’Oniam de cette acceptation.

Cette voie de règlement amiable est facultative. Elle peut être une alternative à la saisine des tribunaux, ou donner lieu à une action judiciaire, en parallèle, devant les instances civiles ou administratives. La victime peut aussi refuser l’offre de l’Oniam et saisir alors le juge compétent. Mais, en pratique, le taux de refus, bien qu’en légère hausse, reste très bas (5 % sur l’ensemble de l’année 2008).

→ Enfin, la CRCI peut conclure à un accident médical partiellement fautif. Lorsque l’accident relève de la responsabilité du professionnel et de la solidarité nationale, la CRCI admet un partage de l’indemnisation entre l’Oniam et l’assureur du responsable.

Remarques

Le dispositif mis en place par la loi Kouchner appelle plusieurs observations.

→ Il visait à désengorger les tribunaux mais la procédure devant la commission n’est pas un préalable obligatoire à une action judiciaire. La victime a juste l’obligation d’informer la CRCI et les tribunaux de l’existence d’une autre procédure.

→ Il se voulait rapide, un délai de six mois étant imparti à la Commission pour rendre son avis. Mais, en pratique, les délais de traitement des dossiers restent au-dessus du délai légal (pour l’année 2008, le délai moyen a été de 7,4 mois).

→ Il se disait gratuit : mais, s’il est exact que les frais d’expertises sont pris en charge par l’Oniam, l’appui d’un avocat comme d’un médecin recours, qui assistera la victime lors de l’expertise et saura parler le même langage que l’expert et les professionnels de santé, est vivement conseillée. Ces dépenses seront à la charge de la victime, sans qu’elle puisse bénéficier de l’aide juridictionnelle.

* Consultable sur le site du ministère de la Santé et des Sports sur www.sante-sports.gouv.fr/colloque-sur-les-evenements-indesirables-associes-aux-soins-du-24-novembre-2010,7398.html.

En savoir +

• Le texte de la loi du 4 mars 2002 sur www.legifrance.gouv.fr.

• Les missions de la CRCI sur le site www.commissions-crci.fr.

• Textes et jurisprudence sur le site de l’Oniam www.oniam.fr.