Un symptôme
Cahier de formation
LE POINT SUR
Tout professionnel de santé doit savoir dépister les douleurs neuropathiques pour orienter le patient vers une prise en charge adaptée, en faisant appel aux antidépresseurs ou aux antiépileptiques.
Les douleurs neuropathiques sont liées à une lésion ou à un dysfonctionnement du système nerveux périphérique (nerfs, ganglions sensitifs…) ou central (moelle épinière, cerveau). On parle de douleurs neuropathiques périphériques ou de douleurs neuropathiques centrales. Leur prévalence est estimée à 6,9 % de la population française. Comme toute douleur chronique, leur prise en charge est essentielle pour limiter le retentissement sur la qualité de vie : altération du sommeil, symptômes dépressifs ou anxieux… La mise en place rapide d’un traitement adapté peut aussi limiter le risque de passage à la chronicité de la douleur.
Les douleurs “classiques” (traumatismes, infections, arthrose…), en rapport avec une lésion des tissus, sont souvent associées à des phénomènes inflammatoires (rougeur, œdème, chaleur) au niveau de la zone douloureuse. Ces douleurs sont soulagées par des antalgiques et/ou des anti-inflammatoires. Les douleurs neuropathiques correspondent à une véritable pathologie des systèmes de transmission de la douleur. Elles peuvent survenir de quelques jours à plusieurs mois après la lésion originelle. Elles sont donc souvent difficiles à diagnostiquer.
Les deux types de douleur, inflammatoire et neuropathique, peuvent également coexister : on parle de douleurs mixtes.
Les douleurs neuropathiques sont généralement rebelles aux antalgiques habituels (paliersI, II et morphiniques). Elles sont souvent déroutantes pour le patient et incomprises par l’entourage.
→ La douleur spontanée survient en l’absence de toute stimulation douloureuse. Souvent, il s’agit d’accès paroxystiques survenant sur un fond douloureux permanent. Le patient parle de « décharges électriques », de « coups de couteau », d’« éclairs douloureux »… Pour évoquer les douleurs permanentes, on retrouve les termes de « compression », de sensation « d’étau » ou de « froid douloureux ».
→ La douleur provoquée survient sans facteur déclenchant évident. On parle d’allodynie lorsque la douleur est provoquée par un stimulus qui normalement est non douloureux : frottement d’un vêtement, douleur déclenchée par le froid ou le chaud. On parle d’hyperalgésie lorsque la sensation douloureuse ressentie est exagérée par rapport à l’intensité de la stimulation douloureuse.
→ Le patient peut se plaindre de sensations anormales mais non douloureuses : on parle alors de paresthésies (engourdissement, démangeaisons, picotements, fourmillements...). Lorsque ces sensations sont considérées comme désagréables, il s’agit de dysesthésies.
Les douleurs neuropathiques sont retrouvées dans de nombreuses pathologies.
→ Au niveau du système nerveux périphérique : diabète, zona, alcoolisme, lombosciatiques, sida, certains cancers… Les causes iatrogènes sont également fréquentes : post-chirurgicales (mastectomie, thoracotomie, douleurs fantômes liées à l’amputation d’un membre, stripping des varices entraînant une lésion du nerf saphène, prothèse du genou, prothèse de hanche…) ou médicamenteuses (antituberculeux, certaines chimiothérapies, certains antirétroviraux).
→ Au niveau du système nerveux central : accident vasculaire cérébral, sclérose en plaques, lésions de la moelle épinière…
Les antidépresseurs tricycliques (Laroxyl, Anafranil, Tofranil) ou les antiépileptiques, en particulier la gabapentine (Neurontin) et la prégabaline (Lyrica), sont recommandés en première ligne. Ils constituent le traitement de fond des douleurs neuropathiques. La duloxétine (Cymbalta) est une alternative aux antidépresseurs tricycliques du fait d’une meilleure sécurité d’emploi (mais elle n’est indiquée que dans la douleur neuropathique du patient diabétique). La carbamazépine (Tégrétol) est utilisée de longue date dans les douleurs neuropathiques mais ses effets indésirables limitent son emploi.
→ L’objectif visé est une réduction de la douleur de 50 %, voire seulement de 30 %.
→ En cas d’efficacité partielle, l’association des deux classes de médicaments, antidépresseurs et antiépileptiques, est préconisée.
→ En cas d’efficacité insuffisante, il est recommandé de changer de classe thérapeutique.
→ Les antalgiques de palierII (type tramadol) ou III (morphiniques) sont parfois associés au traitement de fond pour soulager les accès douloureux paroxystiques (ou pour traiter les autres types de douleurs associées aux douleurs neuropathiques). Les antalgiques de palierIII ne sont jamais utilisés en première intention pour soulager les douleurs neuropathiques, sauf celles d’origine cancéreuse.
Le traitement est généralement instauré pour une durée d’au moins six mois. La plus petite dose efficace est recherchée. L’arrêt du traitement est envisagé après une période suffisamment longue de réduction de la douleur à dose stable.
→ Les thérapies cognitivo-comportementales, la relaxation, la sophrologie, l’acupuncture peuvent être une aide pour certains patients.
→ La stimulation électrique transcutanée consiste à masquer la douleur en provoquant une stimulation dans le territoire douloureux. Elle est indiquée en cas de douleurs neuropathiques périphériques bien localisées.
→ La chirurgie s’adresse aux patients souffrant de douleurs neuropathiques sévères et rebelles aux traitements médicamenteux.
→ Les traitements sont prescrits pour leur activité antidouleur, pas pour leur action antidépressive ou antiépileptique.
→ Ils n’agissent pas d’emblée : plusieurs jours à plusieurs semaines sont nécessaires avant d’atteindre la posologie optimale.
→ Les effets indésirables (somnolence, sensations vertigineuses…) surviennent essentiellement au cours de la phase d’augmentation des posologies en début de traitement.
→ En cas d’efficacité, le traitement ne doit pas être interrompu trop tôt, ni de manière trop brutale (risque de syndrome de sevrage voire d’effet rebond de la douleur): la posologie est diminuée progressivement.
Le questionnaire DN4 est un outil d’aide au diagnostic des douleurs neuropathiques utilisé par les médecins. Il comporte une partie interrogatoire et une partie relative à l’examen clinique du patient. La partie interrogatoire peut être utile à tout professionnel de santé pour aider au repérage des douleurs neuropathiques.