Cahier de formation
Savoir faire
La prise en charge de la maladie de Parkinson est complexe. Elle associe correction des troubles moteurs grâce aux médicaments antiparkinsoniens, ainsi que correction des effets indésirables de ces mêmes médicaments et des troubles collatéraux associés. Pour être globale, cette prise en charge, à domicile, se doit donc d’être pluridisciplinaire et s’articule autour des infirmiers.
Monsieur A., parkinsonien depuis dix ans, est depuis peu traité par Modopar 125 à raison de 4 gélules par jour. Aujourd’hui, sa femme, visiblement inquiète, vous fait remarquer qu’il fait fréquemment des mouvements anormaux de la bouche et vous demande à quoi peuvent correspondre ces troubles…
Ces “grimaces” sont évocatrices de dyskinésies qui peuvent apparaître quand les taux cérébraux de dopamine sont importants.Une modification de la forme galénique peut améliorer ces troubles moteurs. En effet, une forme galénique à libération prolongée (LP) peut réduire l’incidence des dyskinésies de pics de dose en stabilisant les taux de dopamine. Un contact avec le médecin est nécessaire, pour envisager une modification de la prescription et le passage de la présentation en gélules à une forme LP.
Le traitement de la maladie de Parkinson reste symptomatique et n’agit pas sur la cause de la pathologie, cette dernière n’étant pas encore exactement connue de nos jours. Les médicaments utilisés (cf. tableau récapitulatif des médicaments p. 40) ont pour but :
→ soit d’augmenter les transmissions dopaminergiques striatales en comblant le déficit en dopamine dans le cerveau ou en stimulant les récepteurs postsynaptiques dopaminergiques ;
→ soit de diminuer l’hyperactivité cholinergique, en bloquant les récepteurs cholinergiques.
Utilisés en 1867 par le docteur Charcot, ce sont, historiquement, les premiers médicaments efficaces dans le traitement de Parkinson. Les anticholinergiques sont des médicaments capables de se fixer sur les récepteurs postsynaptiques de l’acétylcholine et d’y exercer une action antagoniste, c’est-à-dire contraire à celle de l’acétylcholine. Ces médicaments permettent donc de diminuer l’hyperactivité cholinergique. Ils agissent préférentiellement sur la rigidité et le tremblement, mais peu sur l’akinésie.
De nos jours, les anticholinergiques demeurent peu prescrits chez les sujets âgés, du fait de leurs effets indésirables, dits atropiniques : hyposialie (facteur de dysgueusie, c’est-à-dire de troubles du goût et de dénutrition), constipation, rétention urinaire, troubles mnésiques et confusion mentale, troubles visuels à type de sécheresse oculaire et d’augmentation de la pression intraoculaire. Ils sont ainsi contre-indiqués en cas d’adénome de la prostate (à forte prévalence gériatrique) et de glaucome par fermeture de l’angle.
Les anticholinergiques sont surtout utilisés en psychiatrie, pour corriger les syndromes parkinsoniens induits par les neuroleptiques.
Son intérêt dans le traitement de Parkinson a été découvert de façon fortuite par les docteurs Charcot et de Vulpian, qui avaient utilisé l’amantadine à la Pitié-Salpêtrière pour son effet prophylactique antigrippal, et qui ont constaté une amélioration des patientes qui présentaient des symptômes de shaking palsy.
Ce médicament a une action bénéfique sur l’akinésie et les dyskinésies. Il agit en stimulant la libération par les neurones présynaptiques de dopamine dans les fentes synaptiques et permet ainsi d’y augmenter les concentrations en dopamine.
L’amantadine peut provoquer des vertiges et favoriser l’insomnie.
Les inhibiteurs de la mono-amine-oxydaseB (IMAOB) détruisent la dopamine dans les fentes synaptiques. Ils empêchent donc la dégradation de la dopamine et permettent ainsi d’augmenter les concentrations en dopamine dans les fentes synaptiques.
Les IMAOB peuvent induire des troubles du rythme cardiaque, ainsi qu’une élévation des transaminases. Ils sont contre-indiqués avec un antalgique de palier 2, le tramadol (risque de syndrome sérotoninergique : diarrhée, tachycardie, sueurs, tremblements, confusion, voire coma) et les triptans, vasoconstricteurs utilisés dans le traitement de la crise de migraine (risque de poussée hypertensive).
Ce sont des médicaments qui agissent, non pas en augmentant les concentrations en dopamine, mais en mimant son action. En effet, ils sont capables de se fixer sur les récepteurs postsynaptiques de la dopamine, et d’y exercer la même action que la dopamine.
Leurs effets indésirables sont nombreux et notamment :
→ digestifs : à type de nausées et vomissements, mais également de constipation ;
→ psychiques : à type de somnolence, confusion, hallucinations, troubles du comportement avec addictions diverses (addiction aux jeux, achats compulsifs, hypersexualité, hyperphagie), la dopamine étant, dans le cerveau, le neurotransmetteur impliqué dans le plaisir. Ces comportements anormaux, plongeant le malade et son entourage dans une grande souffrance et dans des situations financières ou juridiques délicates, rendent la maladie honteuse et ont un lourd impact sur la vie personnelle et familiale des patients ;
→ cardiovasculaires : à type de valvulopathies sous Célance, et surtout d’hypotension orthostatique, qui est déjà en elle-même, un trouble végétatif de la maladie. Elle affecte 60 % des patients et s’exprime cliniquement (malaises, voire chutes) dans un cas sur cinq. Elle dépend de la dose des agonistes dopaminergiques, mais aussi de la gravité et de l’ancienneté de la pathologie, et peut bien évidemment être majorée si le patient a d’autres médicaments pourvoyeurs d’hypotension orthostatique (anti-hypertenseurs, certains antidépresseurs, certains neuroleptiques, alpha-bloquants urinaires utilisés dans le traitement de l’adénome de la prostate) ;
→ dyskinésies et fluctuations motrices : toutefois plus rares qu’avec la dopathérapie. Ainsi, selon un consensus international datant de mars 2000, sont-ils prescrits en première intention, chez des sujets jeunes, pour retarder au maximum la mise sous dopathérapie et la survenue de dyskinésies.
Les propriétés de l’apomorphine, dérivée de la morphine, en sont très différentes : l’apomorphine (Apokinon) est un agoniste dopaminergique qui n’a pas d’effet antalgique et ne provoque ni accoutumance, ni tolérance psychique. Rapidement métabolisée par le foie, elle ne peut pas être utilisée per os et s’administre par voie sous-cutanée (en pompe à perfusion ou en stylo-injecteur utilisé par le patient), voie qui impose une surveillance des points d’injection (risque de nodules sous-cutanés).
Son action étant rapide, assez intense, mais courte, l’apomorphine est utilisée en cas de fluctuations motrices très sévères, pour débloquer rapidement des situations off.
Elle expose à d’importants troubles digestifs, mais provoque moins d’hallucinations que les autres agonistes dopaminergiques.
La dopathérapie est principalement efficace sur l’akinésie et l’hypertonie. Elle consiste en un apport substitutif de dopamine au niveau du locus niger. Toutefois, on ne peut pas directement administrer de la dopamine pour deux raisons :
→ la dopamine ne traverse pas la barrière hémato-encéphalique (ou encore BHE = barrière physiologique, difficilement franchissable par les médicaments, protégeant le cerveau) ;
→ en périphérie, la dopamine est très toxique au niveau digestif (nausées, vomissements) et cardiovasculaire (hypotension orthostatique, troubles du rythme).
On utilise donc un acide aminé, précurseur de la dopamine, appelé lévodopa (ou L-dopa), capable de franchir la BHE, de parvenir au niveau du locus niger où il sera transformé en dopamine, sous l’influence de certaines enzymes (dopa-décarboxylase et Catéchol-O-méthyl-transférase ou COMT). Cependant, ces enzymes sont également présentes en périphérie et peuvent transformer la lévodopa avant qu’elle n’ait franchi la BHE. On administre donc conjointement à la lévodopa des inhibiteurs enzymatiques périphériques, à savoir la carbidopa ou le bensérazide qui sont inhibiteurs de la dopa-décarboxylase, et l’entacapone ou le tolcapone qui sont des inhibiteurs de la COMT (ICOMT).
La dopathérapie expose au même type d’effets indésirables que les agonistes dopaminergiques. Mais ces derniers sont moins marqués avec la dopathérapie. On note aussi une possible coloration brune des urines des patients sous dopathérapie, car les métabolites de la dopamine sont noirs et sont éliminés principalement par voie urinaire.
Par ailleurs, la dopathérapie induit plus de dyskinésies et de fluctuations d’efficacité que les agonistes dopaminergiques, car la demi-vie de la lévodopa est plus courte. On essaie donc de retarder le plus longtemps possible son introduction.
J’ai entendu parler d’une méthode chirurgicale pour traiter la maladie de Parkinson : pouvez-vous m’en dire plus ?
Elle consiste à implanter de façon chronique des électrodes dans le cerveau pour stimuler le thalamus et les noyaux sous-thalamiques. Cette neurostimulation permet de réduire les tremblements et les fluctuations d’efficacité de la dopathérapie. Pour en bénéficier, il faut être atteint d’une véritable maladie de Parkinson, et non d’un syndrome parkinsonien, avoir moins de 70 ans et ne pas avoir de troubles cognitifs ou psychiques associés.
« Pour éviter la survenue de périodes off, l’objectif est de “lisser” le taux de L-dopa sur la journée, soit en augmentant les fréquences de prise tout en diminuant les doses, soit en utilisant des formes retard, ou en utilisant en association à la dopathérapie un ICOMT ou un IMAO. Un déblocage rapide de phase off peut quant à lui être obtenu par l’utilisation de formes à demi-vie courte, comme Modopar dispersible, ou d’apomorphine en sous-cutané, mais avec le risque d’un effet rebond avec un reblocage rapide (effet yo-yo). Cette solution ne doit donc être utilisée que de façon exceptionnelle. »