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SCRUTIN > Avec un taux de participation de 24,05 %, les infirmiers libéraux ne se sont pas bousculés dans les bureaux de vote pour les premières élections aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS). Pour les syndicats, l’heure est maintenant aux négociations.
C’est le 24 décembre que les résultats définitifs du scrutin ont été dévoilés (voir le détail sur www.espaceinfirmier.com) et deux syndicats sur quatre peuvent revendiquer la victoire. En termes de suffrages exprimés, le Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (Sniil) arrive en tête avec 35,9 % des voix, suivi de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) avec 35,2 % des suffrages. Ils sont suivis de Convergence infirmière (CI) qui rassemble 17,9 % des votes et de l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil) avec 11 %. Cependant, en termes de sièges, la FNI passe en tête (125 sièges), devant la Sniil (119), puis CI (55) et l’Onsil (36).
Avec environ 75 % d’abstention, les premières élections aux URPS n’ont pas réellement mobilisé les infirmiers libéraux appelés à élire leurs représentants au sein de ces nouvelles structures créées par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Une démobilisation inquiétante, d’après le président de la FNI, Philippe Tisserand, qui l’explique par « le discours rassurant d’Annick Touba [ndlr : présidente du Sniil] sur l’application de la loi HPST, qui a conduit à une désinvolture de la profession vis-à-vis des enjeux majeurs de ce scrutin ». Élues pour cinq ans, les URPS ont vocation à être les interlocutrices privilégiées des Agences régionales de santé (ARS) en contribuant à l’organisation et à l’évolution de l’offre de santé au niveau régional, et notamment à la mise en œuvre du projet régional de santé.
Les quatre syndicats d’infirmiers se sont rapidement dits satisfaits des scores qu’ils ont respectivement obtenus, le Sniil se revendiquant même être « le premier syndicat libéral de France » puisqu’il a rassemblé le plus de suffrages. « Ce n’est pas une surprise, mais c’est une révolution car, depuis cinquante ans, la FNI était devant », a confié Annick Touba. La FNI s’est pour sa part félicitée de ses résultats « conformes à ses attentes », bien qu’elle regrette de ne pas avoir fait « le plein de voix de ses adhérents ». Patrick Experton, président de l’Onsil Aquitaine, missionné sur le dossier des élections aux URPS, estime quant à lui que le score obtenu par son syndicat est le strict reflet de ses adhérents. Enfin, le président de CI, Marcel Affergan, se réjouit que sa formation ait atteint son objectif : plus de 10 % des suffrages.
En effet, l’un des enjeux de ce scrutin, pour les syndicats, était d’obtenir plus de 10 % des suffrages exprimés au niveau national afin d’être considérés comme représentatifs pour participer aux négociations conventionnelles avec l’Assurance maladie, comme le prévoient la loi HPST et le décret du 28 mai 2010. Autre avantage pour les deux syndicats ayant obtenu plus de 30 % des suffrages : ils pourront signer seuls cette convention. « Nous nous étions fixés cet objectif afin de ne pas avoir à nous associer avec d’autres syndicats, reconnaît Annick Touba. Notre représentativité est pleine et entière, c’est une grande force. »
La prochaine étape est maintenant la composition des bureaux de chaque URPS, un enjeu de taille puisque les syndicats doivent obtenir suffisamment de sièges pour pouvoir mettre en œuvre leur politique. La composition des bureaux représente pour tous la véritable démonstration de la représentativité des syndicats car « c’est en fonction de cette composition que la politique régionale des syndicats va se décliner », indique Philippe Tisserand.
C’est donc dans cette optique que la FNI, CI et l’Onsil ont entériné un accord cadre national le 13 janvier pour préparer les élections de ces bureaux. Cet accord est construit sur un partage d’opinions politiques concernant cinq sujets qui touchent à la survie du statut libéral des infirmiers, à savoir : l’opposition au projet Asalée – une expérimentation de transferts de tâches consistant à salarier des infirmiers faisant de l’éducation thérapeutique au sein des cabinets de médecins généralistes –, l’opposition à la proposition de loi Moyne-Bressand visant à créer un statut libéral de l’aide-soignante, l’opposition à la mission Vallancien (cf. Actualité p. 17) dont le but, d’après Philippe Tisserand, « consistait à promouvoir, à terme, le salariat des infirmiers dans les maisons de santé », la sauvegarde du décret de compétences infirmiers et la défense de la Convention nationale des infirmiers. Ces points de vue partagés justifient, d’après la FNI, cette alliance qui dépasse les divergences historiques des trois organisations syndicales et qui a pour objectif de « faire barrage à la politique de compromission du Sniil ». Aussi, la FNI, CI et l’Onsil se sont accordés pour se répartir, région par région, les différents sièges des bureaux et, si les syndicats respectent leurs engagements, le Sniil n’aurait la présidence que dans trois régions, l’Onsil également, CI dans quatre régions et la FNI dans les seize restantes. Annick Touba estime « dommage pour la profession d’arriver à une telle lutte de pouvoirs », d’autant « qu’il y a beaucoup de travail en région ».
Concernant la politique à mettre en œuvre à l’échelon régional, la coopération entre les professionnels de santé semble être une priorité, du moment qu’elle n’aboutit pas à une salarisation des infirmiers libéraux. « Il faut faire attention car le concept libéral se trouve menacé par les maisons de santé pluridisciplinaires, soutient Patrick Experton de l’Onsil. Il faut éviter une perte du côté libéral. »
Le Sniil a pour sa part annoncé vouloir mettre en place l’article 51 de la loi HPST sur la coopération entre les professionnels de santé. Mais, pour Philippe Tisserand, décidément pas tendre avec la présidente du Sniil, « mentir à la profession et recadrer son discours en fonction des propositions des autres syndicats, ce n’est plus possible ». Avant de conclure : « Annick Touba dit ce qu’elle veut, mais les faits sont là et, avec certaines de ses prises de positions passées, elle a mis la profession en danger. »
→Porter plainte contre l’organisation des élections aux URPS ? Certains syndicats y ont pensé pour protester contre le mauvais déroulement du scrutin. En cause : des délais trop courts pour déposer les listes, le matériel de vote mal acheminé, des problèmes postaux ou encore le dépouillement des bulletins à la veille des fêtes de fin d’année.