L'infirmière Libérale Magazine n° 267 du 01/02/2011

 

Cahier de formation

Savoir

La drépanocytose est une maladie génétique fréquente, grave, et encore mal connue du fait de sa complexité.Une bonne connaissance de la physiopathologie et des manifestations de la maladie dès l’enfance sont un atout pour sa prise en charge qui repose en grande part sur la prévention et l’éducation.

DÉFINITION

La drépanocytose, encore appelée anémie falciforme, est une maladie héréditaire due à la mutation du gène b-globine induisant la fabrication d’une hémoglobine anormale : l’hémoglobine S ou HbS.

Chez les personnes porteuses de la mutation à l’état homozygote S/S, l’hémoglobine anormale S (Hb S) est responsable, de trois grands types de manifestations plus ou moins associés : une anémie chronique avec des épisodes d’aggravation aiguë, des crises vaso-occlusives au niveau des petits vaisseaux sanguins, et une susceptibilité aux infections. Les personnes hétérozygotes A/S ne sont pas malades (cf. schéma ci-contre).

Explications : chez un sujet non porteur de la mutation génétique, on trouve deux gènes codant pour l’hémoglobine normale A, on dit qu’il est AA. Chez le sujet porteur sain de la mutation, aussi appelé hétérozygote, il y a un gène codant pour l’hémoglobine A et un gène codant pour l’hémoglobine S, on dit qu’il est A/S. Chez le patient homozygote, il y a deux gènes codant pour l’hémoglobine S, on dit qu’il est S/S.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La mutation drépanocytaire a été favorablement sélectionnée dans les zones à forte endémie de paludisme, le paludisme étant moins grave chez les sujets porteurs sains A/S que chez les sujets non porteurs. Elle s’est ensuite dispersée. Près de 120 millions de personnes dans le monde seraient porteuses d’une mutation drépanocytaire homozygote S/S ou hétérozygote A/S, particulièrement fréquente en Afrique, notamment en Afrique noire, dans les Antilles, en Amérique du Nord (États-Unis) et en Amérique du Sud (Brésil). Elle existe également dans les pays du Maghreb, en Sicile, en Grèce et dans tout le Moyen-Orient jusqu’en Arabie Saoudite. Elle est également présente dans le sous-continent indien. Enfin, elle se trouve également en France, en Angleterre, au Portugal, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne notamment. En France, on compte 10 000 malades (et donc homozygotes S/S) dans l’Hexagone, 2 000 en Martinique et 1 500 en Guadeloupe. 350 enfants malades y naissent chaque année, principalement en Île-de-France et dans les Antilles.

LA PHYSIOPATHOLOGIE

Plusieurs hémoglobines sont présentes chez une personne non porteuse de la mutation (à partir de l’âge de 6 mois) : HbA, HbA2, et HbF fœtale. Dans la drépanocytose, l’hémoglobine A est totalement remplacée par une hémoglobine anormale, l’HbS, responsable de vaso-occlusions, anémie, et susceptibilité aux infections.

L’hémoglobine normale

L’hémoglobine (Hb) est le principal constituant du globule rouge, elle assure le transport de l’oxygène et une partie du gaz carbonique. Une molécule d’hémoglobine est formée de la globine (protéine) et de quatre molécules d’hème. C’est le fer contenu dans l’hème qui peut fixer de manière lâche l’oxygène dans les poumons et le relarguer facilement dans les tissus. La globine est un ensemble de quatre chaînes polypeptidiques semblables deux à deux. Ces chaînes peuvent être de quatre types : α, β, χ et δ.

L’hémoglobine S

La mutation du gène α-globine induit une substitution sur le 6e acide aminé de la chaîne ß. C’est ce qui est à l’origine de l’hémoglobine S (HbS).

Dans la drépanocytose

→ Dans la drépanocytose, spontanément ou sous certaines conditions (manque d’oxygène, froid, fièvre, déshydratation…), les molécules d’hémoglobine S, au lieu de rester indépendantes, tendent à échanger des liaisons (polymérisation) et forment ainsi une sorte de gel qui déforme le globule rouge et lui donne sa forme caractéristique en faucille, le drépanocyte (cf. schéma ci-contre). Le globule rouge, qui a perdu ses propriétés d’élasticité nécessaires pour passer dans la microcirculation, mais aussi ses capacités à transporter l’oxygène, tend à se bloquer dans les petits vaisseaux capillaires, formant des thromboses, à l’origine d’un défaut d’oxygénation du tissu correspondant. Ce phénomène s’appelle la vaso-occlusion. Le manque d’oxygénation local va lui-même aggraver la déformation des globules rouges.

→ Les hématies les plus pathologiques sont rapidement détruites, à l’origine d’une hyperhémolyse, d’où une anémie. L’hyperhémolyse, en libérant de la bilirubine, peut s’accompagner d’un ictère (jaunisse).

→ Troisième trait caractéristique de la drépanocytose : une susceptibilité infectieuse particulière, notamment au pneumocoque et au méningocoque, conséquence de la destruction progressive de la rate par micro-et macro-infarctus (asplénie).

Chez les hétérozygotes

→ Seules les personnes homozygotes sont atteintes car les molécules d’hémoglobine A, qui constituent environ 50 % du total chez les hétérozygotes, empêchent la polymérisation des molécules d’hémoglobine S. Un taux élevé d’hémoglobine foetale (HbF) a le même effet protecteur (c’est le cas de l’enfant avant l’âge de 3 mois).

→ Cependant, lors d’hypo-oxygénation profonde (anesthésie, voyage en avion non pressurisé), la personne hétérozygote peut éventuellement faire une crise vaso-occlusive.

LA MALADIE DANS SON ÉVOLUTION NATURELLE

La gravité de la drépanocytose et ses manifestations cliniques sont extrêmement variables selon les enfants et au cours du temps. L’ischémie, l’anémie et l’infection s’associent plus ou moins sous l’influence de l’âge, de facteurs génétiques et environnementaux. Environ 5 à 10 % des enfants atteints de drépanocytose développeront une maladie particulièrement grave. Il faut néanmoins souligner que tous les enfants, y compris ceux chez qui l’évolution paraît la plus bénigne, sont exposés à la survenue brutale et imprévisible de complications pouvant engager le pronostic vital.

Révélation dans l’enfance

→ Jusqu’à 3 mois, la maladie ne se manifeste pas car le nouveau-né est protégé par l’hémoglobine fœtale (HbF).

→ Dans l’enfance, la maladie se révèle le plus souvent par une altération de l’état général (fatigue, pâleur), des manifestations articulaires fébriles qui concernent préférentiellement les mains et les pieds (syndrome pieds-mains ou dactylite), et des douleurs abdominales.

→ Deux complications sont plus fréquentes dans les cinq premières années de vie et particulièrement graves : ce sont la séquestration splénique aiguë responsable d’une anémie aiguë, et les infections, plus particulièrement l’infection causée par Streptococcus pneumoniae.

Maladie chronique

La maladie va évoluer avec l’âge, de façon variable selon les enfants (puis selon les adultes), par accidents successifs (ou complications aiguës) : crises d’anémie, infections, et surtout crises vaso-occlusives avec des signes variables (crises douloureuses viscérales et osseuses parfois intolérables, crises douloureuses abdominales, infarctus splénique aboutissant très rapidement à l’atrophie de la rate, accidents vasculaires cérébraux, syndromes thoraciques…). Parallèlement s’installent des lésions de nécrose (infarctus) qui peuvent toucher pratiquement tous les organes. Sur le plan biologique, il existe une anémie chronique, le taux d’hémoglobine est généralement compris entre 7 et 8 g/dl. En Afrique, la mort est encore fréquente dans l’enfance.

LES MANIFESTATIONS DE LA MALADIE

Elles sont diverses, et certaines imposent des mesures d’urgence.

L’anémie

→ Les drépanocytaires ont un taux d’hémoglobine inférieur à la normale. Il est aux alentours de 8 g/dl. Cette anémie chronique se manifeste par une pâleur de la peau et des muqueuses (conjonctives, paumes des mains ou plantes des pieds), une fatigue et un essoufflement à l’effort. Elle peut s’accompagner d’un ictère, une coloration jaune des conjonctives et des urines.

→ L’anémie peut s’aggraver. Elle se manifeste alors par une augmentation de l’essoufflement et une grande fatigue et, chez les petits enfants, par des difficultés de la prise alimentaire ou une somnolence. Ces signes doivent motiver une consultation médicale urgente, et éventuellement une transfusion en cas d’anémie aiguë définie par une diminution de 20 % du taux d’hémoglobine de base, surtout quand l’anémie est mal tolérée.

→ À noter : le chiffre de l’hémoglobine après une transfusion devra être < 11 g/dl (et/ou hématocrite < 36 %) pour éviter une situation d’hyperviscosité sanguine potentiellement source de complications.

La séquestration splénique aiguë

→ La séquestration splénique aiguë est une manifestation fréquente et grave chez l’enfant. La rate emmagasine une partie du sang circulant qu’elle retient comme une éponge. Elle se manifeste par une augmentation d’au moins 2 cm de la taille de la rate, par une accentuation de 2 g de l’anémie, et éventuellement par des douleurs abdominales. C’est une urgence absolue car elle met en jeu le pronostic vital.

→ Les parents d’un enfant drépanocytaire sont entraînés à faire le diagnostic d’anémie aiguë chez leur enfant (pâleur, fatigue et altération de l’état général apparues brutalement), et à savoir détecter une augmentation brutale du volume de la rate (ils peuvent apprendre à palper la rate de leur enfant, pendant la toilette par exemple) ou une augmentation brutale du volume de l’abdomen.

Les crises douloureuses vaso-occlusives

Elles peuvent prendre différentes formes selon le tissu atteint.

→ Ce sont essentiellement des douleurs aiguës ostéo-articulaires ou abdominales, parfois accompagnées de fièvre. Ces crises surviennent spontanément ou sous l’effet de facteurs que l’on doit tendre à éviter (manque d’oxygène, froid, fièvre, déshydratation…).

→ Elles peuvent être intolérables, nécessitant alors le recours aux opioïdes, délivrés généralement sous surveillance hospitalière. On évite en général la morphine à domicile en raison du grand risque que provoque l’hypoventilation dans cette maladie.

→ Dans la plupart des cas, la crise se résout en 24 à 48 heures, à domicile, sous un traitement qui associe repos, antalgiques de paliers I et II, et hyperhydratation. Une crise qui ne s’améliore pas, ou bien associée à une fièvre élevée, ou des douleurs intenses, ou une anémie, ou des signes respiratoires motivent une consultation médicale urgente.

Le syndrome pieds-mains ou dactylite

Une forme particulière de crise vaso-occlusive survient chez le nourrisson et le jeune enfant, c’est le syndrome pieds-mains ou dactylite. Il se présente comme un œdème douloureux du dos des mains ou des pieds qui s’étend aux doigts et aux orteils. La prise en charge est identique à celle décrite ci-dessus.

L’infection

→ L’enfant drépanocytaire est plus sensible à certaines infections car sa rate ne peut pas bien assurer son rôle de défense anti-infectieuse (cf. encadré ci-dessus). L’infection peut prendre différentes formes, localisée (par exemple, l’infection ostéo-articulaire) ou généralisée.

→ Une infection particulièrement grave, chez l’enfant, est l’infection fulminante à pneumocoque, malgré la vaccination et l’antibioprophylaxie continue par pénicilline. Les parents sont informés de la conduite à tenir en cas de fièvre, et notamment des signes associés qui imposeraient une consultation médicale urgente.

Le syndrome thoracique aigu

→ Il est caractérisé par la survenue de signes associés de façon variable : une douleur thoracique, des signes pulmonaires (dyspnée, toux, expectoration), une fièvre. Le mécanisme est complexe.

→ Plusieurs causes peuvent être intriquées. Ce sont notamment une infection bactérienne ou virale, une hypoventilation due à une crise douloureuse intense, une crise vaso-occlusive. En raison du risque imprévisible de décompensation brutale respiratoire, ce syndrome nécessite une hospitalisation en urgence.

L’accident vasculaire cérébral

Tout trouble neurologique doit faire craindre un AVC ou une hémorragie cérébrale, qui impose un transfert urgent en unités de soins intensifs. La démarche est identique quand le trouble est transitoire, pouvant faire craindre un accident ischémique transitoire (AIT).

Le priapisme

→ Le priapisme est une érection douloureuse persistante. Il s’agit d’une complication potentiellement grave sur le plan fonctionnel, pouvant évoluer vers une impuissance.

→ Les parents, puis l’enfant lui-même sont prévenus de sa possible survenue et éduqués à éviter les facteurs déclenchants (manque de sommeil, hypoxie nocturne, coucher tardif, infection, traumatisme, prise d’alcool, de drogues illicites, de testostérone ou de psychotropes).

→ Le traitement initial repose sur les mesures suivantes : l’enfant doit boire abondamment, prendre des antalgiques, tenter d’uriner et prendre un bain chaud. Si le priapisme ne cède pas au bout d’une heure, une hospitalisation en urgence s’impose alors.

Hyposthénurie et énurésie

La diminution du pouvoir de concentration maximale des urines (hyposthénurie) est constante chez l’enfant drépanocytaire. Elle est responsable d’un risque de déshydratation, à prévenir par des boissons abondantes, jusqu’à obtention d’urines aussi claires que possible, et d’une énurésie, souvent prolongée jusqu’à l’adolescence.

À noter : la restriction hydrique est contre-indiquée dans le traitement de l’énurésie de l’enfant drépanocytaire.

Hémochromatose transfusionnelle

Les transfusions (transfusions simples ou échanges transfusionnels) tiennent une part importante dans le traitement de la drépanocytose (cf. les chapitres sur la prise en charge et le traitement). Elles ont deux buts : soit de corriger une anémie aiguë, soit de remplacer les hématies drépanocytaires par des hématies normales. La répétition des transfusions, et à un moindre degré des échanges transfusionnels, induit notamment une surcharge en fer, ou hémochromatose.

L’ostéonécrose de la tête fémorale ou de la tête humérale

→ Environ la moitié des patients drépanocytaires vont avoir une nécrose osseuse de la tête fémorale (hanche), de la tête humérale (épaule) ou des vertèbres à l’âge de 35 ans.

→ L’ostéonécrose peut se manifester par des douleurs et une limitation des mouvements, mais, dans 30 à 50 % des cas, elle n’a pas de manifestation clinique et doit donc être dépistée précocément.

Les autres complications évolutives

Elles peuvent concerner pratiquement tous les organes, et notamment le cœur (cardiomyopathie), les poumons (insuffisance respiratoire, hypertension pulmonaire, hypoxie chronique), les reins (tubulopathie, glomérulopathie, insuffisance rénale), le foie (hépatite C post-transfusionnelle), les voies biliaires (lithiase biliaire, cholécystite), les yeux (rétinopathie) et la peau (ulcères de jambes).

LE DIAGNOSTIC

→ Le diagnostic de la drépanocytose se fait dans l’enfance et de plus en plus en période néonatale en France. De façon à en faire le diagnostic le plus tôt possible dans la vie, afin de pouvoir prendre en charge l’enfant drépanocytaire avant même que ne se manifestent les premières complications de la maladie.

→ En France métropolitaine, le dépistage est fait, depuis 2000, à la maternité chez les nouveaux-nés à risque (origines africaines, antillaises et maghrébines). Ce dépistage est systématique dans les départements d’outre-mer (DOM).

→ Le diagnostic peut cependant être plus tardif. Il repose sur l’étude de l’hémoglobine, qui confirme l’absence d’HbA et la présence d’HbS, et indique la proportion d’HbA2 et d’HbF.

→ Chez le nouveau-né, le prélèvement se fait par prélèvement capillaire au talon, plus tard sur une prise de sang à distance d’une transfusion (trois mois).

LA PRISE EN CHARGE

La prise en charge de la drépanocytose chez les enfants et adolescents est complexe.

Une prise en charge pluridisciplinaire

Elle fait intervenir un grand nombre de professionnels de santé spécialistes dans le cadre de la prévention des complications, de leur dépistage au stade infra-clinique (c’est-à-dire avant qu’elles ne se manifestent) et de leur traitement. Elle intègre des dispositions médicales à un support psychologique, compte tenu de l’impact de la maladie sur la qualité de vie et la grande incertitude du lendemain. La dimension sociale de cette prise en charge est majeure, s’agissant souvent de familles vivant dans des milieux défavorisés, et parfois dans des conditions de grande précarité.

En pratique

Elle doit comprendre au minimum : le médecin traitant à proximité du domicile de l’enfant, un médecin correspondant travaillant dans le centre hospitalier qualifié situé à proximité du domicile de l’enfant, et les médecins et infirmiers spécialisés, c’est-à-dire appartenant aux services hospitaliers de référence prenant en charge la drépanocytose (centres de référence pour les syndromes drépanocytaires majeurs). L’accent est mis aujourd’hui sur l’éducation thérapeutique des familles et l’information de l’entourage.

À noter : les centres “qualifiés” peuvent ne pas avoir acquis le label de “compétence”, mais sont néanmoins compétents.

Une attitude préventive

→ La base du traitement repose sur des mesures visant à prévenir les complications, et mises en œuvre précocement dès l’évocation du diagnostic. Ces mesures sont destinées à tous les patients, peu ou très symptomatiques. Elles ont un impact majeur sur l’évolution, bien qu’elles soient parfois limitées par les conditions réelles d’existence des enfants.

→ Il existe par ailleurs des traitements destinés aux patients affectés des complications les plus graves : transfusions, hydroxyurée, greffe de moelle.

LES MESURES PRÉVENTIVES

Un grand nombre de complications de la maladie sont évitées par la mise en œuvre précoce d’un traitement reposant sur une attitude préventive.

L’hyperhydratation

Cette consigne simple d’hygiène de vie doit être expliquée dès les premiers mois de vie et est applicable à tout âge. L’hyperhydratation est encore majorée en cas d’effort sportif, de réchauffement du climat, d’infection et dès les premiers signes évocateurs d’une crise douloureuse.

La prévention des infections pneumococciques

→ La vaccination : à partir de l’âge de 2 mois, on propose systématiquement la vaccination contre le pneumocoque ainsi que des rappels renouvelés tout au long de la vie.

→ L’antibioprophylaxie continue : les enfants drépanocytaires doivent prendre tous les jours un antibiotique efficace contre le pneumocoque (penicilline V) pour diminuer le risque d’infection, à partir de 2 mois et jusqu’à l’âge de 15 ans. Les allergies vraies à la pénicilline sont exceptionnelles. Dans ce cas, les modalités de l’antibioprophylaxie sont discutées avec un infectiologue pédiatre. L’importance de cette antibioprophylaxie est soulignée à chaque consultation ou visite afin de diminuer la non-observance progressive au traitement.

Un programme de vaccination élargi

→ Les enfants drépanocytaires doivent suivre la protection vaccinale prévue par le calendrier vaccinal contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, les infections à Haemophilus influenzae de type b, la rubéole, les oreillons, la rougeole, la tuberculose et l’hépatite B, les papillomavirus.

→ S’y ajoutent les vaccinations suivantes : antipneumococcique, antigrippale et antiméningococcique.

Une supplémentation en acide folique

Dans la drépanocytose, les réserves en acide folique sont insuffisantes, ce qui peut entraîner une carence aiguë pouvant avoir des effets graves (notamment une insuffisance de production médullaire en érythrocytes, leucocytes et thrombocytes). La supplémentation peut éviter ces effets et se justifie tout au long de l’évolution de la maladie (à vie).

Les facteurs déclenchant une crise vaso-occlusive

Certains facteurs sont plus fréquemment responsables de crises douloureuses, comme les changements de température, les bains en eau froide, la déshydratation, les infections, l’hypoxie, le stress physique et psychologique.

Le traitement dès les premiers symptômes

Il importe de prendre en charge précocement une crise douloureuse (hyperhydratation, repos, antalgiques), une fièvre, connaître les signes d’alerte imposant une hospitalisation en urgence et mettre en place un circuit d’urgence.

Le dépistage des complications viscérales

Un suivi régulier spécialisé est nécessaire chez tous les enfants drépanocytaires, qu’ils soient peu ou très symptomatiques. Il permet notamment de dépister des manifestations infraclinques et de les traiter avant qu’elles ne se déclarent.

LES MODALITÉS DU SUIVI

Les deux premières consultations se déroulent idéalement dans les trois premiers mois de vie, période encore asymptomatique.

La première consultation de confirmation

Lorsque le laboratoire a dépisté le nouveau-né (ou l’enfant, lorsque le dépistage n’a pas été fait à la naissance), des pédiatres référents vont convoquer la famille pour :

→ expliquer aux parents que leur enfant a été dépisté comme porteur d’une hémoglobinopathie, mais que cela demande à être confirmé ;

→ expliquer la physiopathologie de la maladie ;

→ réaliser chez l’enfant une étude de l’hémoglobine pour confirmer le diagnostic et la proposer aux deux parents. Une enquête familiale est proposée, avec si besoin dépistage de la fratrie, du fait encore récent de la systématisation du dépistage néonatal ciblé.

La première consultation de suivi

Deux mois après confirmation du diagnostic, cette consulation se déroule également dans le centre de référence. L’examen est le plus souvent normal à cet âge. La consultation a pour but :

→ d’organiser avec les parents les modalités de la prise en charge médicale et sociale de l’enfant. L’assistante sociale et le psychologue du service peuvent être présentés dès cette première consultation, même si les parents ne font appel à eux qu’ultérieurement ;

→ remettre des documents d’information sur la drépanocytose (notamment la carte d’information et de soins) et un protocole de soins ;

→ expliquer aux parents les signes cliniques de l’enfant qui doivent les amener à consulter en urgence. En accord avec les parents, le circuit d’urgence est défini avec désignation du centre de proximité qualifié ;

→ débuter les vaccinations ;

→ débuter une antibioprophylaxie antipneumococcique ;

→ instaurer une supplémentation systématique en acide folique.

Le suivi ultérieur

Un suivi spécialisé, dans le centre qualifié de proximité désigné, est nécessaire en moyenne tous les trois mois quand ils sont petits, puis plus espacé, mais toujours en fonction de leurs symptômes. Par ailleurs, les pédiatres du centre de référence voient l’enfant en moyenne tous les ans, pour des bilans plus approfondis.

Le bilan annuel

Un bilan annuel recherche des complications infracliniques de façon à les traiter précocement. Son contenu varie selon l’âge de l’enfant et le contexte. Il peut comprendre :

→ un bilan biologique ;

→ une recherche d’agglutinines irrégulières, des sérologies VIH, VHB et VHC pour les enfants transfusés hors de France ;

→ une mesure de la saturation en oxygène par oxymètre de pouls (recherche d’une hypoxémie) ;

→ à partir de 12-18 mois : une échographie-doppler transcrânienne pour évaluer le risque d’accident vasculaire cérébral. Cet examen explore le flux sanguin des artères cérébrales, des artères carotides et du tronc basilaire ;

→ à partir de 3 ans : une radiographie de thorax ;

→ à partir de 6 ans : une radiographie de bassin initiale, puis une IRM pour dépister une ostéonécrose de la tête fémorale ; une échographie cardiaque avec mesure des pressions artérielles pulmonaires pour rechercher d’éventuelles complications cardiaques ; une épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) ;

→ à partir de 7 ans : une échographie abdominale ;

→ à partir de 10 ans : un bilan ophtalmologique avec un ophtalmologiste expert en pathologie rétinienne, et éventuellement une angiographie rétinienne.

TRANSFUSIONS, HYDROXYURÉE, GREFFE DE MOELLE

Ces traitements sont destinés aux patients affectés des complications les plus graves. S’y associe le traitement de la surcharge en fer induite par des transfusions répétées.

La transfusion sanguine

→ La transfusion peut avoir deux buts dans la drépanocytose : soit de corriger l’anémie aiguë, soit de remplacer les hématies drépanocytaires par des hématies normales. Ce qui permet de corriger le déficit en transporteur d’oxygène (c’est-à-dire le déficit en hémoglobine fonctionnelle), et d’apporter des hématies déformables, capables de se rendre dans les sites ischémiés par les occlusions vasculaires ; ou bien encore de diminuer la proportion d’hémoglobine S afin d’enrayer ou d’éviter la polymérisation.

→ Ces buts peuvent être atteints par une transfusion simple ponctuelle, ou bien par un programme de transfusions simples chroniques, ou encore par des échanges transfusionnels. L’échange transfusionnel consiste à effectuer une saignée associée à une transfusion de concentrés érythrocytaires, pour éviter une augmentation de la viscosité sanguine qui pourrait être induite par une transfusion simple.

Une chambre implantable ou une fistule artérioveineuse peuvent être nécessaires chez certains patients. Les transfusions et, de façon moindre, les échanges transfusionnels, induisent une surcharge en fer (hémochromatose).

Le traitement de l’hémochromatose post-transfusionnel

→ Il repose sur la chélation du fer dès que le taux de ferritinémie est supérieure à 1 000 ng/ml. Le premier traitement chélateur a été la déféroxamine (DFO, Desféral), en perfusion sous-cutanée de huit à douze heures, 5 à 6 jours par semaine, par l’intermédiaire d’une pompe ou d’un diffuseur portable. Sa toxicité visuelle et auditive doit être surveillée annuellement. Par ailleurs, ce produit doit être interrompu chez les patients ayant une fièvre, une diarrhée, des douleurs abdominales. Les deux principales difficultés de ce traitement sont : la tolérance locale des injections sous-cutanées continues, et l’observance.

→ Ceci a promu le développement de chélateurs oraux : la défériprone (Ferriprox) et le déférasirox (Exjade). La défériprone n’est utilisée qu’avec une surveillance hebdomadaire de l’hémogramme en raison du risque d’agranulocytose. Le déférasirox peut entraîner des troubles digestifs et cutanés. Une surveillance toutes les une à deux semaines puis mensuelle de la créatinine, de la protéinurie, de la glycosurie et des transaminases est nécessaire, de même qu’un audiogramme et un fond d’œil tous les ans.

L’hydroxyurée

→ L’hydroxyurée (Hydréa, Siklos) est une molécule qui réactive la synthèse de l’hémoglobine fœtale. Celle-ci atténue la polymérisation de l’hémoglobine S, réduisant la fréquence et la sévérité des crises vaso-occlusives chez l’enfant et l’adolescent.

→ L’hydroxyurée est indiquée dans les formes avec crises vaso-occlusives fréquentes. La surveillance repose sur un hémogramme tous les quinze jours, puis tous les deux mois. Les patients sont informés sur le risque d’azoospermie et sur la nécessité d’une contraception pour les jeunes femmes en âge de procréer.

La greffe de cellules souches hématopoïétiques

La greffe de cellules souches hématopoïétiques est le seul traitement curateur permettant d’espérer une disparition complète et définitive des crises douloureuses et des symptômes liés à l’anémie.

Les cellules souches hématopoïétiques du donneur peuvent être médullaires (moelle osseuse) et recueillies sous anesthésie générale par ponction des ailes iliaques, ou bien provenir du sang placentaire simplement recueilli à l’accouchement et cryopréservé, à partir d’un donneur intra-familial, que ce soit un frère ou une sœur, même père, même mère, et qu’il soit HLA (human leukocyte antigen) identique. Le dilemme de la greffe est d’exposer, en sus d’autres complications, à un risque vital potentiel immédiat, en vue d’une possible guérison, tout en sachant qu’elle doit être réalisée avant l’âge de 15 ans.

Précautions pour l’anesthésie

Pour toute anesthésie générale, il est prévu une hydratation par voie intraveineuse, une oxygénothérapie et un réchauffement systématique.

En cas d’anesthésie supérieure ou égale à une heure, d’intervention sur la paroi abdominale ou thoracique, ou d’amygdalectomie, une préparation transfusionnelle est recommandée, sauf pour les cas particuliers discutés avec le médecin spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DES FAMILLES

Encore insuffisamment mise en œuvre, faute de moyens, l’éducation thérapeutique des familles et des enfants a notamment pour but (cf. notre partie Savoir faire) :

→ apprendre aux parents puis à l’enfant à reconnaître les signes qui imposent une consultation en urgence ;

→ établir un “circuit d’urgence” ;

→ leur expliquer les facteurs qui favorisent les crises vaso-occlusives douloureuses, notamment la déshydratation ;

→ leur rappeler la nécessité d’une hydratation abondante ;

→ leur apprendre à être attentifs à l’apparition d’une fièvre tout comme aux changements de comportements de l’enfant ;

→ les former à la prise en charge initiale d’une crise vaso-occlusive douloureuse.

Une transmission héréditaire

La drépanocytose est une maladie héréditaire qui se transmet sur le mode autosomique récessif.

Un enfant est malade si chacun de ses parents, en gé­néral ­porteur sain de la ­maladie A/S ou plus rarement lui-même ­drépanocytaire S/S, lui a transmis son gène codant pour l’hémo­globine S. Ce risque est de 1 sur 4 quand les deux parents sont ­hétérozygotes A/S. Cette maladie touche autant les filles que les garçons. Les sujets ­hétérozygotes A/S ne sont pas malades. (cf. schéma de la page précédente).

Point de vue…
La drépanocytose ne guérit pas, elle se soigne

Christian Godart, président d’honneur de l’association SOS Globi (Association de lutte et de prévention contre les maladies du globule rouge : drépanocytose et thalassémie)

« Les parents se plaignent souvent que l’on n’arrive pas à soigner leurs enfants. En fait, ils confondent soigner et guérir. On ne peut pas guérir de la drépanocytose. Ils le savent, mais quand vous avez des charlatans qui vous vendent de la poudre de perlimpinpin en disant qu’ils guérissent la drépanocytose, ils tombent dans le piège. C’est tellement dur, ils peuvent croire à tout. »

La rate, une défense contre l’infection

La rate est le siège de plusieurs phénomènes intervenant dans la défense immunitaire. Ce sont notamment : la reconnaissance des antigènes, la multiplication des cellules de défense, la filtration et la phagocytose des bactéries provenant du sang circulant et la production de certains anticorps. Ces fonctions ne peuvent être que partiellement compensées par d’autres organes du système réticulo-endothélial (ganglions lymphatiques, amygdales, plaques de Peyer de l’intestin grêle). C’est la raison pour laquelle, après une splénectomie ou une asplénie fonctionnelle, la susceptibilité aux infections, et plus particulièrement celles à pneumocoques et à méningocoques, dure toute la vie.

L’hydratation, une mesure de prévention essentielle

Les globules rouges sont connus pour être extrêmement sensibles aux variations de l’osmolarité plasmatique. Ils sont capables de réduire ou d’augmenter leur contenu en eau de façon rapide et importante, ce qui se traduit par des variations de la concentration en hémoglobine. Dans la drépanocytose, une bonne hydratation réduit la concentration en hémoglobine S dans les globules rouges, réduisant ainsi la déformation des hématies. Veiller à une bonne hydratation est d’autant plus essentiel que la diminution du pouvoir de concentration des urines est constante chez les enfants drépanocytaires, responsable d’un risque de deshydratation. Une augmentation des apports hydriques est recommandée dès les premiers mois de la vie, majorée en cas d’effort sportif, de réchauffement du climat, d’infection, de vomissements ou diarrhée, et dès les premiers signes d’une crise douloureuse.

Effet protecteur contre le paludisme ?

Différentes études ont avancé que l’hémoglobine S chez les personnes hétérozygote A/S (et chez certains patients homozygotes S/S) aurait un certain effet protecteur sur les formes graves de paludisme. En pratique, l’infection paludéenne n’est pas moins fréquente, et peut bien évidemment entraîner des conséquences graves, notamment pour le sujet drépanocytaire. Elle est la première cause de mortalité chez les patients (enfants et adultes) qui effectuent un séjour en zone d’endémie. La chimioprophylaxie antipaludéenne et les conseils adaptés sont donc systématiques.

Célébrité

En juillet 2010, des chercheurs allemands ont avancé que le pharaon Toutankhamon était probablement mort de la drépanocytose, infirmant les conclusions d’une importante étude égyptienne publiée en février et qui ­affirmait que le roi serait mort du­ paludisme.

Plus d’infos sur le célèbre pharaon sur le site : http://f24.my/aCMk7x.

Point de vue…
Sensibiliser aux dons du sang

Christian Godart, président d’honneur de l’association SOS Globi

« Nous travaillons actuellement sur deux grands axes. Le premier, c’est la sensibilisation au dépistage, c’est-à-dire parvenir à ce que les adultes en âge de fonder une famille puissent se faire dépister avant d’avoir un enfant drépanocytaire, et donc inciter les jeunes à se faire dépister. En effet, on s’aperçoit aujourd’hui que les familles ne sont pas informées. Notre deuxième axe : sensibiliser aux dons du sang. La transfusion est un traitement essentiel dans la drépanocytose, et l’Île-de-France manque de sang. »

Point de vue…
La place des infirmières libérales

Amélie Perrin, infirmière formatrice au Rofsed

« Les infirmières libérales peuvent être d’un grand soutien dans l’éducation thérapeutique et la réorientation. Ne pas hésiter à réadresser les familles, et à demander conseil à celles qui ont l’habitude. Quand elles se rendent compte qu’un patient n’a pas de suivi hospitalier, l’alerter et lui conseiller de reprendre rendez-vous à l’hôpital. Tirer la sonnette d’alarme quand un patient ne prend plus son traitement, orienter une maman qui projette une nouvelle grossesse ou qui est enceinte vers une consultation génétique spécialisée, ou nous appeler quand il y a des difficultés à l’école, ou des problèmes sociaux, des choses que nous ne voyons pas forcément. Et ainsi faire le relais entre la maison et l’hôpital. Grâce à notre réseau, nous avons la chance de pouvoir aller à domicile. Et les infirmières libérales, les puéricultrices de PMI peuvent être un réel soutien. »

Rofsed ou l’éducation thérapeutique des familles

Le Réseau ouest francilien de soins des enfants drépanocytaires (Rofsed)* est encore unique en France. Attaché à l’hôpital Necker-Enfants malades, centre de référence pédiatrique des syndromes drépanocytaires majeurs, le Rofsed a pour objectif de permettre la prise en charge coordonnée ville-hôpital des enfants drépanocytaires, avec notamment la mise en place d’un dossier médical commun. Une infirmière-formatrice assure des formations individuelles à domicile à destination des familles, des patients et de toutes les personnes qui vont prendre en charge l’enfant sur le quotidien. Elle anime des sessions d’éducation thérapeutique de groupe en binôme avec le médecin coordinateur dans les différents sites hospitaliers de proximité. Une psychologue peut accompagner les parents. Les patients et leurs familles peuvent être orientés vers des structures de soins adaptées à leurs difficultés psychologiques, sociales, mais aussi scolaires.

*Adresse149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15. Site : www.rofsed.fr. Email : rofsed@wanadoo.fr. Tél. : 01 44 49 56 09.