Une prise en charge
Cahier de formation
LE POINT SUR
Plus de 850 000 personnes sont atteintes en France de la maladie d’Alzheimer ou de syndromes apparentés, mais la moitié seulement fait l’objet d’une prise en charge adaptée.
La démence, qu’elle soit de type Alzheimer ou liée à une autre cause, associe des troubles du comportement (apathie, irritabilité, isolement, troubles de l’attention et des conduites sociales…) et des troubles cognitifs qui retentissent sur les capacités fonctionnelles de la personne comme les troubles de la mémoire, désorientation, troubles du langage et de la compréhension verbale, troubles du raisonnement et de la pensée abstraite, difficultés à réaliser les gestes et des actes de la vie quotidienne, difficultés à reconnaître des personnes ou des objets. Cette pathologie évolue par ailleurs sur plusieurs années, et implique le patient et son entourage.
L’arrivée de traitements spécifiques dans la maladie d’Alzheimer a « contribué à lever le tabou de la maladie auprès des patients et des familles et à modifier l’image de la maladie qui n’apparaît plus comme une fatalité contre laquelle on ne peut rien faire », selon l’expertise collective de l’Inserm en 2007. « Une fois le diagnostic posé, la prescription d’un traitement devient un élément structurant de cette prise en charge », indique le Dr Frémont, gérontopsychiatre au CHU de Lagny. Par rapport aux bénéfices attendus sur certains symptômes, mais aussi par son effet auprès des aidants, et plus largement sur le dispositif qui sera mis en place.
Elles représentent aujourd’hui une dimension incontournable de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des autres démences. Elles ont pour but d’aider le patient et son entourage à mieux vivre malgré sa maladie, et éviter des erreurs pouvant aboutir à une perte d’autonomie accélérée qui aurait pu être prévenue et retardée. « Les soignants savent que la personne Alzheimer peut se sentir en bonne santé, souligne le Dr Lambert, gériatre et président de l’association Aveyron Alzheimer, son sourire, son calme, son regard en témoignent. » « Il n’existe pas de parallélisme entre la perte d’autonomie et la sévérité de la maladie », insiste le Dr Vellas, coordinateur du pôle gériatrique et du Centre de mémoire de recherche et de ressource (CMRR) des hôpitaux de Toulouse. « Cela veut dire qu’un patient avec des lésions neuropathologiques débutantes peut être rapidement dépendant, alors qu’un grand malade peut garder longtemps une certaine autonomie. »
Les approches non médicamenteuses sont très diverses et font intervenir des professionnels d’origine très variée. Si, d’une façon générale, elles accordent une grande importance à la dimension relationnelle avec le patient ou ses aidants et leur qualité de vie, elles ont aussi un impact sur les professionnels qui les mettent en œuvre, leur donnant une meilleure connaissance des patients ou de leurs aidants. Elles sont souvent la source d’une expérience humaine enrichissante. Elles forment néanmoins un champ complexe et hétérogène devant lequel les acteurs publics, les professionnels et les aidants familiaux sont souvent perdus ou perplexes. « Même si elles suscitent un grand intérêt, ces approches sont insuffisamment mises en œuvre », insiste le Pr Belmin, gériatre à l’hôpital Charles-Foix (AP-HP).
Yves Gineste et Rosette Marescotti, directeurs du Centre de communication et d’études corporelles (CEC-France), se sont investis dans le soin, le “prendre-soin”, aux personnes âgées, et notamment aux personnes atteintes de démence. « Les difficultés sont nombreuses, notent-ils. Les pièges liés à la culture des soins, à la formation, au grand âge, sont encore très forts, et le cœur ne suffit pas, la bonne volonté non plus. » Trente années de pratique au cœur des soins leur ont permis d’imaginer des techniques (environ 150), une philosophie de soin, l’humanitude, et de mettre en place des formations dans les établissements et à domicile (site : www.igm-formation.net). Ils regroupent par ailleurs des initiatives innovantes. Ils citent notamment leur collaboration avec Asshumevie, Association humanitude évaluation et milieu de vie, qui regroupe des directeurs, des médecins et des cadres qui tendent vers la création de milieux de vie substituts de domicile. « En France, il manque encore 20 à 30 % de personnels soignants pour œuvrer vers des soins tendres et dignes où tout le monde serait gagnant, familles, personnes accompagnées, professionnels et bénévoles », déplorent-ils.
Le Pr Joël Belmin et le Dr Olivier Drunat ont créé en 2008 un enseignement universitaire (université Paris 5 et 6) sur les approches non médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer et autres démences, le DIU Mata (Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées). Le programme comporte plusieurs modules : approches cognitives, psychothérapeutiques, comportementales, l’environnement des patients, approches éducatives pour les aidants, art-thérapie et animation (site Internet : http:// seformeralageriatrie.org/DUMATA.aspx). « Les étudiants qui viennent vers nous ont déjà accompli un travail de maturation sur ce thème. Ils sont en interrogation, en recherche et souvent orientés vers la mise en œuvre d’un projet, que nous pouvons accompagner », indique le Pr Belmin. Ils sont soignants (IDE, cadres de santé), responsables d’animation, psychologues, médecins ou acteurs associatifs. Une pluridisciplinarité qui s’accorde à celle du comité pédagogique où figurent la gériatrie, la psychiatrie, la neurologie, la psychologie et la sociologie. « Cette pluridisciplinarité est un des aspects intéressants de notre formation », souligne le Pr Belmin. Une formation globale, également dans le sens où « les approches se complètent les unes les autres. Notre enseignement n’est donc pas seulement un exposé de choses que les personnes mettent en place, juxtaposées les unes les autres, mais il s’intègre aussi dans un mouvement global qui commence à former un corpus de connaissances et d’actions, qui ont pour certaines d’entre elles des parentés, des problématiques communes, et bien sûr des spécificités ». De sa première expérience de fonctionnement, le Pr Belmin conclut à une réelle attente des professionnels de terrain sur la thématique et le besoin d’approcher le sujet en profondeur. Il note par ailleurs des perspectives très présentes chez ses étudiants : l’importance de l’évaluation des actions et la nécessité pour les acteurs de se grouper et de standardiser leurs actions.
L’association France Alzheimer propose des formations gratuites aux aidants. D’autres approches méritent l’attention : l’approche Montessori présentée par John Zeisel neuropsychologue à Boston (États-Unis) et enseignant au DIU Mata à Paris, le concept d’espaces multisensoriels Snoezelen présenté par leur concepteur hollandais Ad Vernheul, l’haptonomie, l’orthophonie…
Pour en savoir plus sur la maladie d’Alzheimer : se reporter au Cahier de formation paru dans ILM n° 240 de septembre 2008. Lire aussi La Maladie d’Alzheimer, de Dr Georges Lambert, président de Alzheimer Aveyron, Les Essentiels Milan, 2007.
Fiche réalisée dans le cadre des conférences de la 3e Édition du colloque sur les approches non médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer, les 3 et 4 novembre 2010 à Paris