L'infirmière Libérale Magazine n° 267 du 01/02/2011

 

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RECONNAISSANCE > Asseoir leur légitimité face aux médecins et leur visibilité face aux juges, c’est le double défi qu’entendent relever les experts judiciaires infirmiers. Une Compagnie vient de se créer en vue de défendre leurs intérêts et ceux d’autres experts non médecins.

Cinquante. Le nombre d’adhérents de la Compagnie nationale des experts judiciaires professionnels de santé non médecins*, fondée il y a un an et qui a tenu son premier symposium le 14 janvier à Vanves (Hauts-de-Seine), pourrait sembler minime. Pourtant, l’association regroupe la quasi-totalité des experts judiciaires de cinq professions de santé non médicales. En France, juste quatorze infirmières, vingt-huit kinésithérapeutes, trois opticiens-lunetiers, six sages-femmes et six ergothérapeutes sont inscrits sur les listes d’experts judiciaires, dont le rôle est d’apporter un éclairage technique aux juridictions qui le souhaitent.

« Réflexe conditionné »

Leur existence satisfait pourtant un besoin : celui des professionnels mis en cause à être entendus par un pair, comme l’avance Christian Lacomère, kinésithérapeute et président de la Compagnie. Mais ce besoin peut être refréné par des habitudes. L’un des magistrats invités au symposium a admis « un réflexe un peu conditionné [des juges] : l’expertise dans le domaine médical, en général, c’est le médecin. C’est très difficile de faire admettre à un tribunal qu’il faut savoir s’adresser à d’autres ». Difficile aussi de le faire admettre à des médecins, auxquels les expertises judiciaires ont longtemps été réservées.

Les médecins sollicités

Conséquence : les experts judiciaires non médecins ne sont pas, ou peu, sollicités. Faute de relations dans le “milieu” judiciaire, peut-être. Grégory Lépée, seul infirmier libéral expert judiciaire (cf. encadré ci-dessous), a déjà été appelé, mais il a décliné l’offre : les deux affaires ne concernaient pas des infirmières mais des sages-femmes.

Il confie avoir toutefois déjà prodigué des conseils à d’autres experts infirmiers pour des cas jugés au tribunal des affaires de Sécurité sociale, où peuvent être examinées des surfacturations ou des fraudes à l’Assurance maladie. Et où l’expert doit répondre à ce type de questions : l’infirmière libérale devait-elle passer au domicile du patient ? Sa cotation était-elle conforme aux soins dispensés ?

*Contact de la Compagnie nationale des experts judiciaires professionnels de santé non médecins, Véronique d’Hérouville : vdherouville@hopital-dcss.org.

Un unique libéral

Avant de décrocher son inscription sur la liste d’experts de la cour d’appel de Riom (Puy-de-Dôme), Grégory Lépée, 37 ans, a obtenu deux diplômes universitaires, le premier en victimologie clinique à Clermont-Ferrand, où il réside, et le second, intitulé “Droit, expertise et soins”, à l’Institut de formation et de recherche sur les organisations sanitaires et sociales et leurs réseaux, à Lyon. En ce moment, il suit un master sur la direction des structures sanitaires et sociales. Lui qui a plongé dans le monde judiciaire regrette que « les infirmières, en général, ne s’intéressent à la justice que quand elles sont elles-mêmes concernées ». Les conséquences peuvent alors être lourdes. Notamment en cas de litige sur la nomenclature, dont l’interprétation n’est pas toujours aisée… « Il arrive que l’Assurance maladie demande à l’infirmière de rembourser deux ou trois ans d’indus, par exemple 20 ou 30 000 euros, ce qui contraint des cabinets à fermer. »