L'infirmière Libérale Magazine n° 267 du 01/02/2011

 

SEVRAGE À DOMICILE

L’exercice au quotidien

Infirmière libérale à Blois (Loir-et-Cher), Évelyne Bellitto intervient à la demande du Rézo addictions 41 dans la surveillance de sevrages à domicile. Un exercice délicat mais plutôt enrichissant.

« Je travaille en cabinet, à Blois, avec quatre collègues. Depuis un an et demi, le Rézo addictions 41 nous sollicite pour surveiller des sevrages à domicile, en général d’alcool et de tabac. Les trois premiers jours, nous effectuons une visite matin et soir. Ensuite, nous passons une fois dans la journée, puis, au fil des semaines, le suivi s’espace. À chaque passage, nous remplissons une grille. Nous devons surveiller les constantes, voir comment les patients se sentent, s’ils ont des sueurs, des tremblements, des troubles digestifs, s’ils dorment bien, s’ils sont anxieux, irritables… Nous nous assurons qu’ils prennent correctement leur traitement. Quand les résultats sont mauvais ou en cas de reprise du produit, nous prévenons le médecin du Rézo. Celui-ci peut alors estimer que le sevrage à domicile n’est pas la formule la mieux adaptée et donc l’arrêter.

Ces pratiques, nouvelles, sont parfois un peu perturbantes. Nous avons l’impression d’être dans le soin sans y être vraiment. Dans notre exercice habituel, nous apportons, en effet, toujours des réponses concrètes : un pansement, une piqûre… Là, il s’agit d’instaurer la confiance, d’observer, d’écouter. Et cela, sans donner d’avis sur la situation, pour ne pas être instrumentalisé. Dans ce cadre, nous nous retrouvons souvent face à des personnes très marquées, à la fois physiquement et psychiquement, par leur parcours addictif, et ce n’est pas toujours facile. Ce travail demande aussi énormément de temps : la visite peut durer une heure le matin et dépasser la demi-heure le soir, ce qui n’est pas toujours simple à planifier. Si nous n’exercions pas en groupe, nous ne pourrions pas le gérer. Travailler avec le Rézo addictions 41 nous amène aussi à participer à des réunions de synthèse avec le patient et les professionnels impliqués dans son suivi.

Je trouve ce mode d’intervention très enrichissant car il nous oblige à nous poser et à être vraiment au contact des patients. Nous créons des rapports différents avec eux car nous leur consacrons plus de temps. Les sevrages à domicile diversifient l’activité et ouvrent d’autres horizons. Alors que nous arrivons à peine à nous voir entre nous au sein du cabinet, ils nous relient à d’autres professionnels, ce qui est plutôt agréable. »

Avis de l’expert

Une réponse de proximité

Dr Anne-Marie Brieude, médecin coordinateur du Rézo addictions 41

« Le Loir-et-Cher souffre de désertification médicale. Solliciter les infirmières libérales nous permet de développer les sevrages à domicile et ainsi l’accès aux soins, notamment pour les personnes précaires ou isolées, faute de moyens de transport. À cette fin, nous avons formé les infirmières libérales aux techniques de surveillance de sevrage ainsi qu’aux moyens d’ouvrir la parole au quotidien sur les questions d’addictions. Nous avons aussi travaillé ensemble leurs représentations de ces patients. Grâce à l’obtention de dérogations tarifaires, nous proposons un forfait d’environ 150 euros pour un sevrage. Cette formule coûte moins cher qu’une hospitalisation et est moins stressante pour le patient. »