POLITIQUE DE SANTÉ
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DÉCLARATION > Cette année est l’occasion de promouvoir les droits des patients qui, bien que consacrés par la loi de 2002, restent méconnus. Les experts rendent leurs copies.
Octobre 2010. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, annonce que 2011 sera l’année des patients et de leurs droits. Elle nomme la journaliste et médecin Marina Carrère d’Encausse présidente des travaux de l’année (cf. L’ILM n° 264) et crée trois groupes de réflexion autour des droits des patients, de la bientraitance à l’hôpital et des nouvelles attentes du citoyen en tant qu’acteur de sa santé.
Plusieurs experts du système de santé sont missionnés sur ces questions, parmi lesquels Alain-Michel Ceretti, conseiller santé du médiateur de la République, Michelle Bressand, conseillère générale des établissements de santé ou encore Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace éthique de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Christian Saout, président du collectif interassociatif sur la santé et Christine d’Autume, inspectrice générale des affaires sociales (Igas), sont quant à eux nommés rapporteurs. Remaniement ministériel oblige, la machine s’est quelque peu enrayée et les différents rapports, attendus initialement en janvier, n’ont été publiés que fin février. En janvier dernier, l’équipe attendait encore que Xavier Bertrand et Nora Berra donnent leur feu vert et Christian Saout confiait : « Ça patine sévère. Nous n’avons aucun signal. »
Les personnes missionnées n’ont cependant pas ménagé leur peine et elles ont remis pas moins de 190 propositions aux ministres.
Michelle Bressand, infirmière et conseillère générale des établissements de santé, Martine Chriqui-Reinecke, psychologue clinicienne, et Michel Schmitt, radiologue hospitalier, se sont intéressés à la problématique de la bientraitance à l’hôpital. Une démarche qu’il faut continuer à promouvoir, même si l’on constate déjà « une montée en charge de la culture de la bientraitance à l’hôpital », relève Michelle Bressand. De son point de vue, il importe de « redonner leurs lettres de noblesse aux soins qui ne sont pas des soins techniques : les toilettes, l’aide à la marche, etc. C’est là que se trouve le respect de la personne, c’est là que l’on échange ».
De leur côté, Nicolas Brun, de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), Emmanuel Hirsch et Joëlle Kivits, sociologue de la santé, se sont penchés sur les attentes des citoyens en tant qu’acteurs de leur santé et relevé des attentes en matière d’éducation thérapeutique. Ils proposent entre autres la création d’une filière d’éducation à la santé dans chaque université, ouverte aux patients et aux accompagnants. Ils appellent également à ce que le développement des nouvelles technologies en matière de santé – télémédecine, téléconsultation,… – ne soit pas utilisé « aux fins exclusives de compensation de la désorganisation du système de santé mais bien comme un outil au service de l’amélioration de la qualité des soins ». Surtout, ils appellent à une reconnaissance de l’expertise des patients, une attente entendue par la secrétaire d’État à la santé, Nora Berra.
Parallèlement, un état des lieux réalisé par Alain-Michel Ceretti et Laure Albertini, responsable du pôle démocratie sanitaire de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, montre les failles d’application de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, dite loi Kouchner. L’accès au dossier médical, la transparence s’agissant des pratiques tarifaires, les procédures liées à l’indemnisation en cas de préjudice doivent être améliorés. Les auteurs préconisent aussi le développement d’indicateurs, notamment de satisfaction des patients, et souhaitent voir se développer un outil Internet unique d’information lisible et compréhensible pour qui souhaite s’informer en matière de santé et d’offre de soins.
À l’appui de ce rapport, un sondage BVA réalisé en septembre dernier à la demande du ministère de la Santé témoigne que les Français ne connaissent pas bien leurs droits – 70 % en ont en tout cas le sentiment – et ignorent qui sont les acteurs de la démocratie sanitaire.
Peut-être pire, une étude qualitative de la TNS-Sofres menée en février auprès des professionnels de santé hospitaliers et libéraux montre une méconnaissance évidente des droits des malades et de la loi de 2002. Ils évoquent des réserves vis-à-vis de ces droits, craignant notamment une remise en cause de leur expertise et une augmentation du temps passé à la pédagogie auprès des patients.
Enfin, ils discutent certains droits de leurs patients, tels que l’information au travers de l’accès au dossier médical, la réparation amiable d’un préjudice ou encore la participation active aux décisions médicales. De quoi donner du grain à moudre à Alain-Michel Ceretti quand il évoque la nécessaire promotion des droits des patients auprès des professionnels de santé eux-mêmes.
Passées ses études de médecine, la journaliste Marina Carrère d’Encausse a, suite à un accident, dû être hospitalisée pendant plusieurs mois. « Quand on est médecin, quand on est soignant, on ne mesure pas sa supériorité », raconte-t-elle. Et de décrire combien ce peut être humiliant de se sentir si vulnérable quand plusieurs personnes entrent dans votre chambre pour parler de votre cas, presque comme si vous n’étiez pas là. Motivée par cette année sur les droits des malades, elle affirme : « Pas question que cette année se termine comme toutes les autres. Les droits des malades, la bientraitance, ne s’arrêtent pas le 31 décembre. »
→ Prévue par la révision de la Constitution en 2008, une nouvelle institution va voir le jour. Le Défenseur des droits regroupera entre autres le médiateur de la République et la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde). De quoi améliorer l’action de lutte contre les entraves à l’accès aux soins liées notamment aux capacités financières des malades, selon Alain-Michel Ceretti, conseiller santé auprès du médiateur de la République.