Le débat
En novembre dernier, François Fillon confiait au député Jean-François Chossy une mission portant sur l’évolution des mentalités et le changement de regard de la société sur les personnes handicapées. L’occasion pour le parlementaire d’aborder la question presque taboue de leur sexualité.
Comment percevez-vous le débat mené en France sur les assistants sexuels, avec votre expérience suisse ?
La situation est fondamentalement différente. Le statut d’assistant sexuel est assimilé à celui de la prostitution. En France, la relation aux prostituées pose problème. En Suisse, guider une personne handicapée vers un assistant sexuel ne menace personne de proxénétisme.
Depuis quand les assistants sexuels existent-ils en Suisse ?
Les assistants sexuels existent depuis 2003 en Suisse alémanique et depuis juin 2009 en Suisse romande. L’assistance sexuelle est plutôt discrète et ne représente qu’une minorité de demandes. La plupart des personnes handicapées cherchent plutôt un partenaire de vie. En 2010, nous avons reçu environ 80 demandes. Lorsque l’on vit dans un désert de sensualité et de sexualité, l’assistance sexuelle est une réponse magnifique, mais elle n’est pas LA réponse ! Surtout, elle n’est pas à la mesure de tout le monde car chacun se l’offre avec son “argent de poche”.
Est-il envisageable de créer un financement public ?
L’État ne peut pas financer un tel service, en tout cas tant que l’assistance sexuelle sera assimilée à de la prostitution. Pour ceux qui n’y ont pas accès, faute de moyens financiers, il faudrait imaginer d’autres voies. Pourquoi pas des dons privés pour les plaisirs de manière générale, parmi lesquels on trouverait un vol en avion, un voyage et un moment de plaisir sensuel ?
Le bénévolat est-il envisageable ?
Non, car nous savons bien que, dans la vie, rien ne se fait jamais de façon totalement désintéressée. Si les assistants sexuels étaient des bénévoles, on considèrerait certainement que ces personnes assistent pour leur propre plaisir et on se méfierait. Cela dit, ici ou là, lors du soin intime, nous savons que certains soignants accomplissent parfois ce geste délicat dans l’ombre, pour rendre service à la personne livrée à elle-même. Mais ce n’est pas sain.
Les assistants sexuels parviennent-ils à parler de ce qu’ils font avec leur entourage ?
Lors de leur formation, les assistants sexuels se posent la question de savoir comment ils vont en parler à leur famille, à leurs proches. Ceux qui font la démarche de devenir des assistants sexuels ont souvent déjà fait un énorme travail sur eux-mêmes et ils assument très bien ce qu’ils font. En Suisse francophone, nous comptons dix assistants sexuels.
Quels objectifs a la mission que vous présidez ?
La mission ne cherche pas à permettre l’insertion des personnes handicapées mais à trouver des actions concrètes. Dire qu’on va les insérer, c’est considérer d’emblée qu’elles sont différentes, qu’elles ne font pas partie de notre communauté. Nous voulons les faire participer à la citoyenneté.
On entend que vous souhaitez légiférer sur la question des assistants sexuels.
Je réfléchis à la question de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées depuis longtemps. Il se trouve que j’ai été approché par un collectif d’associations pour voir ce qu’il était possible d’envisager autour de ce sujet. On dit que je veux proposer une loi mais le fait est que je n’ai pas écrit la moindre ligne. Je ne sais d’ailleurs pas si je le ferai un jour. Nous n’en sommes pas là. Je suis dans une phase d’écoute.
Que vous dit-on ?
Dans certains établissements, il arrive que l’on fasse appel à des intervenants extérieurs que l’on nomme parrain ou marraine, qui viennent soulager les personnes en souffrance. Un homme handicapé m’a confié ne pas connaître son corps parce qu’il est tétraplégique et ne peut pas le toucher. Il a besoin d’un assistant. Certains considèrent que c’est de la perversion que de réfléchir à la sexualité des personnes handicapées mais il faut se projeter sur leurs problèmes. Doit-on pour autant légiférer sur un acte d’amour ? Je ne sais pas.
Roselyne Bachelot aurait déclaré que si l’assistance sexuelle se fait de façon bénévole, on n’a pas à intervenir mais, dès lors que ces relations seraient rémunérées, on se trouverait dans une forme de prostitution.
J’ai demandé à Roselyne Bachelot de réunir le comité national d’éthique sur cette question. Leur avis sera précieux. Encore une fois, il se trouve qu’il existe des situations où ces parrains et marraines interviennent pour soulager des personnes handicapées. C’est parfaitement hors la loi mais cela protège les professionnels de santé qui ne se retrouvent pas dans la position inconfortable d’être ceux qui ont à soulager ces patients. Ce qui pose problème, clairement, c’est la question de l’argent. Dès lors qu’il y a une relation d’argent, le mot de “prostitution” est employé.