L’énurésie de l’enfant - L'Infirmière Libérale Magazine n° 269 du 01/04/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 269 du 01/04/2011

 

Une affection

Cahier de formation

LE POINT SUR

L’énurésie nocturne correspond à une incontinence intermittente durant le sommeil. Si les troubles peuvent s’améliorer spontanément, leur impact sur le développement psychoaffectif de l’enfant peut être important.

Reconnaître une Enpi

Symptômes et causes

→ Lorsqu’on évoque l’énurésie de l’enfant, on parle généralement d’énurésie nocturne primaire isolée (Enpi). Elle se traduit par l’émission involontaire d’urine durant le sommeil, chez l’enfant âgé d’au moins 5 ans (âge où un enfant est habituellement propre). Elle est dite primaire si l’enfant n’a jamais été propre durant son sommeil sur une période d’au moins six mois (dans le cas contraire, l’énurésie est secondaire). Elle est dite isolée s’il n’existe aucun autre symptôme mictionnel relevant du bas appareil urinaire associé. Les mictions de l’enfant sont normales dans leur déroulement.

→ L’Enpi affecte 7,3 à 11,2 % des enfants de l’âge de 7 ans. Elle disparaît spontanément à raison de 15 % par an. Elle persiste chez environ 0,5 % des adultes.

→ Des antécédents familiaux sont retrouvés dans 30 à 60 % des cas.

→ La majorité des enfants énurétiques présentent un sommeil très profond.

→ Il peut exister un contexte familial ou scolaire particulier (changement d’école…) ayant pu favoriser la survenue du problème.

Les troubles associés

→ L’Enpi peut être associé à un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH): 20 % des enfants souffrant de TDAH ont une Enpi et 10 % des enfants souffrant d’Enpi ont un TDAH.

→ La baisse de l’estime de soi est un symptôme psychique fréquemment retrouvé.

→ Les troubles psychologiques sont la conséquence et non pas la cause de l’énurésie.

L’impact psychologique

Même si la guérison peut s’effectuer spontanément avec le temps, l’énurésie ne doit pas être négligée car elle peut avoir des répercussions importantes : baisse de l’estime de soi, isolement de l’enfant, retentissement familial (fatigue, découragement, punition…), persistance des troubles, etc.

Quel que soit le résultat sur le trouble lui-même, une prise en charge rapide (à partir de 5 ans) et adaptée a un effet bénéfique sur le moral de l’enfant.

Les deux formes principales

→ La forme polyurique pure (environ 20 % des Enpi) serait due à une anomalie du rythme de sécrétion de la vasopressine (ou ADH, hormone antidiurétique). La capacité fonctionnelle vésicale est normale.

→ La forme à faible capacité vésicale (environ 30 % des cas) est souvent réfractaire au traitement médicamenteux par vasopressine.

Les autres situations peuvent correspondre à des formes mixtes ou indéterminées.

Stratégie thérapeutique

→ La première consultation avec le médecin (généraliste ou pédiatre) consiste en une démarche d’information : l’objectif est de rassurer l’enfant (et les parents), de dédramatiser la situation (expliquer qu’il s’agit d’un problème transitoire) et de donner des conseils d’hygiène de vie qui suffisent souvent à améliorer la situation.

→ Un traitement n’est instauré que chez les enfants motivés, non guéris par les seules mesures hygiénodiététiques. La desmopressine est le traitement de choix des enfants ayant une Enpi associée à une polyurie nocturne. Les thérapeutiques de conditionnement (ou systèmes d’alarme) sont proposées aux enfants présentant une Enpi avec capacité vésicale réduite. En cas d’échec, les deux traitements peuvent être combinés.

L’essentiel

Règles hygiénodiététiques

Elles sont proposées durant un à trois mois.

→ Apports hydriques : ils sont normaux mais à consommer entre 7 et 18 heures (les restreindre le plus possible au-delà de 18 heures).

→ Choix des boissons : les eaux de boissons peu minéralisées sont privilégiées. Il est également conseillé de limiter les apports calciques le soir (laitages en particulier) et d’éviter les aliments très salés ou très sucrés en fin de journée car ces substances hyperosmolaires favorisent une polyurie.

→ Mictions : l’enfant est encouragé à se rendre régulièrement aux toilettes dans la journée et systématiquement avant le coucher.

→ Calendrier mictionnel : le médecin recommande généralement à l’enfant de remplir un “calendrier mictionnel” qui répertorie les nuits propres, les nuits mouillées, la quantité de boissons bues dans la journée… Cet outil aide à suivre la progression de l’enfant et constitue également un élément de motivation.

→ Rôle des parents : il est important qu’ils accompagnent activement l’enfant. Supprimer les couches (si toujours utilisées) qui l’infantilisent, le faire participer au change de sa literie. Ne pas punir mais au contraire l’encourager (l’enfant ne fait pas exprès).

Desmopressine (Minirin)

La desmopressine est indiquée chez l’enfant âgé de plus de 6 ans après élimination de toute pathologie organique sous-jacente.

→ Restriction hydrique : la prise s’effectue sous la surveillance d’un adulte car il est nécessaire de restreindre la prise de liquide une heure avant et durant les huit heures qui suivent l’administration du médicament. La forme lyophilisat (permettant une absorption sans eau) est préférée aux comprimés pour cette raison.

→ La posologie d’instauration est toujours progressive par paliers jusqu’à obtention de la dose minimale efficace. L’efficacité au traitement apparaît en quelques jours.

→ Surveiller l’apparition de signes “d’intoxication par l’eau” qui traduisent une hyponatrémie par hémodilution (au moment de l’initiation du traitement ou lors de l’augmentation des doses): prise de poids importante sur quelques jours, fatigue, manque d’appétit avec nausées, céphalées, signes neurologiques (agitation, confusion mentale…). Le traitement doit également être interrompu en cas de maladie pouvant entraîner un déséquilibre hydroélectrolytique (fièvre, diarrhées au cours d’une gastroentérite…).

→ Jamais de prise ponctuelle : en cas de séjour loin du domicile, il est important de débuter le traitement un mois avant pour déterminer la dose optimale.

Alarme

→ Le système (du type Pipi Stop) réveille l’enfant dès les premières gouttes d’urine émises. L’enfant doit arrêter le système et finir sa miction aux toilettes. Petit à petit, il va apprendre à anticiper et à se réveiller avant la miction.

→ Les systèmes d’alarme sont proposés à des enfants suffisamment grands (9-10 ans), motivés et ayant compris leur principe de fonctionnement : ils ne doivent pas être considérés comme une punition mais comme un moyen d’apprendre à devenir propre, donc autonome, petit à petit.

→ Le système n’agit pas d’emblée : il s’agit d’un apprentissage et le délai de réponse peut être plus ou moins long (entre quatre et huit semaines). Les systèmes d’alarme sont considérés comme le moyen thérapeutique le plus efficace sur le long terme.

Traitements de recours

L’oxybutinine (Ditropan) est parfois proposée (hors AMM) chez les enfants ayant une petite capacité vésicale. Les antidépresseurs tricycliques ne sont utilisés qu’en dernier recours dans de rares cas d’énurésie réfractaire chez l’adolescent.