Cahier de formation
Savoir faire
M. R., 73 ans, en dialyse depuis un an, est inquiet de recevoir de l’érythropoïétine dont il entend parler à la télévision. Que dire ?
Vous le rassurez, car l’EPO est essentielle pour sa santé. Il en a besoin car ses reins n’en fabriquent plus assez. C’est l’usage abusif par des sportifs en bonne santé qui est dangereux. En voulant doper leurs capacités physiques, ils risquent des accidents thrombo-emboliques. M. R., lui, ne fera que prévenir l’anémie et éviter le recours à la transfusion sanguine.
En cas d’insuffisance rénale chronique (IRC), l’une des conséquences est la diminution de synthèse de l’hormone qui stimule la fabrication des globules rouges par la moelle osseuse : l’EPO. À cela s’ajoutent des pertes de fer lorsque la filtration rénale est insuffisante et que le patient doit avoir recours à l’hémodialyse ou à la dialyse péritonéale. Ainsi, si le taux d’hémoglobine d’un insuffisant rénal a du mal à remonter malgré un traitement par des agents stimulants l’érythropoïèse (ASE), c’est probablement qu’il cumule un déficit d’EPO avec une carence en fer.
L’anémie chronique a longtemps été le symptôme révélateur de l’insuffisance rénale. Les patients subissaient une fatigue musculaire permanente. Ils avaient également de grosses difficultés de concentration et d’apprentissage, parce que leur cerveau était mal oxygéné. Le seul traitement possible était la transfusion sanguine, avec le risque de stimuler la production d’anticorps, ce qui s’avérait pénalisant en cas de greffe rénale. Les ASE (EPO et facteurs de croissance) ont grandement amélioré la qualité de vie des IRC en réduisant le recours aux transfusions sanguines et ont permis de prévenir les complications cardiovasculaires liées à la maladie rénale. Cependant leur administration n’est pas toujours aisée, car elle se fait par voie sous-cutanée ou intraveineuse. La première voie est préférée lorsque le patient n’est pas encore en dialyse ; la seconde est mise en œuvre au cours des séances d’hémodialyse. Certains patients font eux-mêmes leurs injections sous-cutanées : il convient de bien leur expliquer l’importance de ce traitement et les risques liés à une mauvaise observance. L’EPO n’est plus seulement délivrée par les pharmacies hospitalières, mais aussi vendue dans les officines de ville, pour faciliter l’accès au traitement pour les malades réalisant leurs dialyses à domicile.
Le traitement par des ASE nécessite une surveillance régulière du taux d’hémoglobine, afin de s’assurer de son efficacité et d’ajuster la posologie en cas de besoin, surtout dans les premiers mois de traitement. En particulier, la numération des réticulocytes est importante, car elle reflète la stimulation de la moelle par le traitement. D’autre part, il convient de ne pas surdoser les ASE, car il y a risque d’hypertension artérielle en cas de forte augmentation du taux d’hémoglobine.
Malgré cela, le rapport du Rein (Réseau épidémiologie information néphrologie) notait qu’une personne dialysée sur sept présentait en 2009 une anémie avec une hémoglobine inférieure à 10 g/dL. Mauvaise prescription d’EPO, de fer, résistance au traitement : les causes ne sont pas clairement identifiées.
L’hémodialyse consiste à épurer le sang sur une membrane externe afin de suppléer la fonction rénale déficiente. Lors de ce processus, des globules rouges coagulent dans le circuit extracorporel et des vitamines sont retenues sur la membrane de dialyse. La carence en fer et en vitamines vient renforcer l’anémie. Les recommandations de l’Afssaps indiquent que tout patient en dialyse doit recevoir une supplémentation en fer afin de maintenir ses réserves à un niveau suffisant pour éviter tout risque supplémentaire d’anémie. L’administration se fait par voie veineuse au cours de la dialyse, car l’absorption intestinale du fer est faible chez les patients urémiques. Il est utile de conseiller aux patients IRC d’adopter une alimentation équilibrée pour éviter d’autres carences, comme les carences en vitamines C, B9 ou B12, elles aussi éliminées au cours de la dialyse. Certains patients en dialyse perdent l’appétit. Leur prise en charge par une diététicienne peut s’avérer utile.
Régis Volle, président de la Fédération Nationale d’Aide aux Insuffisants Rénaux (FNAIR)
« La mise sur le marché de l’EPO en 1989 a été une véritable révolution dans la vie des insuffisants rénaux. Au début, seuls 5 % des patients pouvaient être traités. Puis ont été mises en place des commissions médicales chargées de surveiller les prescriptions des néphrologues. L’Assurance maladie a ensuite établi une dotation par patient pour les centres de dialyse, puis a intégré l’EPO dans le forfait dialyse. Certains ont restreint l’utilisation de l’EPO afin d’améliorer la marge réalisée sur chaque dialyse. Cette logique comptable était insupportable pour les patients. Nous nous sommes battus avec succès pour que l’EPO sorte du forfait, en 2005. Une nouvelle menace d’intégration a resurgi en 2009 : nous avons obtenu le report de cette mesure avec le soutien des néphrologues. Mais jusqu’à quand ? Plutôt que de restreindre l’utilisation de l’EPO, au détriment de la qualité de vie sociale et professionnelle des IRC, mais également de leur espérance de vie, ne serait-il pas plus pertinent de s’interroger sur le coût du non-traitement ? »