Cahier de formation
Savoir
L’anémie est la diminution de la quantité totale d’hémoglobine contenue dans les globules rouges du sang. La compréhension du fonctionnement de la moelle osseuse et du comportement des globules rouges dans la circulation permet de définir l’étiologie d’une anémie. Les causes d’un syndrome anémique sont très variées et les options thérapeutiques visant à soigner ou à corriger l’anémie diffèrent pour chaque cas.
Les globules rouges (ou érythrocytes, ou hématies) constituent l’une des trois familles de cellules du sang, à côté des globules blancs (ou leucocytes) et des plaquettes. Ce sont des cellules “vides”, sans noyau ni organites internes. Les globules rouges peuvent ainsi être assimilés à des sacs aplatis remplis principalement d’une protéine, l’hémoglobine. Leur fonction est de transporter le dioxygène (O2), cette molécule vitale, depuis les poumons jusqu’aux tissus les plus éloignés de l’organisme.
Toutes les cellules du sang sont fabriquées à partir d’un même ancêtre : la cellule souche hématopoïétique (CSH). Ce processus de fabrication des cellules du sang s’appelle l’hématopoïèse (cf. schéma ci-contre). Elle prend place dans la moelle osseuse, plus particulièrement dans les os du bassin (34 % de la moelle totale), les vertèbres (28 %), le sternum et les côtes (10 %), les os du crâne et de la mâchoire (13 %) chez l’adulte. Pendant la vie fœtale, cette fonction est d’abord assurée par le sac vitellin dès la troisième semaine de vie de l’embryon, puis par le foie et la rate à partir du troisième mois, la moelle ne devenant active qu’à partir du cinquième mois.
Les CSH sont capables de se reproduire à l’identique, pour maintenir leur nombre. Elles sont également capables de se différencier en précurseurs des lignées sanguines :
→ les CS lymphoïdes, qui donneront naissance aux lymphocytes ;
→ les CS myéloïdes, qui évolueront en polynucléaires, monocytes, plaquettes et hématies.
Chaque proérythroblaste donne naissance à seize réticulocytes, suite à trois divisions cellulaires (mitoses) successives qui se déroulent dans la moelle osseuse (cf. schéma de l’érythropoïèse p. 31). À chaque étape, les cellules sont de plus en plus petites. Elles possèdent un noyau et l’utilisent pour synthétiser l’hémoglobine. Au stade du réticulocyte cependant, le noyau est expulsé et les cellules quittent la moelle pour rejoindre la circulation sanguine. La disparition des derniers organites intracellulaires marque la maturation vers la forme ultime, le globule rouge, qui n’est plus qu’un sac bourré d’hémoglobine, incapable d’effectuer des synthèses. Il est alors voué à une seule fonction : acheminer l’oxygène vers tous les recoins du corps. Sa petite taille (7 µm de diamètre) et sa forme aplatie (2 µm d’épaisseur) sont des atouts pour passer dans les capillaires les plus fins.
Nous possédons environ 22 500 milliards de globules rouges dans nos 5 litres de sang : c’est la cellule sanguine la plus représentée. Les plaquettes sont dix fois moins nombreuses, les globules blancs mille fois moins… Pour entretenir cette armée d’hématies, nous fabriquons quotidiennement de 100 à 250 milliards de globules rouges, ce qui représente un taux de renouvellement d’environ 1 % par jour.
Les cellules souches myéloïdes mettent 7 jours à devenir des réticulocytes dans la moelle osseuse. Les réticulocytes restent 2 jours dans le sang. Leur présence signe l’intensité de l’activité de la moelle. Les globules rouges vivent environ 120 jours (soit près de 4 mois) avant d’être éliminés par les macrophages, dans la moelle osseuse. Un petit organe abdominal, la rate, participe à la destruction des globules rouges anormaux. Dans la moelle, les vieilles hématies sont phagocytées par les macrophages comme de vulgaires déchets du sang. L’hémoglobine est dégradée, les acides aminés et le fer sont recyclés, les groupements hèmes transformés en biliverdine, puis en bilirubine insoluble libérée dans le sang. Le foie se charge de l’éliminer dans la bile. Le fer est récupéré par la moelle des os afin d’être réutilisé dans l’hémoglobine des nouveaux globules en formation.
L’hémoglobine est une très grosse protéine qui donne sa couleur rouge aux hématies et au sang. Elle est composée de 4 chaînes d’acides aminés : 2 chaînes α et 2 chaînes β chacune porteuse d’un groupement hème (également appelé cycle porphyrique, ou noyau tétrapyrrolique). Le fer est un métal indispensable à la structure et la fonction de l’hémoglobine. Il est positionné au cœur des groupements hèmes (cf. schéma ci-dessus). C’est grâce à ce métal que l’oxygène se fixe sur l’hémoglobine. Chaque molécule d’hémoglobine peut ainsi se lier avec 4 molécules de dioxygène (O2).
L’hémoglobine possède une structure tridimensionnelle qui s’adapte extrêmement bien à sa fonction. Ainsi, lorsque le milieu est pauvre en oxygène et riche en dioxyde de carbone (CO2), le pH du sang est acide, l’hémoglobine se lie au CO2 et adopte une conformation qui libère l’oxygène : c’est ce qui se produit dans les tissus. À l’inverse, dans les poumons où l’O2 est abondant, le pH élevé favorise la libération du CO2 et l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène augmente.
L’anémie est définie par la diminution de la quantité totale d’hémoglobine érythrocytaire dans l’organisme. Ceci entraîne habituellement une baisse du taux sanguin d’hémoglobine et de l’hématocrite et, de façon inconstante, un faible nombre de globules rouges. Les valeurs seuils qui définissent l’anémie varient en fonction des groupes de population (cf. tableau p. 32). L’hématocrite correspond au rapport entre le volume des globules rouges et le volume de sang.
Dans le cas particulier des anémies hémorragiques aiguës, les niveaux d’hémoglobine et d’hématocrite mesurés dans les heures qui suivent le saignement ne sont pas de bons indicateurs, puisque les patients perdent en même temps globules rouges et plasma. Ils sont pourtant anémiés, avec un tableau clinique sévère, puisque la quantité totale d’hémoglobine de leur organisme ne suffit pas à les oxygéner correctement.
Pour assurer le renouvellement quotidien de 1 % des globules rouges du sang, l’usine de production (la moelle osseuse) a besoin d’éléments de construction : le fer en fait partie. Elle a également besoin d’outils d’assemblage : la vitamine B9 et la vitamine B12 en sont deux essentiels. Ce minéral et ces vitamines sont apportés par l’alimentation. Leur niveau est souvent limitant. Une carence en l’un d’eux est une cause fréquente d’anémie.
• Le fer
En l’absence de fer, la synthèse de l’hémoglobine ne peut être menée à bien. L’organisme puise d’abord dans ses réserves (principalement la moelle et le foie) pour maintenir l’érythropoïèse. Aux premiers stades, le sujet n’est pas anémié, car la carence en fer (également appelée carence martiale) n’affecte pas encore la production des globules rouges. Cependant, dès ce stade, la moelle osseuse fabrique des globules rouges de petite taille (on parle de microcytose).
Il est important d’évaluer le niveau de la carence en fer avant qu’elle n’arrive au stade de l’anémie, car elle peut être traitée précocement : le dosage de la ferritine, ligand du fer non utilisé dans le sang et les tissus, en est un marqueur. Un taux de ferritine plasmatique inférieur à 30 µg/L est un signe de carence. En dessous de 15 µg/L, les stocks de fer sont vides. Cependant, ce marqueur peut être trompeur, car le taux de ferritine circulant augmente en cas d’infection ou d’inflammation, même si les réserves en fer sont basses. Le dosage le plus précis consiste à colorer un échantillon de moelle osseuse par du bleu de Perls, mais il n’est pas utilisable en routine.
Lorsque les réserves de fer sont épuisées, la production d’hémoglobine et de globules rouges est altérée : c’est l’anémie par carence martiale, ou anémie ferriprive. Les globules rouges produits sont de petite taille (l’anémie est dite microcytaire), pauvres en hémoglobine. Le volume globulaire moyen (volume d’un globule rouge, exprimé en femtolitres, ou VGM) estimé dans une numération formule sanguine (NFS) ou hémogramme donne une mesure de ce changement morphologique (cf. encadré ci-dessous). L’hématocrite, elle, représente le volume des cellules par volume de sang et s’exprime enpourcentage.
La carence en fer résulte :
→ d’un apport nutritionnel insuffisant, mais cela est rare dans nos pays ;
→ d’une mauvaise absorption du fer en raison d’une nourriture trop riche en phytates ou en polyphénols, qui piègent le fer et l’empêchent de traverser la barrière intestinale ;
→ de besoins en fer accrus à certaines périodes de la vie, comme la croissance ou la grossesse ;
→ souvent de pertes sanguines chroniques, la plupart du temps digestives (ulcère gastrique ou polypes intestinaux) ou gynécologiques (règles abondantes) ;
→ dans les pays pauvres, d’infections par des vers parasites intestinaux comme les helminthes (ankylostomes, ascaris, tænias) ou les schistosomes.
• La vitamine B9 (ou folate, ou acide folique)
La vitamine B9 est un cofacteur enzymatique indispensable à la fabrication d’acides aminés et d’acides nucléiques, briques élémentaires des protéines pour les premiers, de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et de l’acide ribonucléique (ARN) pour les seconds. Or “l’usine” moelle osseuse est très gourmande en ces matériaux. La vitamine B9 est une véritable clé de construction, mais qui s’use à l’usage et nécessite d’être remplacée en permanence. Là encore, c’est notre alimentation qui peut nous en fournir, dans les produits végétaux (le mot “folate” dérive de “feuille”), notamment dans la betterave, le chou, les épinards, les haricots verts, la laitue et les petits pois, mais aussi dans les carottes, le concombre, le navet, la pomme de terre, le foie de veau, la viande et le poisson. En cas de déficit, la chaîne de production se grippe, les globules rouges sont moins nombreux et de plus grande taille. L’anémie qui en résulte est appelée anémie macrocytaire ou mégaloblastique. La carence en vitamineB9 peut être aggravée par des traitements contre l’épilepsie, par certains anticancéreux et par la consommation chronique d’alcool.
• La vitamine B12
Dans une moindre mesure que la B9, la vitamine B12 participe à la synthèse d’acides aminés et d’acides nucléiques, ainsi qu’au métabolisme de cette même vitamine B9. Une carence en vitamine B12 conduit à une anémie souvent confondue avec la précédente, car elle est aussi macrocytaire. On la nomme anémie pernicieuse. Les aliments riches en vitamines B12 sont le foie de veau, le poisson (maquereau, hareng), la viande, le lait et le jaune d’œuf.
À noter que l’anémie de Biermer est une anémie liée à la vitamine B12 mais de nature auto-immune, les patients présentant une malabsorption de la vitamine B12.
L’anémie peut être la conséquence d’un arrêt de fonctionnement de la moelle osseuse, ou aplasie médullaire. En cause : l’atteinte de la moelle par des radiations ou des produits toxiques, comme des traitements anticancéreux ou certains antibiotiques, par une infection (comme le parvovirus B19), par une maladie génétique (cas de l’aplasie de Fanconi). Il existe des aplasies médullaires liées au vieillissement et d’autres dont la cause est inconnue (on parle d’aplasie idiopathique). Ces pathologies sont regroupées sous le terme de syndromes myélodysplasiques et touchent toutes les lignées de cellules sanguines produites par la moelle osseuse.
L’orientation des cellules souches hématopoïétiques (CSH) vers la voie qui aboutira à la formation des globules rouges est sous le contrôle d’une hormone essentiellement produite par le rein, l’érythropoïétine, ou EPO. En cas d’insuffisance rénale, le déficit de production d’EPO aboutit à une anémie. Dans le cas de pathologies inflammatoires, l’hypersécrétion de médiateurs chimiques (les cytokines) peut également perturber la synthèse et l’action de l’EPO et déboucher sur une anémie.
Les thalassémies sont des maladies génétiques dans lesquelles la synthèse des chaînes de l’hémoglobine est diminuée. L’une d’elle est la β-thalassémie, qui, comme son nom l’indique, affecte la chaîneβ. Les patients produisent peu ou pas de globines du typeβ. L’érythropoïèse est hyperstimulée, ce qui conduit à des déformations osseuses, mais elle est inefficace. Les globules rouges produits sont petits, déformés et meurent précocement, ce qui provoque une anémie, ainsi que des hypertrophies de la rate et du foie. Les sujets homozygotes (qui ont reçu le gène muté de leurs deux parents) développent une forte anémie dès les premiers mois de vie et doivent être régulièrement transfusés pour survivre. Les sujets hétérozygotes (porteurs d’un gène muté et d’un gène normal) développent des formes mineures de la maladie, avec une anémie modérée.
Dans certains cas, ce n’est pas la production des globules rouges qui est déficiente, mais leur destruction qui est excessive : on parle alors d’anémies hémolytiques. Certaines sont congénitales, liées à des mutations génétiques ; d’autres sont acquises, du fait d’une infection ou d’un dysfonctionnement immunitaire.
• La drépanocytose
La drépanocytose est une maladie génétique responsable d’une mutation sur la chaîne β de l’hémoglobine. C’est la plus répandue des hémoglobinopathies. Elle ne modifie pas la production des globules rouges, mais affecte leur fonctionnement et leur survie. L’hémoglobine mutée est moins soluble que l’hémoglobine normale, elle polymérise quand elle ne porte pas d’oxygène. Le gel ainsi constitué déforme les globules rouges, qui adoptent alors une morphologie reconnaissable en forme de faucille (on parle aussi d’anémie falciforme). Ces drépanocytes sont aussi plus fragiles et subissent une hémolyse, responsable de l’anémie. Dans les régions impaludées, la déformation des globules rouges limite l’infection par le plasmodium, ce qui confère un bénéfice génétique et explique la forte prévalence de cette pathologie dans les zones intertropicales (lire le Cahier de formation sur la drépanocytose de L’ILM n° 267).
• Le déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (ou G6PD)
Le déficit en G6PD est une maladie génétique qui affecte la capacité des hématies à lutter contre le stress oxydant. Une crise hémolytique aiguë peut être déclenchée par l’ingestion de substances oxydantes, comme celles contenues dans les fèves (d’où le nom de favisme également donné à cette maladie). L’anémie qui en résulte peut être sévère, mais elle s’accompagne d’un taux élevé de réticulocytes, marqueur d’une érythropoïèse activée.
• L’anémie hémolytique auto-immune (AHAI)
Il existe une forme d’anémie due à la présence anormale d’auto-anticorps, dirigés contre les propres globules rouges de la personne, qui signalent aux macrophages de les détruire bien avant la fin de leur durée de vie normale (soit 120 jours). Cette pathologie rare (environ 1 nouveau cas par an pour 100 000 habitants) est appelée anémie hémolytique auto-immune ou AHAI. Ses facteurs déclenchants ne sont pas connus, bien qu’elle soit associée dans la moitié des cas à une autre pathologie, auto-immune (lupus, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn…) ou non (lymphome, cancer du sein, infection chronique…).
• Parasitose
Lorsqu’il infeste un individu, le plasmodium, parasite responsable du paludisme, colonise les hématies après s’être reproduit dans le foie. Il provoque l’éclatement des globules rouges (hémolyse), ce qui est à l’origine d’une anémie. Rare dans nos pays, l’anémie liée au paludisme est un problème majeur des pays en voie de développement.
Avant toute mise en œuvre de traitement contre l’anémie, il est nécessaire d’en identifier le type et la cause. Ainsi une anémie auto-immune ne se traitera pas de la même façon qu’une anémie liée à une insuffisance rénale ou une anémie ferriprive. Dans ce dernier cas, il faudra également remonter à la cause de la carence : problème alimentaire, malabsorption ou hémorragie silencieuse
Des apports nutritionnels insuffisants en fer, vitamine B9 ou vitamine B12 sont à l’origine de plusieurs types d’anémie, comme décrit plus haut. Dans les pays développés, la quantité de fer fournie par l’alimentation est généralement supérieure aux besoins, mais son absorption est limitée. Si l’anémie est sévère et que les conseils diététiques ne permettent pas de corriger les carences, une supplémentation peut être mise en œuvre. Il existe de nombreux médicaments sur le marché qui délivrent ces nutriments, seuls ou en association. Même si le taux d’hémoglobine remonte en quelques semaines au-dessus des valeurs normales, la supplémentation en fer doit être poursuivie sur plusieurs mois, car il est nécessaire de remettre à niveau les réserves en fer de l’organisme. En cas d’arrêt prématuré, il y a risque de récidive de l’anémie.
L’érythropoïétine (ou EPO) de synthèse est utilisée chez les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique, car leurs reins ne produisent pas assez de ce facteur de croissance pour stimuler la production de globules rouges. Elle peut également être utilisée chez des patients cancéreux, en aplasie suite à des chimiothérapies, dont on veut stimuler l’érythropoïèse. Le traitement doit être bien ajusté aux besoins du malade, afin d’éviter une surproduction de globules rouges qui augmenterait le risque de thrombose.
Les corticoïdes sont prescrits dans le cadre d’anémies auto-immunes dites à auto-anticorps “chauds” pour leurs effets immunosuppresseurs. Leur prise doit s’accompagner d’adaptation du régime alimentaire (moins de sel et de graisses, plus de calcium et de protéines). Si leur effet n’est pas suffisant, l’utilisation d’immunosuppresseurs ou d’anticorps monoclonaux est parfois indiquée pour limiter la destruction des globules rouges. Une autre stratégie consiste à enlever la rate (splénectomie). Cette intervention majore le risque infectieux majoré et doit être suivie d’une antibiothérapie au long cours.
L’hydroxyurée est une molécule connue pour ses propriétés antimitotiques et utilisée dans le traitement de certaines hémopathies malignes. Elle est également utilisée à doses plus faibles dans le cadre de la drépanocytose, car elle stimule la fabrication d’hémoglobine fœtale (normalement produite avant la naissance, mais pas après) qui pallie les dysfonctionnements de l’hémoglobine adulte.
La transfusion sanguine, ou transfusion de concentrés érythrocytaires, est utilisée de façon ponctuelle en cas d’hémorragie massive ou d’anémie sévère mettant en jeu le pronostic vital, comme chez la femme enceinte ou la personne âgée. Dans les situations d’urgence, elle peut être accompagnée d’un apport d’oxygène afin d’éviter l’anoxie des tissus. Pour les autres anémies curables, comme l’anémie ferriprive, elle est réservée aux patients qui en supportent mal les conséquences, comme les patients coronariens.
La transfusion est également largement utilisée pour les anémies liées à des drépanocytoses, des thalassémies ou des insuffisances médullaires. Les patients bénéficient d’un programme transfusionnel adapté à leur pathologie, au rythme d’une transfusion toutes les 2 ou 3 semaines. La transfusion permet d’améliorer l’espérance de vie, car l’anémie chronique est associée, outre à une diminution de la qualité de vie, à des complications cardiovasculaires parfois fatales. En revanche, les transfusions répétées s’accompagnent d’une accumulation de fer dans le foie, le cœur et divers autres organes, puisqu’il n’existe pas de mécanisme d’excrétion. Il faut donc traiter les patients polytransfusés par des chélateurs du fer (déferoxamine, déférasirox) afin d’éviter l’hémochromatose avec séquelles hépatiques et cardiaques.
La greffe de CSH, communément appelée greffe de moelle, concerne des patients dont les CSH ont été détruites par une maladie ou un traitement. Les malades porteurs de maladies génétiques (thalassémie, drépanocytose) peuvent également bénéficier de greffes de CSH après avoir été mis volontairement en aplasie, afin de recevoir des CSH indemnes de la mutation délétère.
Les CSH peuvent être prélevées sur un donneur au niveau de la crête iliaque ou dans le sang périphérique après stimulation par des facteurs de croissance. Elles sont injectées par voie veineuse au receveur. Elles rejoignent la moelle des os par la circulation sanguine. Il est nécessaire d’avoir une très bonne compatibilité entre le donneur et le receveur, sous peine de rejet. Hormis le cas des vrais jumeaux, la compatibilité HLA est rare : il existe une chance sur quatre pour que deux individus soient compatibles au sein d’une fratrie. L’utilisation de CSH issues de sang de cordon permet d’augmenter les chances de compatibilité (cf. Point de vue ci-dessous).
D’après l’OMS, l’anémie affecte un quart de la population mondiale. Elle touche particulièrement les jeunes enfants et les femmes (468 millions d’entre elles sont anémiques selon les estimations). C’est un vrai problème de santé publique à l’échelon mondial, qui touche majoritairement les pays en voie de développement mais n’épargne pas non plus les pays riches. Le taux d’enfants de moins de 5 ans anémiés en Afrique atteint 66,1 %, et 55,8 % pour les femmes enceintes. Dans ces pays, les personnes cumulent fréquemment les carences nutritionnelles avec d’autres facteurs de risque, comme les infections parasitaires ou les maladies génétiques de l’hémoglobine.
À l’autre bout de l’échelle, l’anémie touche 16,7 % des jeunes enfants et 18,7 % des femmes enceintes en Europe. Malgré la profusion alimentaire, le déficit en minéraux et vitamines reste la cause principale d’anémie des pays riches.
Les conséquences de l’anémie sont très importantes. Chez les enfants, elle contribue à la naissance de bébés de faible poids, à une augmentation de la mortalité infantile, à une résistance diminuée aux infections et à un développement cognitif ralenti. Les complications obstétricales et la mortalité sont également augmentées chez les mères autour de l’accouchement en cas d’anémie sévère. Chez les adultes, la réduction de la capacité à travailler engendre des conséquences socio-économiques importantes (absences répétées dans le milieu scolaire ou professionnel).
L’anémie résulte de nombreuses causes qui souvent coexistent. La principale contributrice à l’anémie à travers le monde est la carence en fer. On estime que 50 % des anémies sont dues à un déficit en fer, mais la proportion peut varier suivant les groupes de populations, les zones et les conditions locales.
Le nombre des insuffisants rénaux chroniques à travers le monde est mal connu. Dans de nombreux pays en voie de développement, la dialyse reste inaccessible ou inabordable pour la majorité des personnes. Il en est de même pour les traitements contre l’anémie (fer injectable et érythropoïétine). L’hypertension et le diabète sont les principales causes de l’insuffisance rénale chronique (IRC). En France, le rapport du Réseau épidémiologie et information en néphrologie (Rein) indique que 1 094 personnes pour 1 million étaient en situation d’insuffisance rénale terminale en 2009 : 585 devaient leur survie à la dialyse, 504 à la greffe de rein. L’IRC touche les personnes âgées, puisque la prévalence est de 2 800 pour 1 million chez les plus de 65 ans. Près de 33 400 personnes recourent à la dialyse en France. Plus de 15 % d’entre elles ont un niveau d’hémoglobine inférieur à 10 g/dL : elles sont donc insuffisamment traitées par rapport à leur anémie. À l’inverse, 11 % sont au-dessus de 13 g/dL, ce qui correspond à un surtraitement et augmente le risque d’accident vasculaire cérébral.
La β-thalassémie et la drépanocytose sont parmi les maladies génétiques les plus fréquentes dans le monde. Près de 5 % de la population mondiale portent les gènes déficients, sans pour autant être malade, mais ce taux monte à 25 % dans certaines régions. Les zones tropicales sont originellement les plus touchées, mais l’aire géographique s’est étendue du fait des migrations de population (Asie, bassin méditerranéen et Moyen-Orient pour les thalassémies, Afrique pour la drépanocytose). On estime que 300 000 enfants naissent chaque année avec une forme grave d’hémoglobinopathie. La drépanocytose touche à elle seule 50 millions de personnes dans le monde.
L’hémogramme, ou numération-formule sanguine (NFS), correspond à l’analyse quantitative et qualitative des éléments figurés du sang : hématie (lignée érythocytaire), leucocyte (lignée leucocytaire) et plaquettes. Cet examen étudie à la fois les pathologies des lignées sanguines et les processus inflammatoires ou infectieux retentissant sur ces lignées. Pour interpréter les résultats de l’hémogramme, le médecin doit tenir compte des variations physiologiques comme le sexe, l’âge, l’origine ethnique, la grossesse ou encore le mode de vie : tabagisme excessif, consommation d’alcool, effort physique, etc.
Le patient n’est pas nécessairement à jeun pour cet examen. En revanche, il lui est recommandé d’éviter avant la prise de sang la consommation de beurre ou de lait entier qui troublerait le sérum et gênerait, de fait, les analyses.
« Le développement des banques de sang de cordon est un espoir majeur pour toutes les personnes en attente de greffe de moelle. En effet, le cordon ombilical est un matériel biologique disponible en quantité. Obtenir l’accord des mères lors d’une visite prénatale est très facile. Les greffons sont analysés et préparés à l’avance, aisément disponibles en cas de besoin. Tout le contraire des échantillons de moelle prélevés sur des adultes, pour lesquels les donneurs sont peu nombreux, et pour lesquels le prélèvement est loin d’être un geste anodin puisqu’il nécessite une anesthésie générale ou des traitements de stimulation de la moelle. De plus, avec les CSH d’adultes, les chances de trouver un donneur compatible restent limitées, malgré la mise en réseau de 71 registres nationaux. En comparaison, les CSH du sang placentaire sont relativement immatures, elles n’expriment pas tous les marqueurs de l’immunité et peuvent donc être greffées en l’absence de compatibilité totale. La probabilité de trouver des greffons compatibles est donc beaucoup plus élevée. »