L'infirmière Libérale Magazine n° 270 du 01/05/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

Parce qu’elle est parfois médiatisée de façon caricaturale par la presse grand public, l’hyperactivité et son traitement peuvent amener les parents à se poser nombre de questions. L’infirmière libérale s’avère alors un interlocuteur possible pour aborder le sujet.

De la Ritaline a été prescrit pour l’hyperactivité de la fille de Mme H. Mme H. a entendu des avis négatifs sur les risques de ce traitement. Elle a besoin d’éclaircir certaines questions concernant le médicament.

Vous la rassurez. L’utilisation des psychostimulants chez l’enfant a fait l’objet de nombreuses études, et les critiques s’appuient souvent sur les abus de prescriptions constatés aux États-Unis. Vous lui proposez de faire le point sur ce médicament, en lui rappelant qu’un traitement chez l’enfant nécessite l’adhésion de l’enfant et de la famille pour être efficace*.

L’amélioration de l’hyperactivité par un traitement psychostimulant a été décrite pour la première fois en 1937 (Bradley, Am. J. Psychiatrie, 1937). De plus, le méthylphénidate n’est pas un nouveau médicament, il a été commercialisé en France à partir de 1959 (Ritaline). Les principaux risques de ce traitement tiennent paradoxalement à sa facilité d’emploi et à sa bonne tolérance. Elles pourraient conduire à une inflation des prescriptions par des médecins insuffisamment informés des différents critères du trouble et surtout à l’abandon des prises en charge psychothérapeutiques de l’hyperactivité.

LE SUIVI DU TRAITEMENT

En général, le traitement est instauré en ambulatoire par un médecin spécialiste hospitalier jusqu’à son équilibre. Le suivi est fait par le médecin généraliste ou le psychiatre traitant qui peut renouveler les ordonnances. L’augmentation progressive de la posologie permet de limiter les risques de survenue d’effets indésirables. Il est recommandé d’interrompre le traitement au moins une fois par an (cf. encadré page ci-contre). La recommandation de suspendre le traitement pendant les week-ends et les périodes de vacances tient compte de la qualité des relations intrafamiliales.

LES EFFETS INDÉSIRABLES DU MÉTHYLPHÉNIDATE

Nervosité, insomnie, tics

Les effets indésirables les plus fréquents sont la nervosité et l’insomnie en début de traitement. Pour les contrôler, il suffit en général de réduire la dose et de ne pas administrer les comprimés l’après-midi ou le soir. Une diminution de l’appétit, passagère dans la plupart des cas, est fréquemment observée. Elle est souvent compensée par des conseils diététiques simples. Des douleurs abdominales, nausées et vomissements sont fréquents en début de traitement. Ils sont soulagés par la prise de nourriture concomitante à l’administration du médicament. Des réactions allergiques (prurit, urticaire, éruptions cutanées…) imposent une suspension du traitement et une consultation médicale. Au niveau cardiovasculaire, des augmentations de la tension artérielle et du pouls sont possibles (cf. encadré page ci-contre). Enfin, l’apparition de tics invalidants est une cause d’arrêt du traitement.

Retards de croissance staturo-pondérale

Un essai clinique montre qu’après 14 mois, les enfants traités par méthylphénidate ont une croissance et une prise de poids inférieures à celles des enfants non traités (- 1,23 cm par an et - 2,48 kg par an). Après 3 années, l’écart est d’environ 2 cm et 2,7 kg. Après un arrêt ponctuel ou durable du traitement, un rattrapage de la croissance est en général constaté dans un délai de 2 ans. Les quelques études à l’âge adulte n’ont pas montré de différence statistiquement significative par rapport à des adultes jamais traités. Cet effet du médicament sur la croissance se manifeste particulièrement la première année : il est vraisemblablement lié à son effet de diminution de l’appétit. Si le retard de croissance s’avère trop important, une réduction de la posologie ou l’arrêt du traitement peut est envisagée (Revue Prescrire, février 2011).

Signes nécessitant d’avertir le médecin

L’apparition de certains signes nécessite de prendre contact avec le médecin en charge de l’enfant. C’est le cas lorsque ce dernier présente des céphalées, somnolence, vertiges, dyskinésies (mouvements anormaux ou gêne dans les mouvements volontaires), nervosité, insomnie, agressivité, dépression ou tout autre symptôme inhabituel. Ces symptômes entraînent parfois une diminution de la posologie (Le Moniteur des pharmacies, cahier II du 10 avril 2010).

UNE POSOLOGIE ADAPTÉE

Elle est obtenue en fonction des besoins et de la réponse clinique de l’enfant. L’efficacité du méthylphénidate est prouvée à partir de 0,3 mg/kg/j. Le traitement est initié avec la posologie journalière la plus faible qui sera augmentée graduellement jusqu’à atteindre une posologie optimale, sans dépasser une dose maximale de 60 mg/jour. Si, après avoir ajusté la dose durant 1mois, aucune amélioration n’est observée, le traitement est interrompu.

FORME À LIBÉRATION IMMÉDIATE OU PROLONGÉE

Les formes à libération immédiate ont un délai d’action entre 20 et 60 minutes et une durée d’action de 3 à 6 heures. Les prises sont habituellement biquotidiennes, au petit-déjeuner et au repas de midi. Les formes à libération prolongée sont actives durant 8 à 12 heures. Avec une seule prise quotidienne le matin (pendant ou en dehors du petit-déjeuner), elles permettent d’éviter les difficultés liées à l’administration à l’heure du déjeuner à l’école et peuvent améliorer l’observance.

Quasym LP est une nouvelle spécialité à libération prolongée qui s’ajoute à Ritaline LP et Concerta LP. Elle couvre plutôt le début de journée et la journée scolaire pendant une durée de 8 heures.

Le comprimé de ConcertaLP doit être avalé en entier avec une boisson, et ne doit être ni mâché, ni divisé, ni écrasé.

Pour faciliter leur prise, les gélules de Ritaline LP et de Quasym LP peuvent être ouvertes et leur contenu mélangé à un aliment semi-solide tiède ou froid (yaourt, compote, pâte à tartiner…), puis avalé entièrement, suivi d’un verre d’eau.

*« L’expérience prouve qu’il est inutile de prescrire de la Ritaline si les parents de l’enfant ou l’institution dans laquelle il se trouve sont opposés à ce traitement… L’influence de l’environnement peut diminuer de manière très importante l’efficacité biologique d’un médicament psychotrope. » (Maurice Berger, L’enfant instable, p.110, voir Savoir plus en p.40).

Point de vue…
Atténuer les effets secondaires

Mariama Dieng, infirmière puéricultrice dans un centre médico-psychologique (CMP) pour enfant rattaché à l’hôpital Robert-Debré (Paris)

« Une diminution de l’appétit est fréquemment observée avec le méthylphénidate. Dans ce cas, on préconise de fractionner les repas et de ne pas se limiter à trois repas, matin, midi et soir. Et de prévoir une collation pour les récréations à l’école. Cela n’empêche pas les parents de stimuler l’enfant lors des repas et de développer son appétit en choisissant les aliments qu’il aime bien. Il peut aussi y avoir des difficultés d’endormissement. Les parents doivent alors être attentifs aux signes de fatigue de l’enfant pour ne pas rater “le petit train du sommeil”. »

Précautions d’emploi du méthylphénidate

Des troubles vasculaires de type accidents vasculaires cérébraux, des troubles psychiatriques (symptômes psychotiques, état dépressif, idées suicidaires…), ou un léger retard de croissance lors de traitements prolongés, ont été très rarement rapportés. De fait, l’Agence européenne du médicament (Emea) a recommandé certaines précautions.

→ Avant le traitement

Des anomalies de la pression artérielle ou de la fréquence cardiaque, ainsi que des antécédents familiaux de ce type doivent être recherchés. Les patients présentant de telles anomalies seront traités avec l’avis d’un cardiologue.

→ Pendant le traitement

La pression artérielle et la fréquence cardiaque doivent être contrôlées régulièrement. Toute anomalie doit faire l’objet d’une investigation rapide. L’apparition de symptômes psychiatriques impose une surveillance attentive chez tous les patients traités. La taille et le poids des patients doivent faire l’objet d’une surveillance régulière.

→ En cas de traitement prolongé

En raison du manque de données sur les risques liés à une utilisation à long terme, le traitement doit être interrompu au moins unefois par an pour vérifier la nécessité de sa poursuite.