Cahier de formation
Savoir
La question de l’hyperactivité chez l’enfant continue de faire débat chez les professionnels divisés par des approches psychanalytiques ou neuropsychiatriques. Diagnostic bien documenté, suivi de l’enfant et implication des familles sont les éléments d’une bonne prise en charge de ce trouble.
Appelée autrefois hyperkinésie ou instabilité psychomotrice, l’hyperactivité de l’enfant est actuellement décrite sous l’appellation du “trouble de l’attention/hyperactivité” (TDAH) en référence au DSM IV (Manuel diagnostique et statistique des désordres mentaux, 4e version) de l’Association américaine de psychiatrie. De son côté, la Cim 10 (Classification internationale des maladies, 10e édition) décrit approximativement les mêmes symptômes sous la rubrique du “trouble hyperkinétique”. L’hyperactivité concernerait 5 % des enfants en âge scolaire (cf. encadré page ci-contre).
L’enfant hyperactif souffre de difficultés précoces et durables dans trois domaines : l’inattention, l’hyperactivité (activité motrice augmentée et désordonnée) et l’impulsivité. Ces troubles sont en décalage avec l’âge de l’enfant et son niveau de développement. Ils se manifestent dans différentes situations : domicile, école ou autres situations sociales. Dans la Cim 10, les signes sont regroupés dans trois domaines concernant l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité. Tandis que le DSMIV retient deux domaines, inattention et hyperactivité-impulsivité. Dans chaque domaine, un nombre de symptômes (6, 3 ou 1) parmi ceux énumérés doivent avoir persisté pendant au moins 6 mois.
L’enfant ne parvient souvent pas à prêter attention aux détails (ou fait des fautes d’inattention), soutenir son attention dans des tâches ou des activités de jeux, écouter ce qu’on lui dit, se conformer aux directives, finir ses devoirs ou obligations, organiser des tâches ou des activités. L’enfant évite souvent ou fait à contre-cœur les tâches nécessitant un effort mental soutenu, perd souvent des objets nécessaires à son travail. Il est facilement distrait par des stimuli externes et fait des oublis fréquents au cours des activités quotidiennes.
L’enfant se lève en classe ou dans d’autres situations où il devrait rester assis, il s’agite ou se tortille sur sa chaise. Il court ou grimpe dans des situations inappropriées, ou fait preuve d’une activité motrice excessive, non influencée par le contexte social ou les consignes. Il est exagérément bruyant dans les jeux et a du mal à participer en silence à des activités de loisirs.
L’enfant se précipite souvent pour répondre sans attendre la fin de la question, il ne parvient pas à attendre son tour dans les jeux ou les situations de groupe. Il interrompt souvent les autres et impose sa présence dans les conversations ou les jeux des autres. Il parle trop sans tenir compte des conventions sociales.
Les signes doivent être présents avant l’âge de 7ans, dans au moins deux situations, par exemple à la maison et à l’école. Les symptômes doivent occasionner une souffrance ou une altération significative du fonctionnement social ou scolaire de l’enfant. Ils ne sont pas liés à un trouble envahissant du développement, une schizophrénie ou une autre psychose. Les symptômes ne sont pas expliqués par un autre trouble mental (trouble thymique, anxieux, dissociatif ou un trouble de la personnalité).
Le TDAH est caractérisé par l’impulsivité liée à un défaut de contrôle inhibiteur. Il serait dû à un dysfonctionnement des systèmes noradrénergiques et dopaminergiques. Le déficit du système noradrénergique altérerait le traitement et la hiérarchisation des informations perçues, l’inhibition de réponse à des stimuli perturbateurs, et le filtrage des stimuli sans rapport avec la tâche en cours. L’atteinte du système dopaminergique perturberait la régulation des réponses motrices et comportementales. D’autre part, l’efficacité des psychostimulants, qui sont des inhibiteurs de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline, tendrait à prouver l’implication de ces systèmes dans le TDAH.
Depuis les premières descriptions du trouble au début du xxe siècle, le concept d’hyperactivité infantile suscite des oppositions acharnées. Une conception francophone, psychanalytique, considère l’hyperactivité comme un symptôme associé à un trouble plus profond de la personnalité. À l’opposé, une conception anglo-saxonne a toujours considéré l’existence d’une origine organique, faisant du trouble de l’attention/hyperactivité une maladie à part entière. Les manières de prendre en charge le trouble seraient tout aussi opposées. Pour simplifier, il y aurait d’un côté une approche psychothérapeutique, et d’un autre côté la prescription d’un traitement médicamenteux.
Certains professionnels proposent de considérer l’hyperactivité comme un symptôme lié à une organisation psychique de l’enfant, tout en reconnaissant l’attention comme une fonction cognitive reposant sur des mécanismes neurobiologiques. Cette approche intermédiaire envisage si nécessaire l’utilisation d’un médicament dont l’efficacité réelle a été démontrée, tout en préconisant une exploration de la vie psychique de l’enfant (psychothérapie). Cette approche à la fois psychanalytique et neuropsychologique guide alors le choix du traitement.
Dans les formes les plus bruyantes où l’hyperactivité domine, les enfants sont souvent repérés plus jeunes, au moment de la socialisation, à l’entrée ou au cours de la maternelle. Lorsque le déficit de l’attention domine, le dépistage se fait moins facilement et souvent plus tardivement, à l’école primaire. Les difficultés de l’enfant sont remarquées par les médecins scolaires, psychologues, orthophonistes, ou les enseignants eux-mêmes. Les médecins traitants peuvent être sollicités par les parents qui s’adressent parfois directement à des structures spécialisées lorsqu’ils sont informés.
Le premier temps d’évaluation repose sur l’examen clinique de l’enfant et l’entretien avec les parents. Le contact avec les personnes qui ont en charge l’enfant permet d’évaluer le trouble dans différentes situations (maison, école, activités), son intensité et ses répercussions sur la vie de l’enfant. Des tests psychoneurologiques peuvent aider à évaluer l’attention, l’impulsivité et les capacités de concentration. Un bilan orthophonique des apprentissages permet de repérer des troubles associés (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie). Enfin, des échelles d’évaluation sont utilisées, en complément de l’observation clinique (cf. encadré ci-contre).
L’examen clinique permet d’identifier des manifestations d’agitation passagères en réaction à des événements stressants pour l’enfant (déménagement, arrivée d’un nouvel enfant…). De même, certains médicaments (corticoïdes, antihistaminiques, anti-asthmatiques…) peuvent modifier le comportement de l’enfant dans le sens d’une hyperactivité. Par ailleurs, l’instabilité de l’enfant peut être le symptôme d’une pathologie sous-jacente. D’un point de vue psychiatrique, il s’agit de repérer une psychose, une arriération mentale, un accès maniaque, une dépression, un état anxieux ou une angoisse. Sur le plan organique, l’instabilité peut être liée à une épilepsie, une hyperthyroïdie ou une atteinte neurologique accompagnée d’une déficience intellectuelle. Enfin, certains troubles peuvent résulter d’interactions précoces violentes, incohérentes ou carencées entre l’enfant et son environnement.
Ce médicament a une autorisation de mise sur le marché (depuis 1995) dans l’indication du TDAH chez l’enfant de plus de 6 ans. Actuellement, trois spécialités sont commercialisées : Ritaline, Concerta et Quasym. Le méthylphénidate est un psychostimulant dérivé de l’amphétamine soumis aux règles de prescription et de délivrance des stupéfiants (cf. encadré ci-dessous). La population traitée par année en France est estimée à environ 18 000 patients (recommandations Afssaps-EMA 23/01/2009).
Le méthylphénidate est un stimulant du système nerveux central qui augmente la concentration de la dopamine et de la noradrénaline dans la fente synaptique. Sa prescription s’adresse aux enfants pour lesquels les seules mesures psychologiques, éducatives et familiales s’avèrent insuffisantes. La chronicité et la sévérité des symptômes doivent justifier le traitement médicamenteux (cf. Point de vue page ci-contre).
Le méthylphénidate est un médicament qui abaisse le seuil épileptogène et son utilisation doit être particulièrement surveillée chez les enfants ayant des antécédents personnels ou familiaux de crises convulsives ou d’épilepsie. Les manifestations d’angoisse, les états dépressifs, les psychoses ou les comportements ou idées suicidaires peuvent contre-indiquer l’utilisation du méthylphénidate. De même que les antécédents personnels ou familiaux de tics moteurs et le syndrome de Gilles de la Tourette. Au niveau organique, l’hyperthyroïdie, l’arythmie cardiaque, les affections cardiovasculaires sévères, l’hypertension artérielle sévère ou non contrôlée, l’angor sévère et le glaucome représentent des contre-indications.
Le traitement est efficace dans environ 75 % des cas. Pour les 25 % restants, les symptômes ne sont pas améliorés et parfois augmentés. La meilleure indication du méthylphénidate serait l’enfant hyperactif d’âge scolaire (7-12ans). Dans les cas où le traitement est efficace, son action se manifeste en moins d’une semaine, parfois dès le premier jour. Il faut attendre quelques semaines de traitement à doses optimales pour déclarer le médicament efficace.
L’atomoxétine est inhibiteur sélectif de la recapture de la noradrenaline. Ce n’est ni un psychostimulant ni un dérivé amphétaminique. Depuis juin 2010, le Strattera a une AMM avec l’indication dans le traitement du TDAH chez les enfants à partir de 6 ans et chez les adolescents.
La dexamphétamine (Dexamine et Dexédrine), indiquée dans le TDHA, bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Ces médicaments ne sont pas disponibles en pharmacie d’officine. Ils sont réservés aux pharmacies à usage intérieur des établissements de santé publics ou privés. La dexamphétamine est soumise à la réglementation des stupéfiants.
Certains médicaments peuvent être utilisés seuls ou en association au méthylphénidate dans le traitement des troubles associés au TDAH.
• Les antidépresseurs
Ils peuvent être prescrits en raison d’une inefficacité des psychostimulants, de leurs contre-indications ou de leurs effets indésirables. Ils sont également envisagés dans le cas d’un trouble anxio-dépressif sévère qui n’a pas répondu à une psychothérapie seule.
• Les antipsychotiques
De façon marginale, ils peuvent être prescrits à de faibles doses, en raison de leur activité sédative, pour des troubles associés au TDAH (trouble des conduites, impulsivité non contrôlée par le méthylphénidate).
• Autres
La clonidine (Catapressan), antihypertenseur d’action centrale, est surtout active sur les symptômes comportementaux de l’hyperactivité. La carbamazépine (Tégrétol) est proposée comme une alternative dans les cas particulièrement résistants ou lorsqu’il existe une lésion cérébrale.
Cette prise en charge sera effectuée par le service spécialisé, un service de pédopsychiatrie de secteur, un pédopsychiatre en cabinet de ville, ou d’autres rééducateurs selon les besoins de l’enfant.
Elles sont proposées en fonction des répercussions du trouble. Elles peuvent concerner certains enfants qui, malgré leur agitation, parviennent à écouter leur interlocuteur et ne redoutent pas les situations duelles. Cette agitation rend difficile la réalisation d’une psychothérapie “classique” et nécessite fréquemment des aménagements particuliers qui permettent à l’enfant de soutenir son attention.
Elles sont fondées sur l’apprentissage social. Ce sont les thérapies les plus utilisées et les plus étudiées dans l’hyperactivité de l’enfant. Elles ont pour objectif d’apprendre aux patients à observer et à comprendre l’organisation de leurs propres réactions inadaptées, afin de leur permettre d’assimiler de nouvelles réactions moins invalidantes. Elles visent particulièrement les difficultés de l’enfant hyperactif à suivre les règles de la vie familiale, scolaire et sociale.
Les soins psychomoteurs visent à restaurer les capacités de participation et d’adaptation aux activités de son environnement. Dans un but plus relationnel qu’éducatif, une thérapie psychomotrice tend à modifier l’organisation psychique pathologique de l’enfant par l’intermédiaire de jeux ou de scénarios. Des rééducations ciblées en fonction des troubles de l’enfant sont mises en place par des orthophonistes ou des neuropsychologues.
Elles n’ont pas montré d’efficacité dans ce type de trouble. En revanche, un travail de guidance familiale par des consultations régulières avec l’enfant et sa famille s’avère important. Dans les groupes de “psycho-éducation” pour les parents, des solutions éducatives sont proposées pour aider à gérer les problèmes induits par l’hyperactivité. Les parents doivent repérer ce qui relève du trouble et ce qui en est indépendant.
Une expertise collective de l’Inserm fait état de 23 enquêtes donnant des estimations des taux de prévalence du TDAH. Les études utilisant le DSM produisent des taux compris entre 5 % et 10 % des enfants. Lorsque les études sont fondées sur les définitions du syndrome hyperkinétique de la CIM, elles procurent une moyenne de 2 % environ. Les taux sont 3 ou 4 fois plus élevés chez les garçons. La prévalence pourrait être sous-estimée chez les filles qui présenteraient plutôt des troubles de l’attention, à la différence des signes d’hyperactivité/impulsivité plus fréquents et facilement repérables chez le garçon.
Source : Haute Autorité de santé, service des recommandations professionnelles, septembre 2005.
Elles sont un outil d’aide au diagnostic. Leur utilisation renouvelée permet aussi de suivre l’évolution de l’enfant en fonction des résultats. Parmi les différentes échelles d’évaluation du TDAH, les plus utilisées sont les échelles de Conners (disponibles en français). Elles ont été développées dans les années 1970 et validées dans la population d’enfants hyperactifs au début des années 1980. Elles sont présentées sous trois formes destinées aux parents, aux enseignants, et à tout autre observateur externe de l’enfant (infirmière, etc.). Ces échelles présentent une liste de symptômes qui sont quantifiés en fonction de leur intensité ou de leur fréquence. Par exemple, pour l’échelle de Conners destinée aux parents, le critère “votre enfant n’arrive pas à terminer ce qu’il commence” sera coté 0 (jamais), 1(léger), 2 (moyen) ou 3 (fort).
Le méthylphénidate est un stupéfiant soumis à la règle des 28 jours (arrêté du 31 mars 1999). La première prescription est obligatoirement hospitalière et réservée aux spécialistes et/ou aux services spécialisés en neurologie, psychiatrie et pédiatrie et aux centres du sommeil. Elle est rédigée en toutes lettres sur une ordonnance sécurisée pour une durée de 28 jours. Elle a une validité d’un an, renouvelable chaque année. Dans les périodes intermédiaires (pendant un an), tout médecin peut renouveler cette prescription sur une ordonnance sécurisée, sans modifier la posologie initiale. Ce médicament est délivré par un pharmacien d’officine sur présentation d’une prescription hospitalière (renouvelée tous les 28 jours), ou de l’ordonnance de renouvellement du médecin traitant accompagnée d’une prescription initiale hospitalière datant de moins d’un an. En cas de prescription inférieure à 28 jours, le pharmacien déconditionnera la spécialité pour ne donner que le nombre de comprimés nécessaires.
« La prescription d’un médicament n’est pas systématique, même si le diagnostic est posé. La décision de prescrire se fait en fonction de l’intensité du trouble et de ses répercussions dans la vie de l’enfant (difficultés scolaire, vie personnelle et familiale perturbée…). Parce qu’ils sont inattentifs et qu’ils ont du mal à s’organiser, ces enfants peuvent prendre des risques et sont en général plus difficiles à la maison. Cela peut avoir des répercussions affectives sur le moral et l’humeur de l’enfant. Ils sont souvent repris et rarement encouragés ou félicités pour leurs qualités, ce qui peut altérer l’image et l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes. Il y a aussi des répercussions sociales, les enfants ne sont pas toujours bien intégrés aux groupes des camarades. En fait, ils sont demandeurs de relations sociales mais, en difficultés avec les règles communes, brusques ou impulsifs, ils peuvent être rejetés par leurs pairs. »