Cahier de formation
Savoir
Les maux de tête peuvent prendre des formes variées : migraine avec ou sans aura, céphalées de tension, algies vasculaires de la face… D’une durée de 4 à 72 heures, la crise de migraine peut être réellement handicapante. Elle touche 12 % des Français. Pourtant, un trop grand nombre de patients renonce à consulter et à prendre un traitement adapté.
La migraine est une céphalée neurovasculaire qui n’expose à aucune complication mettant en jeu le pronostic vital. Ses mécanismes de déclenchement restent méconnus. La douleur débute à un point précis pour s’étendre à tout un côté du crâne, au visage et parfois à la tête entière. La douleur est généralement pulsatile, battant souvent au rythme du cœur, même si les migraineux la comparent plutôt à des “coups de marteau”.
Avec ou sans aura, elle est généralement caractéristique. Mais attention : une douleur bilatérale (30 % des cas de migraine), plutôt à type de pression (40 % des cas), d’intensité modérée avec une légère gêne au bruit et à la lumière est aussi une migraine. Et “seulement” 25 % des migraineux ont des nausées et 10 % des vomissements (cf. infographie ci-contre).
D’où l’importance du diagnostic grâce à l’algorithme de l’International Headache Society (IHS), établi en 1988 et qui permet de classer les céphalalgiques en 12 catégories, chacunes divisées en sous-groupes. L’identification repose sur un questionnaire, dont l’analyse permettra d’établir les premières lignes d’un traitement adapté.
Chez un migraineux sur cinq, la crise est précédée par des manifestations neurologiques, appelées “aura” : troubles visuels (phénomènes scintillants, lumineux, déficit de vision…, on parle alors de “migraine ophtalmique”), troubles sensitifs (fourmillements du visage ou des membres, lourdeurs), troubles du langage, voire paralysie transitoire.
La migraine correspond à un dérèglement des nerfs et des vaisseaux sanguins du crâne qui s’accompagne d’une inflammation.
Un facteur déclenchant, comme le manque de sommeil, l’alcool ou le stress, cause une stimulation nerveuse. Celle-ci occasionne la sécrétion de diverses substances qui commandent la dilatation des artères méningées. Le flux sanguin augmente alors et entraîne le passage de substances inflammatoires et algogènes dans les tissus environnants. Ces substances vont stimuler les fibres sensitives du nerf trijumeau, responsables de la transmission des influx douloureux. Chacun des deux nerfs trijumeaux innerve la paroi des artères méningées d’un côté du crâne, ce qui pourrait expliquer le caractère souvent unilatéral des céphalées migraineuses. Cette cascade de réactions fait intervenir plusieurs substances chimiques, dont la sérotonine, la substanceP, l’histamine, la dopamine…
L’origine de la migraine est encore inconnue. Plusieurs études soulignent des prédispositions génétiques. Cependant, un gène précis n’a pu être isolé que pour les exceptionnelles migraines hémiplégiques familiales. Dans la grande majorité des cas, il est vraisemblable que plusieurs gènes de prédisposition interviennent, répandus dans la population, mais entraînant un risque modéré. Selon les périodes de la vie, l’environnement, le mode de vie, ces gènes s’exprimeraient et provoqueraient des crises.
Les facteurs environnementaux sont à l’origine des crises chez de nombreuses personnes.
→ L’alimentation arrive en tête et notamment l’alcool, le chocolat et les œufs, les fromages ou les aliments asiatiques (contenant du glutamate de sodium, responsable direct d’une vasodilatation).
→ Sont également cités le froid et le manque de sommeil.
→ Chez la femme, la migraine peut être liée aux cycles hormonaux : les crises apparaissent au moment de la puberté et s’aggravent avant les règles.
→ Chez certaines personnes, le stress semble souvent déclencher des migraines. Dans ce cas, la crise survient lors de la période de stress ou juste après celle-ci (crise du week-end par exemple).
→ Les motifs psychoaffectifs sont souvent invoqués : contrariétés ou, à l’inverse, grandes joies inattendues.
→ Une stimulation lumineuse excessive ou intermittente peut être en cause : télévision, néon, ordinateur, jeux vidéo, reflets du soleil sur l’eau, phares de voiture…
→ Les motifs météorologiques jouent aussi un rôle : baisse brutale de pression barométrique, temps humide, venteux ou orageux.
Mais, souvent, la migraine ne semble pas avoir de facteur déclenchant et il est impossible d’éviter la crise.
Présentée aux Entretiens de Bichat de 2006, une étude baptisée Smile montre que près de 70 % des migraineux souffrent d’anxiété et 39 % sont aussi dépressifs. Cette anxiété altère significativement la qualité de vie des migraineux. Ils sont beaucoup plus sensibles au stress et ont une plus forte tendance à anticiper la douleur de façon négative.
Des chiffres qui corroborent les recommandations de l’Anaes (devenue la Haute Autorité de santé), datant de 2002 (voir Savoir plus p. 45). Dans ce document, l’Anaes souligne qu’une association entre un épisode dépressif majeur ou des troubles anxieux et la migraine renforce le handicap du sujet migraineux. Il est recommandé de rechercher, à l’interrogatoire, un syndrome dépressif et/ou anxieux, et de le prendre en compte sur le plan thérapeutique.
L’état de mal migraineux, souvent appelé migraine chronique, est une migraine qui dure bien au-delà de 3jours (parfois jusqu’à 7). Cet état, qui est rare, s’accompagne de vomissements et peut causer un état sérieux de déshydratation. Il est caractérisé par la persistance de crises qui se succèdent sans interruption, angoissant au maximum le malade et son entourage. Il nécessite une hospitalisation.
Plus diffuse que la migraine, non pulsatile, non aggravée par l’effort, moins intense, la céphalée de tension n’est pas accompagnée de signes digestifs, mais elle est parfois associée à de la phonophobie ou de la photophobie.
Elle évolue sur des semaines, voire des mois et des années, et la douleur, qui est quotidienne, apparaissant au lever pour ne céder qu’au coucher, peut être très variable selon son type – étau, lancement permanent, tête lourde – mais globale dans sa topographie (touchant tout le crâne). Le facteur favorisant majeur de la céphalée de tension est le stress psychosocial. La céphalée de tension ne s’apaise que lorsque le sujet qui en souffre peut arriver à trouver un climat de détente. Migraines et céphalées de tension sont souvent associées ou intriquées chez les mêmes patients…
Ces troubles sont le résultat de prises excessives et régulières d’antalgiques et/ou d’antimigraineux spécifiques qui conduisent à l’induction et à l’entretien d’une céphalée chronique quotidienne. Le diagnostic de ces troubles repose sur la présence d’une céphalée plus de 15 j ours par mois, évoluant depuis plus de 3mois, et dont la durée quotidienne est supérieure à 4heures, en l’absence de traitement. Il faut souvent, dans ces cas-là, recourir à un sevrage, la plupart du temps en milieu hospitalier, pendant trois à sept jours.
Enfin, les céphalées trigémino-autonomiques (essentiellement des algies vasculaires de la face) touchent 7 % des patients migraineux. L’algie vasculaire de la face est une céphalée qui survient très rapidement, caractérisée par une douleur très violente exclusivement sur la moitié de la face (œil, nez, oreille, dents…). La douleur est associée à d’autres signes cliniques, du même côté : un œil rouge, larmoyant, un peu fermé avec une pupille serrée. L’algie vasculaire de la face touche le plus souvent des hommes jeunes, actifs, tabagiques. La crise dure de 15 minutes à 3 heures sans traitement.
La migraine classique touche 12 % de la population française, soit plus de 7 millions de personnes.
Les chiffres retenus en France proviennent d’une grande enquête nationale menée en 1990, auprès de personnes de plus de 15 ans, avec les critères de diagnostic de la Société internationale de la migraine (International Headache Society). Ils indiquent une fréquence totale de 12 % (18 % chez les femmes et 6 % chez les hommes). On retrouve les mêmes chiffres dans les pays industrialisés : 10 à 12 % de la population souffre de migraine, les deux tiers étant des femmes.
Chez l’homme, la migraine prédomine entre 30 et 50 ans. Chez la femme, c’est entre 18 et 50 ans qu’elle est la plus fréquente. Elle diminue après la ménopause, car il existe une relation très étroite avec la vie hormonale.
Dans les études françaises, selon le document de recommandations de l’Anaes, 30 à 45 % des migraineux n’ont jamais consulté pour leurs migraines. Ils ignorent leur statut de migraineux et les possibilités de prise en charge existantes. Cet état conduit à une automédication importante. Près d’un malade sur deux a habituellement recours à l’automédication et donc à des traitements non spécifiques (antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc.).
La migraine touche entre 5 et 8 % des enfants de moins de 15 ans. Elle peut survenir à tout âge, même dès la première année de la vie. À cet âge, le diagnostic peut être évoqué devant un enfant abattu, pâle, qui vomit, surtout s’il existe des antécédents familiaux de migraine. On fera particulièrement attention aux petites filles qui se plaignent de troubles répétés de la vue ou aux petits garçons souffrant de crises de foie fréquentes.
Avant la puberté, garçons et filles sont également touchés, mais les garçons souffrent de migraine plus tôt. Après la puberté, la proportion passe à 3 ou 4 filles pour un garçon, en lien avec la vie hormonale.
La migraine est une pathologie sous-estimée chez l’enfant, en raison des difficultés diagnostiques (brièveté des crises, signes cliniques digestifs).
Les signes cliniques de la maladie migraineuse chez l’enfant sont proches de ceux de l’adulte. Mais elle se distingue par :
→ des crises plus courtes (2 à 48 heures chez l’enfant de moins de 15 ans) ;
→ une localisation bilatérale plus fréquente ;
→ des troubles digestifs souvent au premier plan (nausées, vomissements) ;
→ une pâleur inaugurale fréquente.
La migraine de l’enfant est souvent révélée non par des maux de tête mais par des douleurs abdominales et des troubles digestifs répétitifs, qui cèdent aux antalgiques et à la mise au repos dans l’obscurité et le calme. Photophobie et phonophobie sont souvent présentes. Le sommeil est le plus souvent réparateur. Le retentissement sur la vie sociale et la qualité de vie des enfants est important, la migraine étant associée à un fort absentéisme scolaire.
Un diagnostic et un traitement précoce permettent d’éviter l’aggravation à l’âge adulte.
Des achats répétés de paracétamol, des plaintes douloureuses récurrentes modérées à sévères témoignent d’un syndrome douloureux incorrectement pris en charge. Orienter la famille vers un neuropédiatre, voire une consultation de la douleur pédiatrique. Et combattre les fausses idées : la migraine n’est pas une maladie psychologique. Expliquer la différence entre cause et facteurs déclenchants : le stress, l’anxiété, la charge scolaire. C’est pour cela qu’on a tendance parfois à penser que l’enfant invente ou utilise ses céphalées. En aucun cas, l’enfant ne déclenche volontairement sa crise : il ne fait pas semblant d’avoir mal.
Ils sont pluriels :
→ hygiène de vie défaillante (sauter un repas, alimentation déséquilibrée, excès de boisson à base de cola, sommeil insuffisant…);
→ activité et efforts : l’endurance, l’effort physique, l’agitation, la piscine, les chocs sur la tête (judo, football), les roulades ;
→ facteurs émotionnels : charge scolaire, contrariétés, excitation…;
→ stimulations sensorielles : chaleur, bruit, lumière, odeurs fortes…
Le diagnostic de migraine est posé lorsque le patient a connu dans sa vie au moins cinq épisodes de céphalées :
→ ayant duré de 4 à 72 heures, en l’absence de traitement efficace ;
→ ayant au moins deux des caractéristiques suivantes : unilatérale, pulsatile, d’intensité modérée ou sévère, aggravée par les efforts physiques ;
→ s’accompagnant au moins d’un des symptômes suivants : des nausées ou des vomissements et une intolérance à la lumière (photophobie) et au bruit (phonophobie).
La pilule peut-elle être à l’origine de migraines ?
La pilule contraceptive a été accusée pendant très longtemps de provoquer des migraines, mais cela date de l’époque où elles étaient fortement dosées en hormones. Depuis l’apparition des pilules microdosées, l’impact est minime. Dans 5 % des cas uniquement, il y a apparition ou aggravation de la migraine : il faut alors envisager un changement de pilule, voire de mode de contraception. Et dans 5 % des cas, la pilule améliore la maladie migraineuse.
D’où vient le mot “migraine” ?
Le terme vient du vocable grec hemikrania qui signifie “moitié du crâne”. S’il s’agit d’un critère diagnostique, l’hémicrânie n’est pas pour autant constante. Nombreux sont les migraineux qui ressentent une douleur de barre frontale en étau, une sensation d’arrachement d’un œil, ou une impression de nuque broyée…