Cahier de formation
Savoir faire
Une de vos patientes, Sylvie, semble présenter un symptôme anxieux lié à son activité professionnelle. Elle souffre de céphalées de tension dont elle n’arrive pas à se débarrasser. Elle a tendance à abuser d’antalgiques.
Vous lui conseillez d’en parler rapidement à son médecin généraliste pour trouver un traitement adapté et se défaire des abus médicamenteux. Sylvie a doit tenter des activités comme la relaxation ou la sophrologie pour parvenir à se détendre et oublier ses soucis professionnels, et à s’imposer des pauses pendant ses journées de travail.
La prise en charge s’appuie en premier lieu sur le médecin généraliste (lire Point de vue page 42).
Un certain fatalisme de mauvais aloi peut s’installer lorsqu’un traitement de fond ne fonctionne pas, ou que ses effets secondaires se révèlent pénibles. Le médecin doit encourager le patient à tester d’autres molécules. Il ne faut pas décider trop vite qu’un traitement ne marche pas : un simple ajustement de la posologie se révèle parfois salutaire… Pour les traitements de fond, il faut attendre deux à trois mois avant de juger de leur efficacité. Là aussi, il convient d’en essayer plusieurs avant de trouver celui qui convient.
Par ailleurs, certaines idées toutes faites doivent être combattues –« c’est psychosomatique, ça passera quand j’irai mieux », « aucun traitement ne peut venir à bout de mes migraines », « les médecines douces, je n’y crois pas »… ou, à l’inverse, « je rejette par principe l’allothérapie »…
→ Le médecin aura en charge d’expliquer l’objectif du traitement de fond pour éviter désillusion et rupture thérapeutique. On n’obtient pas l’adhésion chez un patient qui n’a pas compris les enjeux du traitement qui, sans guérir, permet de vivre le plus normalement possible.
→ Le patient sera amené à se fixer un contrat thérapeutique. Il peut être de réduire de 50 % la fréquence des jours migraineux dans le mois. On peut écouter le patient et raisonner sur ce qui semble davantage compter pour lui : la consommation de médicaments, l’impact global…
→ Évoquer l’inertie potentielle du traitement de fond. Il faut globalement 3 mois pour bien évaluer l’efficacité. Se méfier d’effets positifs trop rapides (cette dynamique peut induire un effet placebo). A contrario, chez certains, le bénéfice n’apparaît qu’au bout du troisième mois.
→ Inciter à tenir un agenda des crises (voir ci-dessous) avant d’instaurer le traitement. Beaucoup de patients sont réticents à prendre un traitement de fond, d’où l’intérêt pédagogique de leur faire tenir un agenda.
→ Évaluer la marge thérapeutique : il est hors de question de remplacer les crises de migraine par des effets indésirables du médicament de fond. Les effets sédatifs, la prise de poids et l’intolérance digestive, voire la contre-indication d’une grossesse sont les principaux effets indésirables redoutés par la population de migraineux souvent jeune et féminine.
→ Le bêta-bloquant peut être prescrit en 1re intention. L’augmentation posologique progressive évitera une hypotension gênante. En cas de contre-indications (asthme, profil tensionnel bas…): oxétorone (Nocertone) ou tricyclique à petites doses (Recommandations 2002), voire le topiramate. Les autres classes ont des effets indésirables limitant leur prescription. Nocertone est très intéressant chez les migraineux à comorbidité anxieuse, chez ceux avec troubles du sommeil ou avec des crises migraineuses de nuit. Les bêta-bloquants, très polyvalents, sont parfois mal supportés par les femmes anxio-dépressives, mais intéressants chez les stressés non anxieux et les “hyperactifs”. L’amitriptyline est indiquée chez les patients anxio-dépressifs et les migraineux “dérapant” vers la chronicité (augmentation de la fréquence des crises, céphalées intervallaires de tension). Le topiramate a un intérêt en 1re intention chez la patiente avec problème de régulation pondérale, voire en surpoids ou obèse (il semblerait que le surpoids augmente la fréquence des crises).
→ Dans la très grande majorité des cas, le traitement n’est pas à vie, mais à cures séquentielles pour casser l’évolutivité de la migraine.
On a vu pendant trop longtemps dans la migraine un prétexte pour avoir la paix – au bureau, en famille, au lit – ou un symptôme psychosomatique. On entend encore, même de la bouche de certains médecins, des phrases comme « ce n’est rien » ou « cela va passer ». C’est dire si la migraine a encore du chemin à faire pour être considérée comme une maladie à part entière. Les patients sont ainsi souvent culpabilisés et se croient responsables de leur état. Or la migraine est une vraie maladie, qui doit être considérée comme telle par le patient et par son entourage.
Le café soulage la migraine, de même que le froid, qui réduit la taille des vaisseaux sanguins. Apposer un sac de glaçons sur la tête peu s’avérer efficace. Il existe, en pharmacie et auprès de certains fabricants, des bandeaux de gel à conserver au congélateur, que l’on peut apposer sur le front ou le crâne lors des crises. Les pharmacies vendent des sticks à base de menthol ou d’huiles essentielles qu’il est bon d’avoir toujours sur soi.
Le massage de la veine temporale, souvent dilatée pendant une crise de migraine, permet d’obtenir un soulagement temporaire.
Les infirmières libérales sont peu impliquées dans la prise en charge de la migraine, la grande majorité des traitements s’effectuant par voie nasale ou orale.
→ Dans certains cas, cependant, il peut être prescrit au patient en crise la prise d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) par voie injectable : Profénid injectable, Voltarène injectable…. L’infirmière libérale peut être sollicitée pour l’injection, qui se pratique toujours par voie intramusculaire.
→ Autre produit parfois prescrit : l’antalgique Acupan, également par voie injectable, qui s’administre en intramusculaire profonde.
→ Il existe une forme injectable de la DHE (voir tableau p. 35) en traitement de crise, qui se présente sous la forme d’une ampoule de 1 mg/ml, à diffuser dans une seringue. L’injection se fait ensuite en intraveineuse, en intramusculaire ou en sous-cutané, au choix. Cette situation survient rarement dans la mesure où la DHE en traitement de crise est peu prescrite, et lorsqu’elle l’est, c’est le plus souvent sous forme de spray nasal.
→ Autre produit sous forme injectable : le sumatriptan, commercialisé sous les marques d’Imigrane (indiqué en deuxième intention pour les crises de migraine sévères) et d’Imiject (pour les algies vasculaires de la face). Ces deux solutions contiennent 6mg de sumatriptan et se présentent sous la forme d’un stylo injecteur que les patients peuvent facilement utiliser eux-mêmes. Le produit est administré par voie sous-cutanée exclusivement. En cas de non-efficacité, une deuxième dose peut être administrée au bout de 30 à 60 minutes.
Les patients souhaitent parfois un scanner cérébral ou une IRM. Ces examens ne doivent être réalisés que lorsqu’une anomalie neurologique a été révélée par l’examen du patient ou lorsque l’histoire de la céphalée n’est pas évocatrice d’une migraine classique. Exemple : céphalées d’apparition brutale (dites “en coup de tonnerre”) qui ne font que s’accroître avec le temps, ou apparaissant après 40 ans chez quelqu’un qui n’en a jamais souffert auparavant ; changement du type de mal de tête chez un migraineux connu ; caractère strictement et continuellement unilatéral de la douleur…
Chez l’enfant, la place des examens complémentaires est la même que chez l’adulte. Mais un scanner ou une IRM peuvent être pratiqués plus rapidement du fait des difficultés de diagnostic chez l’enfant.
→ Il existe des consultations hospitalières spécialisées dans la prise en charge de la maladie migraineuse, à Paris et dans le reste de la France. La liste des consultations en France mais aussi à l’étranger est disponible sur le site de France Migraine www.sosmigraine.
→ La consultation dans ces centres doit être réservée aux cas les plus rebelles. Après avoir vu son médecin traitant et tenté plusieurs thérapeutiques, en cas d’échec, le patient peut consulter un neurologue. C’est après cette étape, en cas de nouvel échec des traitements prescrits, que le patient se rend dans une consultation hospitalière, sachant qu’il faut le plus souvent être muni d’un courrier du médecin traitant. Et mieux vaut être patient, car il faut plusieurs semaines ou plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous… En l’absence de centre antimigraineux à proximité, il est conseillé de se rendre dans un centre antidouleur.
→ À noter que, depuis 2000, l’hôpital parisien Lariboisière (AP-HP) dispose d’un centre d’urgences céphalées, unique en Europe (lire Savoir plus p. 45). Il faut plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous avec un neurologue du centre de Lariboisière. Un patient qui est en crise depuis plusieurs jours peut toutefois s’y rendre en urgence. Un professionnel de santé vérifie, à l’arrivée du patient, que celui-ci est bien en crise et, si c’est le cas, il le fait entrer dans une salle d’attente à la lumière tamisée. Le malade est reçu par un neurologue et reçoit éventuellement une perfusion pour calmer la crise.
Les solutions pharmacologiques ne sont pas les seules dans le champ de la migraine. D’autres thérapeutiques peuvent être invoquées, en particulier chez les enfants. On l’a vu, l’anxiété et le stress peuvent être des facteurs déclenchants ou aggravants de la migraine.
→ D’où le bénéfice que peuvent apporter la relaxation ou la sophrologie. Les relaxations passives – yoga, méditation, relaxation, sophrologie – conviennent aux stressés introvertis ; golf, taï chi chuan, tir à l’arc sont plus adaptés aux stressés plus “expansifs”.
→ Le biofeedback est une technique d’intervention spécialisée qui se pratique au départ en milieu hospitalier (en particulier les centres antidouleurs). Des appareils électroniques et informatiques transmettent, à partir de capteurs placés sur le corps du patient, l’information transmise par l’organisme (température corporelle, rythme cardiaque, activité musculaire, ondes cérébrales, etc.). Le patient est assis confortablement, ou couché, et se concentre sur les signaux auditifs ou visuels transmis par le moniteur. Le praticien aide le patient à prendre conscience de ses réponses physiologiques en fonction des données que lui communique la machine. À la sortie d’une séance de biofeedback, le patient se sent normalement plus en contrôle de son corps. Cette pratique lui apprend à gérer son stress, à la dominer lorsqu’il se produit, et ainsi à mieux contrôler l’apparition des migraines.
→ L’acupuncture se révèle efficace chez certains patients, de même que l’homéopathie : Nux Vomica 7CH, Gelsemium 5CH, Iris Versicolor 7CH, Ignatia 7CH, Actaea Racemosa 7CH, respectivement pour les crises digestives, visuelles, de stress et dues aux règles.
→ L’utilisation des plantes dans la migraine est loin d’être récente : valériane, passiflore (migraines de stress), radis noir (migraines digestives), rhizome (migraines menstruelles) et grande camomille (comme traitement de fond) peuvent être bénéfiques.
→ Pour les patients souffrant de céphalées de tension, des séances de kinésithérapie peuvent apporter un soulagement. La kinésithérapie peut aider le patient à détendre les muscles qui finissent par être contractés au niveau du cou et des épaules à la suite des crises.
→ La psychothérapie – de soutien, cognitive, comportementale ou analytique – permet aussi de mieux appréhender la maladie.
« Qui doit-on consulter ? Le médecin généraliste, qui connaît bien son patient, est le plus à même de prendre en charge une maladie migraineuse. Il peut toujours s’aider de conseils de spécialistes s’il a un doute quant à la cause des céphalées (ophtalmologiste, oto-rhino-laryngologiste ou stomatologiste), s’il suspecte une anomalie neurologique (neurologue) ou un problème psychique sous-jacent (psychiatre). Mais c’est lui qui reste le trait d’union entre les différents médecins et le point de référence pour la mise en route et le suivi du traitement. Le recours à un centre antimigraineux ne devrait s’imposer qu’en cas de migraines rebelles et compliquées. »
• Le traitement de fond ne guérit pas la migraine, mais permet de vivre le plus normalement possible.
• Rassurer : un traitement de fond ne se prend pas ad vitam eternam !
• À l’arrêt du traitement de fond, les crises peuvent réapparaître en raison de circonstances environnementales défavorables (périménopause…) ou sans facteurs déclenchants identifiés : on reprendra alors un traitement de fond.