L'infirmière Libérale Magazine n° 271 du 01/06/2011

 

PAS-DE-CALAIS (62)

Initiatives

Infirmière libérale à Libercourt près de Lens, Sandra Dupuis est une jeune professionnelle qui s’investit aussi dans l’humanitaire. En partenariat avec l’association Actions d’Avenir, elle vient en aide bénévolement aux populations du Burkina Faso.

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas pour Sandra Dupuis. Car cette infirmière de 34 ans travaille en tandem avec une autre libérale en assurant une semaine sur deux la tournée complète des patients. « En semaine paire, je suis en congé. En semaine impaire, je me lève à 5 heures du matin pour aller chez mon premier patient de la journée, vers 6 h 30 », résume-t-elle. Un emploi du temps réglé comme du papier à musique qu’elle suit depuis son installation à Libercourt, près de Lens, en 2006. Un retour aux sources pour elle, qui a fait son entrée dans la profession en 1999 au centre hospitalier de Lens, à deux pas de là : « Mon travail aux urgences, de nuit, était très particulier et fatiguant, mais aussi extrêmement formateur. C’était d’ailleurs plus qu’un boulot, c’était ma vie : dès qu’une discussion s’engageait, tout tournait autour de cela », se souvient-elle. Puis un jour, elle descend dans le Sud, près de Marseille, dans un établissement de moyen séjour gériatrique. Une période plus calme qui lui permet de suivre certains patients, un aspect qu’elle ne connaissait pas aux urgences.

Retour aux sources

Deux ans plus tard, elle retourne dans le Pas-de-Calais. « Mon conjoint est originaire du Sud, explique-t-elle. Soit on restait là-bas, dans sa région d’origine, soit on venait s’installer ici. » Un choix qui n’a pas été long à opérer puisqu’une opportunité s’est rapidement présentée : « L’une de mes amies infirmière m’a informée que son associée la quittait. Elle cherchait quelqu’un pour travailler en binôme », raconte Sandra, qui devient alors infirmière libérale après quelques années de services hospitaliers. « Une chose me manque, c’est le travail d’équipe. Là, bien sûr, on travaille en binôme, mais nous ne sommes jamais ensemble sur le terrain. Face à une difficulté, je me dis parfois que j’aimerais bien ne pas être seule », regrette-t-elle. Et si elle aime son métier, elle ne pense toutefois pas finir sa carrière en tant qu’infirmière : « Si un jour, je me rends compte que je ne travaille plus avec passion, je lâcherai l’affaire », prévient-elle. Car, dans sa tête, fourmillent mille projets. Surtout depuis qu’elle a découvert l’aide humanitaire.

L’humanitaire par hasard…

« C’est grâce à ma fille que j’ai découvert le bénévolat humanitaire, relate Sandra. En grande section de maternelle, sa classe menait un projet de parrainage d’enfants du Burkina Faso. Mon conjoint et moi avions rencontré l’institutrice qui faisait appel aux bonnes volontés de chacun pour la réalisation du spectacle de fin d’année. Étant photographe professionnel, mon conjoint a proposé son aide pour la réalisation de photos et, de fil en aiguille, nous nous sommes liés d’amitié avec l’institutrice. Un jour, elle nous a demandé de l’accompagner au Burkina Faso. »

Un premier voyage à but humanitaire est mis sur pied et, en novembre 2008, Sandra foule pour la première fois le sol de l’Afrique noire. « S’il n’y avait qu’une chose à retenir, c’est l’émotion que j’ai ressenti en découvrant le Burkina Faso », résume Sandra, qui explique que cette immersion n’a duré qu’une semaine, mais qu’elle lui a donné envie d’en savoir plus. Depuis, elle dévore les livres sur le Burkina Faso et sur la santé en Afrique noire, histoire de s’imprégner des rites de ces contrées lointaines. « Le Burkina Faso est un des pays parmi les plus pauvres au monde, il n’y a que 33 dentistes pour tout le pays ! » Et à peine 2 300 infirmières. Quant aux médecins, on en dénombre un pour 33 000 habitants. Qui a parlé de démographie médicale ? « On ne sait évidemment pas ce que c’est, les préoccupations des gens sont à mille lieues des nôtres. Lors de notre premier voyage, on a tout laissé sur place, tout ce que l’on avait emmené dans nos valises, vêtements, chaussures, tout. » Sauf le matériel photo de son conjoint qui a profité de l’occasion pour offrir aux enfants burkinabés leurs portraits. Une grande première pour eux !

… devenu désormais une conviction

Depuis, Sandra se passionne pour la vision africaine de la médecine occidentale : « Ils ont énormément recours à la médecine traditionnelle et partent du principe que la médecine occidentale et leur médecine ne soignent pas la même chose. Si nous savons que la fièvre peut céder sous l’action du paracétamol, eux y voient d’abord une cause mystique qu’il faut déjouer. » Une culture que Sandra souhaite mieux comprendre pour aider davantage les Burkinabés. « Ils ont des années de retard en matière de santé. J’ai eu l’occasion d’amener un lecteur de glycémie capillaire là-bas : c’était presque l’hystérie quand l’infirmière du dispensaire a découvert le système. Elle l’a même testé sur elle, tant elle trouvait cela incroyablement innovant », s’amuse-t-elle.

Une goutte d’eau

Mais, au-delà de certaines scènes rafraîchissantes, c’est aussi la pauvreté et la maladie qui frappent dans ce pays : Sandra se souvient encore de cet homme qui ne voulait pas qu’on soigne son épouse souffrant de gangrène alors qu’elle nécessitait des soins d’urgence en CHU. Si elle mourrait, disait-il, il prendrait une autre femme ! « La maladie est vécue comme une fatalité et ne vaut pas la dépense », regrette l’infirmière. Et tous ces enfants dénutris, ces familles décimées par le sida, le paludisme… « Il y a eu tout de même du progrès dans ce domaine, avec la prévention qui s’accroît et les traitements pour les personnes séropositives qui sont devenus gratuits », remarque Sandra. Et de déplorer : « J’aimerais pouvoir y retourner, mais pour un séjour plus long, de deux-trois mois, afin de mieux m’imprégner de la culture, du mode de vie, et puis d’aider davantage. Notre action est une goutte d’eau et, quand on quitte le Burkina Faso, on a l’impression d’abandonner les gens sur place. Une fois en France, il me faut une semaine pour revenir les pieds sur terre. On est écœuré par tant d’opulence dans les magasins. »

Cette année, Sandra a rejoint les rangs de l’association Actions d’avenir*, fondée par des amis dans la continuité de l’action de parrainage d’enfants. « Nous avons lancé un appel de fonds pour financer la construction d’une ferme à Tintilou. En parallèle, j’ai démarché les laboratoires pour récolter du matériel médical à apporter là-bas ainsi que des dispositifs médicaux et des laits maternisés. » Le travail sur place, en février 2011, s’est concentré sur un dispensaire de Ouagadougou, la capitale du pays. Elle y rencontre alors un médecin et l’infirmière responsable du dispensaire : « Nous leur avions préalablement demandé par mail s’ils avaient des besoins particuliers, en termes de matériel, par exemple. Ils nous ont simplement répondu qu’ils avaient besoin de tout ! » Tout comme l’ambulance du village de brousse, le matériel destiné aux soins est d’un autre âge, quand il existe. Sandra a donc apporté tout ce qu’elle pouvait dans ses valises pour ce deuxième séjour : compresses, pansements, antiseptiques, matériel de base… Les valises étaient pleines à craquer. « Nous avons également réussi à apporter des laits infantiles », ajoute Sandra, sensible à la détresse des nombreux enfants dénutris qu’elle a croisés.

La santé est un luxe au Burkina

Elle est même parvenue à faire acheminer par contenair une ambulance pour remplacer l’ancienne : « Le véhicule a été acquis pour un euro symbolique et remplace désormais l’ambulance de fortune qu’ils utilisaient pour convoyer les femmes sur le point d’accoucher au centre médical chirurgical », précise l’infirmière. Un confort pour les usagers de la santé qui manquent de tout et pour lesquels le moindre médicament ou consultation grève dangereusement le budget. « Heureusement, il existe dans les dispensaires des réserves de médicaments gratuits pour aider les indigents. » Mais, pour ceux qui gagnent leur vie, même chichement, la santé a un coût difficile à supporter. À l’image des séjours à l’hôpital, où l’on ne s’occupe que des soins et où le service hôtelier (repas, couchage) doit être entièrement pris en charge par la famille. Un luxe que bien peu de Burkinabés peuvent s’offrir.

Pour l’heure, Sandra est décidée à poursuivre ses actions au Burkina Faso : dernier projet en date, promouvoir le travail de jeunes travailleurs orphelins qui fabriquent du savon au beurre de karité à Ouagadougou. Une marque de cosmétiques distribuée en France serait intéressée pour la commercialisation du produit. Et, pour Sandra, un autre voyage en Afrique se profile dans son esprit : « Je ne sais pas quand cela se fera, mais j’y retournerai », promet-elle.

* Pour soutenir l’association Actions d’avenir, rendez-vous sur les sites http://actionsdavenir.org et http://fr.ulule.com/la-ferme-pedagogique-de-tintilou-au-burkina-faso ou adressez un mail à actionsdavenir@gmail.com.

EN SAVOIR +

→ DANS LES PAYS D’AFRIQUE DE L’OUEST, les guérisseurs et marabouts utilisant une pharmacie traditionnelle à base de plantes côtoient la médecine occidentale moderne. Pour des raisons culturelles et économiques, les habitants ont plus facilement recours à ces pratiques, d’autant que certains estiment que la médecine occidentale ne peut rien contre les esprits du mal responsables de la maladie.