Le débat
Multiplication d’indicateurs, d’acronymes, parcours de soins coordonné ou pas… Le système de santé français se complexifie au gré des réformes en tout genre. Un tel enchevêtrement est-il vraiment compréhensible pour les usagers du système de santé ? Rien n’est moins sûr.
Considérez-vous que notre système de santé est lisible, qu’il est aisé de s’y repérer ?
Notre système de santé s’est organisé au fur et à mesure des lois. Pendant longtemps, certaines missions n’ont pas été définies dans le Code de la Santé publique. Il aura par exemple fallu attendre la loi HPST de 2009 pour que soit défini le premier recours. On ne peut pas demander aux usagers de connaître le système de santé si l’organisation elle-même n’est pas lisible. Aujourd’hui se répand l’idée selon laquelle un parcours de soin dédié aux malades chroniques est nécessaire. Connaître les missions de chacun est impératif pour les malades chroniques. Or je ne suis pas sûr que les usagers aient une bonne perception des choses. Dans leur esprit, il y a le médecin traitant d’une part et l’hôpital de l’autre.
La loi de réforme de l’Assurance maladie en 2004 visait pourtant à baliser le parcours de soin…
En un sens. Cette loi a créé un parcours de soin qui répond aux besoins de l’Assurance maladie, pour éviter un papillonnage des usagers auprès des professionnels de santé. Il y avait là une vocation économique. Ce que les patients attendent, c’est une organisation, une prise en charge de qualité.
Ces objectifs sont-ils antinomiques ?
Ce qui coûte cher, c’est la non-organisation du système de santé. Dès lors que le patient comprend la logique de ce qu’on lui propose, les choses fonctionnent mieux. Les infirmières ont un rôle primordial à jouer : elles sont au plus près du patient et de ses proches. On sait bien que si, officiellement, les médecins coordonnent les choses, ce sont en fait les infirmières qui se trouvent au chevet du malade au quotidien.
Que penser des palmarès et autres indicateurs dits “de qualité” qui se multiplient ?
Les palmarès dans la presse se sont développés parce qu’il y avait une opacité totale de la part de ceux qui devraient œuvrer pour la transparence. Il faut des indicateurs mais surtout des résultats. L’indice Icalin qui s’intéresse aux infections nosocomiales n’est pas compréhensible par les patients. Les indicateurs doivent être pertinents, pratico-pratiques et permettre d’orienter les décisions des patients pour aller vers ce professionnel ou cet établissement.
Considérez-vous que notre système de santé est lisible, qu’il est aisé de s’y repérer ?
Il reste lisible avec les indicateurs de santé qui se sont développés au fil du temps. Des tableaux de bord se multiplient aussi, de même que les enquêtes de satisfaction dans les établissements de santé. Sous l’impulsion de Roselyne Bachelot, à partir de 2012, 100 % des établissements hospitaliers devront utiliser des prestataires extérieurs pour mener des enquêtes de satisfaction auprès des usagers, quinze jours après leur sortie de l’hôpital. Il y aura ensuite une diffusion exhaustive de ces questionnaires. Cela existe déjà à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris [enquête Saphora, ndlr]. Beaucoup de choses se mettent en place qui, inévitablement, s’imposeront aux professionnels de santé, aux établissements et également aux usagers du système de santé.
Vous plaidez pourtant pour la création d’une sorte de « GPS santé » qui compilerait les données, éviterait l’hétérogénéité des sources d’informations.
En effet, j’en ai fait la proposition dans le rapport que j’ai rendu dans le cadre de “2011, année des patients et de leurs droits”. Et je constate aujourd’hui que l’Assurance maladie répond à cette attente. Elle peaufine son site ameli-direct [http://ameli-direct.ameli.fr, ndlr] qui me semble être la colonne vertébrale d’un “GPS santé”. Cet outil doit comprendre l’ensemble des établissements et des indicateurs les concernant mais également être un annuaire des professionnels de santé libéraux avec mention de leurs pratiques tarifaires et, chose à mon sens primordiale, de leur situation vis-à-vis de la formation continue et de l’EPP, l’évaluation des pratiques professionnelles.
À ce propos, notre système de santé regorge d’acronymes. N’est-ce pas une façon de perdre les usagers du système de santé ?
C’est tout à fait vrai. Je ne pense pas qu’une seule personne connaisse l’ensemble des acronymes de notre système de santé. C’est comme si on développait un langage à soi, seulement compréhensible par nous, les “sachants”. Regardez, quand on ouvre une maison du handicap dans un département, on parle de suite d’une MDPH [Maison départementale des personnes handicapées, ndlr] et, ce faisant, on exclut 90 % de la population qui ne comprend pas de quoi on parle.