L'infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011

 

Marceline Le Cloître, infirmière major sur le Siroco à Toulon (83)

La vie des autres

Il y a vingt-cinq ans, Marceline Le Cloître a réalisé son rêve : exercer comme infirmière embarquée sur un bâtiment de la Marine nationale. Sa position d’infirmière major constitue l’aboutissement d’un parcours exceptionnel mais pas encore la fin de ses aventures.

Marceline Le Cloître n’a jamais voulu exercer une autre profession. Et c’est lors d’une présentation des métiers de la Marine nationale durant ses années collège que la jeune Bretonne se décide pour de bon : elle sera infirmière sur les navires de l’armée. Un an après le bac, elle réussit le concours pour entrer dans la Marine et fait ses classes au Centre d’instruction naval de Querqueville, dans la Manche, pour apprendre à marcher au pas, saluer, porter les armes… « Nous étions trente filles pour mille garçons. Ce n’était pas facile de trouver sa place, se souvient-elle. Je n’étais pas gênée par la collectivité ni par la discipline, mais on sentait une certaine misogynie à cette époque. »

Infirmière en neuf mois

À l’école des infirmiers de la marine à Toulon, devenue ensuite l’École du personnel paramédical des armées, « les études duraient neuf mois au bout desquels on était infirmière. Avec le recul, je me dis qu’on nous a donné de sacrées responsabilités », remarque Marceline. Une fois diplômée, il n’est pas question de s’embarquer : les bateaux « n’étaient pas adaptés pour accueillir des femmes au milieu des marins », explique l’infirmière. Elle choisit donc l’hôpital militaire à Brest, puis à Toulon.

« J’adorais l’hôpital, poursuit-elle. Même avec des gardes de 36 heures, il y avait une solidarité très forte. Cela a été une très bonne formation ! » En 1993, elle passe un brevet supérieur d’infirmier qui lui permet de devenir militaire de carrière. Dès cette période, les femmes peuvent monter à bord, mais le bébé de Marceline est tout petit et elle préfère rester à terre. Et passer son DE, un aboutissement mais aussi une porte ouverte, au cas où elle voudrait prendre sa retraite.

Sur le pont

Quatre ans plus tard, retour à Brest, avec mari (militaire) et enfants pour travailler à l’infirmerie de la direction du port : « Je gérais tous les patients des bateaux basés à Brest, explique Marceline. C’est à ce moment que j’ai commencé à monter à bord pour vérifier les coffres de soins ou former le personnel. » Elle arpente aussi les sémaphores militaires (postes de guet établis sur la côte, chargés de surveiller les approches maritimes) ou les remorqueurs de haute mer.

Une nouvelle mutation la conduit pendant deux ans à Nouméa au CCIA, Centre de consultations inter-armées. Entre autres missions, elle découvre l’humanitaire, en Papouasie-Nouvelle-Guinée puis sur une île du Vanuatu, afin d’aider l’OMS à éradiquer le pian, une maladie tropicale chronique.

Marceline serait bien restée à Nouméa mais il faut rentrer, à Brest encore puis de nouveau à Toulon où elle passe infirmier major. Telle une “surveillante”, elle gère les équipes de médecins et infirmiers susceptibles d’embarquer sur les bateaux, elle en forme certains et s’embarque temporairement sur des navires. « Je savais que j’étais faite pour ça, résume Marceline. À bord, nous sommes disponibles 24 heures sur 24. Pas seulement pour les soins, mais aussi pour l’écoute, la discussion, la dimension sociale. »

En 2009, empochant au passage un certificat universitaire d’urgence en milieu maritime, elle est affectée avec un médecin et un adjoint infirmier sur le Siroco, un navire qui transporte des chars et des blindés. L’infirmerie de 600 m2 comprend deux salles de soins, deux blocs opératoires, une salle de réanimation/pré-opératoire, une salle post-opératoire, des salles de triage, de radio, de stérilisation, un labo, deux chambrées pour les malades alités et isolés, etc.

L’urgence haïtienne

En janvier 2010, la terre tremble en Haïti. Au lieu de revenir en France comme prévu après trois mois de mission, le Siroco met immédiatement le cap sur la Martinique pour se ravitailler, installer des blocs et retrouver l’antenne chirurgicale venue de France. À Haïti, raconte Marceline, « j’intervenais un peu partout : j’allais chercher les patients à la Sécurité civile, je les accompagnais durant le transport en hélico jusqu’au bateau, je les installais, je faisais des soins, j’organisais les équipes de brancardiers qui pouvaient être des secrétaires, des cuisiniers… Je suis aussi intervenue en renfort sur le bateau-hôpital américain USNS-Comfort. Nous sommes rentrés en France à la mi-mars ».

Et maintenant le Dixmude

Marceline habite en ville et travaille sur le Siroco, même à quai. Comme tout marin, elle participe au ménage, aux appels et, à l’occasion, repeint même l’infirmerie ! « Comme je le souhaitais, je suis embarquée et arrivée au grade que je voulais. Mais je m’apprête à aller sur un bateau tout neuf, le Dixmude », un énorme navire qui comprend un hôpital de 900 m2 (69 lits, deux blocs, une salle de radiologie…). Marceline est chargée de piloter son aménagement puis l’installation du matériel. Elle sera à bord bientôt, dès qu’il quittera Saint-Nazaire pour Toulon. Après plus de vingt-cinq ans de carrière dans la marine, « ce sera sûrement mon dernier bateau, estime l’infirmière. Mais si c’était à refaire, je referais tout ».

Elle dit de vous !

« Je m’imaginerais très bien en infirmière libérale. J’ai l’habitude d’être autonome. Parfois, vous êtes la seule infirmière sur un bateau. Les gens comptent donc sur vous. Il faut de l’expérience pour faire face à des choses parfois compliquées ou pas très “jolies”… Lorqu’il y a un problème, même s’il existe un protocole, vous êtes seule. En Bretagne, on m’a proposé de devenir libérale. J’aime beaucoup la relation avec les personnes âgées, par exemple, et je viens d’un milieu rural, je connais la campagne. Mais si je devais “faire du rendement”, j’aurais du mal. »

INFIRMIÈRE DANS UN CADRE MILITAIRE

Comment le devenir ?

Il existe plusieurs voies. L’armée recrute des infirmières diplômées d’État, avec ou sans expérience, pour ses hôpitaux militaires. Elles peuvent rester civiles ou s’engager (http://bit.ly/bSOnEe). Mais pour exercer dans un service de santé des armées, dans les troupes alpines, les troupes parachutistes, à bord d’un bâtiment de la Marine nationale, etc., il faut d’abord s’engager auprès d’une armée (air, mer, terre). Pour la Marine, le concours et son cursus sont les mêmes que ceux des Ifsi civiles. Il faut avoir entre 18 et 25 ans, être français, savoir nager, être en bonne condition physique et médicale et avoir effectué la Journée défense et citoyenneté. Il faut ensuite suivre un enseignement militaire de 18 semaines à Brest, puis acquérir son DE à l’École du personnel paramédical des armées (EPPA, http://bit.ly/lTPFGs), à Toulon.

Pour plus d’informations sur le métier d’infirmier dans la Marine, consulter http://etremarin.fr/#/fiche_metiers/38/.