Cahier de formation
Savoir faire
La jeune A., 11 ans, a une épaule plus haute que l’autre.
Il faut vérifier qu’elle ne développe pas une scoliose idiopathique, par un simple examen clinique et des radios du rachis. Si c’est le cas, il faut agir vite, car elle est dans une phase pré-pubertaire très sensible, où la scoliose peut évoluer très rapidement. Même si elle n’a pas mal, il faut la convaincre de suivre les consignes du médecin pour ne pas souffrir de son dos tout le reste de sa vie.
L’adjectif idiopathique qui accompagne le terme “scoliose” montre bien le peu de connaissances que nous avons vis-à-vis de cette pathologie de la colonne vertébrale. Bien que la prévention du rachitisme, par supplémentation systématique des nourrissons en vitamine D, ait contribué à faire reculer cette affection, elle touche un pourcentage non négligeable d’enfants pendant leur croissance (3 à 4,5 %).
→ Un simple examen clinique permet de dépister une scoliose débutante : il suffit de regarder l’enfant de dos, l’œil à hauteur de son bassin (voir schéma page suivante). En position verticale, les axes des épaules et du bassin dévient de l’horizontale en cas de scoliose. Dos courbé, jambes tendues et mains pendant vers les pieds : il apparaît une gibbosité, une bosse, associée à la rotation des vertèbres. Tout adulte (médecin, mais aussi parent et infirmière) est à même de réaliser cet examen très simple et de participer au dépistage précoce. Des radiographies permettent ensuite de déterminer l’angle ou les angles de déviation (ou angle de Cobb) afin de pouvoir suivre l’évolution de la scoliose dans le temps.
→ La scoliose de l’enfant n’est pas due à son cartable trop lourd ou à son attitude avachie en classe : inutile de l’accabler avec des reproches sans fondement sur ses comportements passés. La scoliose n’est pas non plus liée à une inégalité de longueur de jambe. Même si l’enfant n’éprouve ni gêne ni douleur, il faut bien lui faire prendre conscience de la nécessité de freiner l’évolution de la scoliose par des traitements initiés le plus tôt possible. En effet, la colonne de l’enfant est encore souple et se redresse plus facilement qu’à l’approche de l’adolescence, lorsque la scoliose s’enraidit. De plus, la déformation évolue dans presque tous les cas jusqu’à la fin de la croissance, avec une accélération pendant la puberté, même si le rythme d’aggravation varie d’un enfant à l’autre : il y a donc peu de chance que le problème se résolve de lui-même.
→ Le traitement de la scoliose passe en premier lieu par le port d’un corset, ou orthèse, qui peut être un corset plâtré ou un corset moulé amovible. Il constitue un tuteur externe pour la colonne. Le traitement est lourd, et il faut bien préparer l’enfant à devoir porter son corset jour et nuit pendant plusieurs années (jusqu’à la fin de la croissance), sans quoi le traitement risque de ne pas être efficace. Il est particulièrement important de le porter la nuit, car c’est en position allongée qu’a lieu la croissance et que le corset joue au mieux son rôle de tuteur. Difficile de s’en passer à l’école, également, car la position assise favorise la déformation.
→ La kinésithérapie doit être considérée comme une aide complémentaire aux autres traitements, mais elle ne permet pas de faire disparaître la scoliose. Elle fait travailler la musculature du thorax et corrige les mauvaises postures. Le sport n’est pas interdit, au contraire, car la colonne scoliotique n’est pas fragile. Seules les douleurs limitent les activités physiques de l’enfant. La pratique sportive permet de développer la capacité pulmonaire lorsque la déviation de la colonne déforme la cage thoracique.
→ Il est important de parler de la scoliose d’un enfant à l’école, pour que le corps enseignant et les camarades de classe comprennent ses difficultés. Une attention particulière, parfois doublée d’un soutien psychologique, aidera l’enfant à supporter son corset qui l’exclut de certaines activités et le rend “différent” de ses camarades.
→ Le problème esthétique est souvent délicat, surtout chez les filles qui sont majoritairement touchées, à une période de la vie où l’image corporelle prend une place très importante et à une époque où l’impact des apparences est considérable. Il faut donc être attentif aux retentissements psychologiques de cette pathologie.
Il se fait généralement de façon progressive : du plein temps, on passe classiquement à 20 heures par jour pendant quinze jours, puis 16 heures, en surveillant régulièrement que la déformation ne s’aggrave pas. Pendant toute la phase de traitement, le patient sera en relation régulière avec l’orthoprothésiste qui a fabriqué le corset, afin de l’ajuster en permanence aux changements de morphologie et le rendre le moins inconfortable possible.
Il faut faire attention à l’évolution à l’âge adulte : même si elle se stabilise souvent à la fin de la croissance, il est possible que la scoliose évolue encore par la suite. Une surveillance régulière est donc importante, même après un traitement réussi.
→ Dans les formes les plus sévères de scoliose, l’intervention chirurgicale est la seule solution pour redresser la colonne. Elle s’adresse souvent à des enfants qui n’ont pas été dépistés avant la poussée de croissance, pendant laquelle la déviation scoliotique s’aggrave.
→ Il arrive également que des adolescents rejettent complètement le port du corset au moment de la puberté, alors qu’ils l’avaient bien supporté jusque-là. Ils échappent à la surveillance médicale au moment où ils en ont le plus besoin et perdent en quelques mois tout le bénéfice des longs mois ou années de corset. Tous les efforts pour maintenir le dialogue, entourer et convaincre ces adolescents sont essentiels, dans cette période si sensible où ils sont enclins à prendre le contre-pied des contraintes imposées par les adultes. L’intervention d’une infirmière extérieure à la famille et non assimilée au médecin peut se révéler déterminante.
→ La chirurgie s’impose lorsqu’elle est le seul recours pour éviter les douleurs dorsales chroniques qui ne manqueront pas de s’installer à l’âge adulte, ainsi que les complications (respiratoires, voire cardiaques) pour les formes les plus graves.
→ Certains adolescents, surtout des filles, réclament l’opération pour enfin échapper au port du corset. Il est important de bien leur faire comprendre les tenants et aboutissants de cette chirurgie.
→ L’intervention consiste à mettre en place un véritable tuteur interne constitué de tiges métalliques qui forcent la colonne à se redresser. C’est une opération lourde, qui peut durer de quatre à huit heures et qui nécessite une hospitalisation de huit à dix jours. Les chirurgiens spécialisés pour ce type d’opération sont peu nombreux, souvent dans les grandes villes, ce qui peut poser des contraintes liées à l’éloignement. Il faudra également compter environ deux mois loin de l’école et s’organiser pour assurer l’enseignement à domicile.
→ Hormis les possibles (mais rares) complications inhérentes à toute chirurgie, la réduction de la scoliose est une intervention qui montre un très bon taux de succès à long terme. L’enfant doit néanmoins être préparé à la douleur en phase post-opératoire (généralement bien soulagée pendant l’hospitalisation), ainsi qu’à des douleurs résiduelles dans les mois qui suivent. Il devra aussi s’habituer à avoir un dos raide. S’il lui est conseillé de reprendre la marche très rapidement, et dans certains cas de suivre une rééducation, il devra limiter ses activités physiques pendant six à dix mois, le temps que les greffes osseuses se consolident. Il pourra ensuite pratiquer tous les sports qu’il souhaite (sauf les plus violents…) et que la raideur de sa colonne lui permet.
« Ma scoliose a été détectée par ma mère lorsque j’avais 11 ans. Elle a remarqué la présence d’une bosse dans mon dos. Le généraliste ne m’a prescrit que de la rééducation. À 13 ans, la scoliose s’était aggravée et j’ai porté un plâtre (de 5 kg) pendant quatre mois, puis un corset pendant deux ans. Mais c’était trop tard : à 15 ans, ma scoliose formait un angle de 80° avec la verticale. J’ai été opérée selon la technique de l’époque (c’était en 1976). Je vis depuis avec une tige métallique dans le dos. Elle ne m’a pas empêchée de mener une vie active et de vivre trois grossesses sans difficultés particulières. Même si la chirurgie donne de bons résultats, c’est un acte très lourd qui ne doit être choisi qu’en dernier recours. Le meilleur moyen pour l’éviter est le dépistage précoce de la scoliose chez les enfants : c’est un examen très simple, à faire tous les six mois en période de croissance. Or bon nombre de médecins ne sont pas sensibilisés au problème. La médecine scolaire manque de personnel pour réaliser un dépistage efficace et systématique. Il est essentiel de diffuser au maximum l’information auprès des parents qui restent les mieux placés pour observer le dos de leur enfant. La scoliose n’est pas une maladie rare ! »