L'infirmière Libérale Magazine n° 273 du 01/09/2011

 

Olivier Lemière, orthopédiste-orthésiste à Colombes (92)

La vie des autres

Depuis un an, Olivier Lemière fabrique, dans sa boutique de Colombes (92), des manchons de contention, des ceintures lombaires, des corsets, des semelles orthopédiques… Tous ces dispositifs sont des orthèses, destinées à soulager la douleur ou à corriger une fonction déficiente. Un travail réalisé sur-mesure pour adapter au mieux chaque appareillage au patient.

Après avoir exercé pendant dix-huit ans comme préparateur en pharmacie, Olivier Lemière s’est reconverti dans l’orthopédie. Il y a un peu plus d’un an, à l’issue d’une formation de neuf mois, il a ouvert sa boutique, baptisée “Orthomedika”, en plein centre-ville de Colombes, près de Paris. Une heureuse reconversion : Olivier Lemière est un passionné. « Mon activité se décompose en trois domaines occupant globalement chacun un tiers de mon temps : la podologie, les corsets et les ceintures, les orthèses de main. » Dispositifs destinés à compenser une incapacité ou à atténuer la douleur, les orthèses se différencient des prothèses, qui remplacent un membre ou une articulation.

Concepteur d’orthèses

Ainsi une orthèse de main dynamique soulage la douleur tout en laissant la main bouger, pour lui permettre de faire de la rééducation ou de récupérer une fonction. Pour cela, elle doit être conçue à partir de matériaux particuliers, comme les polymères, que l’on peut mouler après les avoir chauffés dans un bac d’eau chaude.

Olivier Lemière conçoit de A à Z des ceintures lombaires et des corsets – indiqués pour les hernies discales, les lombalgies aiguës, les fractures vertébrales… Du sur-mesure, qui est le cœur de métier des orthopédistes : « Cela n’a rien à voir avec les produits de série. La taille et les matériaux sont adaptés au cas précis du patient concerné, aux particularités de sa morphologie. Dans 80 % des cas, ce qu’expriment les clients après la pose d’une ceinture lombaire, c’est un sentiment de soulagement. » Autres dispositifs mis au point par l’orthopédiste : les vêtements de contention, qu’il s’agisse de chaussettes, bas, gants, manchons, ou de pièces plus importantes pour les grands brûlés.

Analyse puis fabrication

Le sur-mesure est conçu après tout un travail d’analyse et de dialogue avec le patient. « C’est passionnant. Par notre questionnement et notre savoir-faire, nous adaptons le matériel pour soulager au mieux le patient ou le rééduquer. D’une personne à l’autre, ce n’est jamais identique. » Le bilan podologique est l’examen le plus abouti. Les pieds du patient et, plus largement, sa posture et sa façon de marcher sont passés au crible de plusieurs appareils : scanner, podographe, podoscope, plate-forme de pression, tapis de marche… Aujourd’hui, l’observation et l’analyse sont presque devenues des déformations professionnelles : « Quand je croise des personnes dans la rue, j’observe leur façon de marcher, les chaussures qu’elles ont aux pieds… » Après l’analyse vient la fabrication, qui procure à Olivier Lemière un véritable plaisir – notamment la podologie, qui offre un nombre illimité de combinaisons possibles, grâce à une multitude de matériaux disponibles. Une semelle orthopédique sera conçue différemment si elle doit être portée au quotidien ou juste de temps en temps. Notre orthopédiste n’a pas peur de mettre la main à la pâte : « Je fabrique tout, je ne sous-traite rien. »

Soulager sans médicament

C’est le plus souvent munis d’une ordonnance signée d’un rhumatologue ou d’un chirurgien orthopédique que les patients viennent chez l’orthopédiste. Par ailleurs, Olivier Lemière travaille avec le service d’ergothérapie du centre de rééducation de l’hôpital Stell, à Rueil-Malmaison : « Je peux être sollicité pour la fabrication d’une orthèse qui permettra à une personne qui retourne à son domicile de bien vivre dans son environnement. Par exemple, la pose d’une orthèse de main anti-spastique, qui permet de libérer la main au maximum, facilitera la vie d’une personne hémiplégique. » Pour Olivier Lemière, la douleur peut être soulagée par des moyens non médicamenteux : « Je suis étonné que l’on mette sur le marché autant de médicaments alors qu’il existe des orthèses qui, en positionnant la main correctement, peuvent soulager des arthroses ou des tendinites. »

Problème : les appareillages sont mal pris en charge par l’Assurance maladie. Difficile de fabriquer une orthèse de main en respectant les tarifs de la Sécurité sociale…

Réhabiliter la podologie

Autre cheval de bataille d’Olivier Lemière, la podologie, domaine essentiel, mais insuffisamment pris en compte. De temps en temps, notre orthopédiste organise des séances de dépistage avec un ami pharmacien.

Le bilan est édifiant : selon lui, une personne sur deux a un problème de taille de chaussures. La moitié des personnes vues lors de ces séances souffre des pieds mais n’a jamais consulté : « Beaucoup de médecins pensent encore que la podologie n’est pas une discipline importante. À tort. Il serait bon de réhabiliter la podologie, de faire de la prévention dans les écoles. »

Il dit de vous !

« Les infirmières libérales sont des éléments pivots du parcours de soins. Nous, les orthopédistes, avons des relations privilégiées avec elles. Elles relaient toutes les informations qu’elles obtiennent auprès des médecins et des autres acteurs de santé. Depuis mon installation, j’ai rencontré plusieurs infirmières libérales chez des patients auxquels je rends visite. Certaines me connaissent bien et me signalent les cas de personnes en souffrance qui ne peuvent pas se déplacer jusqu’à ma boutique, parce qu’elles sont diabétiques ou hémiplégiques. Dans ce cas, je me rends à leur domicile. Les infirmières libérales m’ont aidé à me faire connaître des patients, mais aussi des médecins. Comme nous, elles doivent toujours se maintenir à niveau, s’informer sur un nouveau médicament, une nouvelle technique. Leurs gestes doivent s’approcher de la perfection. »

ORTHOPÉDISTE

Un métier en attente de reconnaissance

« C’est une petite profession, peu connue du grand public et d’un certain nombre de médecins. Si les rhumatologues et les chirurgiens orthopédiques nous identifient bien, ce n’est pas le cas des médecins traitants. Ils orientent souvent les patients vers la pharmacie, qui n’a pas toujours un rayon orthopédie… », regrette Olivier Lemière. C’est pourquoi le SNOF (Syndicat national de l’orthopédie française, qui réunit les orthopédistes-orthésistes-podologistes) s’organise pour faire connaître la profession (www.snof.eu). Le métier d’orthopédiste s’apprend en neuf mois dans un des quatre centres de formation agréés en France. On y délivre un certificat de technicien supérieur. Pour s’inscrire, il faut être titulaire du brevet professionnel de préparateur en pharmacie, du baccalauréat, du DT (diplôme de technicien) de podo-orthèse ou de prothèse-orthèse, ou disposer de cinq ans d’expérience professionnelle.