L'infirmière Libérale Magazine n° 273 du 01/09/2011

 

PROFESSION

Actualité

ÉTATS GÉNÉRAUX > À l’initiative de deux syndicats, salariées et libérales se sont réunies à Paris pour réfléchir à l’avenir de la profession… et établir une page de défis à relever ensemble !

La grand-messe infirmière a tourné au conciliabule : à peine 150 personnes pour une profession forte de 500 000 membres… Et pourtant. L’idée qu’ont eue le Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux (Sniil) et le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) d’organiser conjointement des États généraux infirmiers avait de quoi séduire.

Il s’agissait, pour une fois, de réunir les salariés ainsi que les libéraux pour une journée de débats sur les grands sujets qui font l’actualité et de construire l’avenir de la profession : la formation, la recherche, les pratiques avancées, la coopération, l’éducation thérapeutique, la consultation infirmière, etc.

Huiler les transmissions

À l’heure où la loi HPST refonde le système sanitaire français, la nécessité de développer les liens ville-hôpital pousse les professionnels à s’interroger sur la manière de mieux communiquer pour assurer une meilleure continuité et coordination des soins entre hospitaliers et libéraux.

Ainsi en psychiatrie(1) : « Il faudrait qu’on communique plus avec l’hôpital », a estimé Philippe Sarlat, infirmier libéral en Hautes-Pyrénées, spécialisé en psychiatrie, lors d’une présentation commune avec Philippe Schwartz, infirmier au CHS de Sarreguemines, en Moselle (57). « On a la même formation, le même métier, le même patient : on gagnerait du temps dans le soin et on y mettrait plus de sécurité. »

Même constat en oncologie : « À domicile, quand on prend un patient en charge, on n’a aucune information, aucune transmission de nos collègues hospitalières, seulement ce que nous dit le patient, a regretté Annick Touba, présidente du Sniil. C’est une perte de chance pour le patient. » « On ne s’est pas assez occupé de faire un dossier de soins infirmiers partagé », a résumé, pour sa part, Anne Montaron, directrice des soins à l’Institut Gustave-Roussy. Un manque de communication que l’explosion des pathologies chroniques risque de rendre insupportable.

« Dans le prolongement du rapport Hénart(2), le SNPI considère que la prise en charge des malades chroniques représente l’avenir de la profession infirmière », a rappelé son président Thierry Amouroux en ouverture des États généraux. En cancérologie, mais pas seulement, « il va falloir développer tous ces métiers de coordination avec la notion d’infirmière référente, a abondé Anne Montaron. Cela va nécessiter des connaissances de plus en plus approfondies et donc des pratiques avancées ».

Des pratiques avancées dont le SNPI « attend beaucoup », selon Thierry Amouroux, pour peu qu’elles soient encadrées par « un véritable diplôme universitaire débouchant sur un titre et un salaire précis ». Le syndicat se dit, en revanche, « beaucoup plus méfiant envers les coopérations entre professionnels de santé(3), qui se contentent de légaliser des pratiques qui vont au-delà du décret d’actes sans que ces nouvelles compétences soient rémunérées ».

Des masters… et des sous ?

S’il semblait y avoir un consensus parmi les professionnels pour expliquer que les diplômes universitaires de deuxième et troisième cycles ne concerneront qu’une minorité d’infirmières (« 5 à 10 % » pour le master, a avancé Thierry Amouroux), le fait qu’il soit « possible pour tout le monde » de poursuivre des études au-delà du DE « est un facteur d’attractivité important pour notre profession » , a plaidé Dominique Monguillon, infirmière conseillère pédagogique nationale au ministère de la Santé. « Faire des études complémentaires », tout à fait d’accord, a acquiescé Monique Rothan-Tondeur, directrice du seul département de sciences infirmières de France (à l’École des hautes études en santé publique, l’EHESP), mais, « si l’on fait ça, il faut que l’on obtienne un parcours reconnu avec des petits sous, car, jusqu’à présent, ceux qui ont un doctorat gagnent la même chose que ceux qui n’en ont pas ! », a-t-elle déploré.

Rôle propre grignoté

Hélas, cette absence de reconnaissance des infirmières ne concerne pas que les diplômes universitaires. Elle frappe même ce qui relève du rôle propre infirmier. Ainsi de la consultation infirmière. « N’ayons pas peur des mots, nous pouvons les utiliser en toute légitimité et poser des diagnostics infirmiers », a revendiqué Carole Dumont, Idel à Perpignan. N’en déplaise à certains médecins qui continuent d’opposer des résistances, n’étant « pas persuadés de l’utilité » de la consultation infirmière, contrairement aux patients, grâce auxquels elle a été intégrée au dispositif d’annonce en cancérologie, comme l’a rappelé Anne Montaron.

Mais les acquis sont fragiles. « Dans beaucoup d’endroits, on constate une relative démission de l’encadrement dans l’accompagnement à la mise en place de ces consultations », a noté Raphaël Goudinoux, cadre infirmier à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP). « Est-ce une réponse aux injonctions contradictoires qui consistent à dire : “Mettez en place des consultations, mais vous n’aurez pas de temps soignant supplémentaire ?” C’est probable », a-t-il analysé, observant que « le manque de personnel justifie souvent la suppression de ces consultations » auxquelles les textes ne confèrent qu’un « caractère optionnel ».

Comment expliquer que les infirmières, si nombreuses, si essentielles au système de soins et si plébiscitées par les patients et leurs proches, en soient toujours à risquer de perdre ce qui leur appartient de plein droit ? Annick Touba donne son opinion : « Autour de la table des décideurs, il n’y a que des médecins. À nous d’expliquer au monde médical que nous ne voulons pas prendre leur place, mais qu’en revanche, nous pouvons travailler ensemble, chacun dans sa compétence », a-t-elle lancé sous les applaudissements de ses collègues et du seul médecin qui était présent dans la salle.

(1) Lire aussi notre actu pages 6-7.

(2) Le député Laurent Hénart a remis, début février, au gouvernement un rapport relatif aux métiers en santé de niveau intermédiaire. Lire L’ILM n° 270 et notre actu Web : http://bit.ly/luFai4.

(3) L’article 51 de la loi HPST de juillet 2009 envisage des transferts d’activité entre professionnels. Protocoles en cours de rédaction…

Le Sniil et les URPS

Composition des bureaux des Unions régionales des professionnels de santé (URPS), l’heure des comptes aurait-elle enfin sonné ? Alors que la Fédération nationale des infirmiers (FNI), Convergence infirmière (CI) et l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil) avaient conclu un accord le 13 janvier, prévoyant de ne laisser la présidence au Sniil que dans trois régions, changement de programme… Certains élus de Martinique, Guyane, Pays de la Loire, Corse, Lorraine, Haute-Normandie et Pays-de-Calais auraient en effet décidé de ne pas suivre les consignes nationales. Le Sniil est finalement arrivé en tête dans 11 régions sur 26. En Pays de la Loire, l’élection de sa présidente Annick Touba a été décidée… à l’unanimité.

LAURE MARTIN