L'infirmière Libérale Magazine n° 273 du 01/09/2011

 

Cahier de formation

Savoir

L’inflammation peut être diminuée par l’utilisation de médicaments anti-inflammatoires. Ceux-ci se divisent en deux grandes classes thérapeutiques aux nombreux effets indésirables, parfois graves, et ne sont pas toujours utilisés correctement par les patients en ambulatoire. Aussi convient-il pour les infirmières libérales, en première ligne en matière de surveillance de traitement et d’éducation thérapeutique, de maîtriser la pharmacologie de ces médicaments.

RAPPEL SUR L’INFLAMMATION

Définition

L’inflammation est une réponse physiologique à une agression (traumatique, rhumatologique, infectieuse, immunologique, allergique…) visant à protéger et/ou réparer un tissu lésé de l’organisme.

Signes cliniques

Sur le plan clinique, une inflammation se manifeste par quatre signes caractéristiques, dus à la libération par les macrophages de prostaglandines de type E2, qui sont les médiateurs de l’inflammation :

œdème : gonflement pour protéger la zone atteinte ;

chaleur : du fait des divisions cellulaires pour réparer le tissu lésé ;

rougeur : par augmentation de la perméabilité capillaire ;

douleur : par activation des nocicepteurs (récepteurs sensoriels stimulés lors d’une lésion tissulaire et impliqués dans l’élaboration du message nerveux douloureux).

Ces signes ne sont pas toujours présents en même temps.

Caractéristiques biologiques

Sur le plan biologique, l’inflammation est caractérisée par :

une augmentation de la vitesse de sédimentation des globules rouges ou Vs (dont la normale est inférieure à 10 mm à la première heure, et inférieure à 20 mm à la deuxième heure) ;

une augmentation du taux de protéine C réactive ou CRP (dont la normale est inférieure à 5 mg/l).

Traitement

La réaction inflammatoire est gênante si elle persiste, et devient difficile à supporter cliniquement par le patient (notamment à cause de l’œdème et de la douleur), on cherche donc à la diminuer par des anti-inflammatoires.

En fonction de leur structure chimique, on distingue deux familles d’anti-inflammatoires.

Les corticoïdes (ou anti-inflammatoires stéroïdiens) qui ont une structure chimique stéroïdienne, c’est-à-dire que leur structure chimique dérive du cholestérol et ressemble à celle du cortisol (hormone anti-inflammatoire naturellement secrétée par les glandes surrénales, intervenant dans les réactions de stress, et aussi dans la régulation des différents métabolismes).

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ou AINS) qui ont une structure chimique différente du cortisol et qui constituent une classe très hétérogène sur le plan chimique, avec différentes sous-classes : les salicylés (aspirine), les pyrazolés (phénylbutazone), les indoliques (indométacine), les arylcarboxyliques (ibuprofène, kétoprofène, naproxène, diclofénac, acide tiaprofénique), l’acide niflumique, les oxicams… En France, c’est l’une des classes médicamenteuses les plus prescrites et les plus largement utilisées sans prescription, notamment comme antalgiques, mais qui est fortement impliquée dans la survenue d’accidents iatrogènes, en particulier chez les personnes âgées, du fait de ses effets indésirables et de ses nombreuses interactions médicamenteuses (lire notre Cahier de formation de L’ILM n° 257).

LES CORTICOÏDES

Mécanisme d’action et propriétés thérapeutiques

Du fait de leur analogie structurale avec les hormones surrénaliennes, les corticoïdes de synthèse présentent une activité agoniste sur les récepteurs à ces hormones (c’est-à-dire qu’ils peuvent se fixer sur le récepteur du cortisol, et à moindre degré de l’aldostérone, et exercer une action similaire à ces hormones). Cependant, s’ils se distinguent des hormones naturelles par un pouvoir anti-inflammatoire plus marqué, ils interfèrent plus ou moins, à l’instar de ces hormones, sur les métabolismes de base (glucidique, protidique, lipidique et hydrosodé), ce qui explique bon nombre d’effets indésirables.

L’activation du récepteur du cortisol induit la synthèse d’une protéine : la lipocortine. Celle-ci est capable d’inhiber une enzyme appelée phospholipase A2, (voir schéma ci-dessous) qui synthétise à partir des phospholipides de l’acide arachidonique, précurseur des prostaglandines, du thromboxane A2 et des leucotriènes. Les corticoïdes vont donc diminuer la synthèse des leucotriènes (impliqués entre autres dans les phénomènes allergiques) et des prostaglandines (dont on distingue le type E2, impliqué dans l’inflammation et le type E1, qui sont des prostaglandines protectrices de la muqueuse digestive).

Les corticoïdes ont donc des propriétés anti-inflammatoires et anti-allergiques, qui sont mises à profit en thérapeutique.

Indications

Hormonothérapie substitutive dans le traitement de l’insuffisance cortico-surrénalienne primaire (maladie d’Addison) ou secondaire.

Rhumatologie : poussée d’arthrose, tendinites, polyarthrite rhumatoïde chronique.

Manifestations allergiques : choc anaphylactique, œdème de Quincke, rhinite allergique.

Affections pulmonaires inflammatoires chroniques : asthme, broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO).

Affections digestives inflammatoires chroniques : rectocolite hémorragique, maladie de Crohn.

Maladies auto-immunes : artérite de Horton, sclérose en plaques, maladie de Behçet, lupus érythémateux, thyroïdite aiguë.

Prévention des rejets de greffe.

Processus tumoraux.

Dermatoses : eczéma, psoriasis, cicatrices chéloïdes.

Divers : pathologies inflammatoires ORL (otites, sinusites, rhinites allergiques, laryngites aiguës récidivantes…) ou ophtalmiques (conjonctivites, kératites, uvéites, prévention des complications inflammatoires post-opératoires après une chirurgie de la cataracte…), protocole anti-émétique dans le cadre d’une chimiothérapie anticancéreuse, accélération de la maturation pulmonaire fœtale en cas de menace d’accouchement prématuré.

Effets indésirables

Ils sont inhérents à leurs propriétés pharmacologiques et sont donc prévisibles. Les effets indésirables se manifestent surtout lors d’une administration par voie générale, et le risque de leur survenue augmente avec la dose ainsi qu’avec la durée de traitement.

Cependant, les effets indésirables peuvent aussi s’observer – quoique rarement – avec des formes locales (pommades, crèmes, formes inhalées…), en raison d’un possible passage des principes actifs dans le sang.

Troubles hydro-électrolytiques

Ces troubles sont liés à une certaine affinité des corticoïdes pour les récepteurs à l’aldostérone. Ils favorisent la réabsorption d’eau et de sodium par les néphrons et l’élimination du potassium dans les urines et peuvent donc être à l’origine de deux maux :

une rétention hydrosodée pouvant engendrer des œdèmes et une prise de poids, ainsi qu’une hypertension artérielle du fait de l’augmentation de la volémie ;

une hypokaliémie pouvant se manifester par des crampes et qui est facteur de torsades de pointe (troubles du rythme cardiaque graves). Chez les patients souffrant de troubles du rythme ou en cas d’association à d’autres traitements hypokaliémiants, une supplémentation potassique est donc justifiée.

Troubles métaboliques et endocriniens

Effet diabétogène : les corticoïdes induisent les enzymes impliquées dans la néoglucogenèse et sont de ce fait hyperglycémiants. Ils peuvent favoriser l’apparition d’un diabète sucré ou même aggraver un diabète préexistant.

Augmentation de la lipidémie, à cause d’une augmentation de la lipolyse et d’une augmentation de la synthèse hépatique des triglycérides. La répartition des graisses est modifiée avec une répartition facio-tronculaire (on parle de faciès de Cushing ou faciès lunaire, et de bosse de bison).

Irrégularité menstruelle par action sur l’axe hypothalamo-hypophysaire.

Hypercorticisme ou syndrome de Cushing iatrogène.

Risque d’insuffisance surrénalienne à l’arrêt brutal des traitements longs du fait d’une mise au repos des surrénales par rétro-contrôle négatif sur l’axe hypophyso-surrénalien, qui justifie un arrêt progressif des traitements supérieurs à dix jours. Il faut savoir que l’hypocorticisme survient soit immédiatement, soit dans les deux ans suivant l’arrêt brutal du traitement corticoïde.

Troubles musculo-squelettiques

Faiblesse musculaire et diminution de la masse musculaire avec risque d’amyotrophie et de tendinopathies, voire de rupture tendineuse, liées à une augmentation du catabolisme protidique par les corticoïdes.

Ostéoporose avec risque de fracture du col du fémur et tassements vertébraux, due non seulement à une augmentation du catabolisme phosphocalcique (réduction de l’activité ostéoblastique et augmentation de l’activité ostéoclastique), mais aussi à une hypocalcémie résultant d’une diminution de l’absorption intestinale du calcium et une augmentation de son élimination urinaire. Ainsi un apport en calcium et en vitamine D doit-il être systématique en cas de traitement prolongé.

Retard de croissance pouvant s’observer lors de corticothérapie prolongée chez l’enfant. Son origine est plurifactorielle : diminution de synthèse de l’hormone de croissance et effets osseux des corticoïdes.

Atteintes cutanées

Retard de cicatrisation, acné, vergetures, atrophie cutanée, hypertrichose (augmentation de la pilosité sur des zones normalement pourvues de poils), hirsutisme (développement de la pilosité sur des zones glabres), dépigmentation (pour les formes locales ou au niveau des points d’injection des formes injectables).

Troubles neuropsychiques

Les corticoïdes peuvent induire des troubles neuropsychiques – qu’ils soient administrés par voie générale ou inhalés : excitation, nervosité, de l’insomnie, décompensation d’une maladie bipolaire, états confusionnels, convulsions ou dépression (à l’arrêt du traitement).

Potentialisation du risque infectieux

Les corticoïdes sont immunosuppresseurs et affectent la réponse immunitaire cellulaire mais également la réponse humorale. Il existe donc, lors d’une corticothérapie, une susceptibilité accrue aux infections : mycoses (d’autant plus que le corticoïde est associé à un antibiotique qui perturbe la flore vaginale, buccale ou digestive), viroses (zona, herpès), atteintes parasitaires (comme l’anguillulose maligne) ou bactériennes, réactivation d’un foyer tuberculeux latent.

Troubles digestifs

Les corticoïdes peuvent induire des gastralgies, des ulcères, voire des perforations gastro-duodénales, parce qu’ils inhibent la synthèse de prostaglandines E1, protectrices de la muqueuse digestive, même si la toxicité digestive des corticoïdes est inférieure à celle des AINS. En revanche, l’association corticoïdes/ AINS majore le risque digestif de ces derniers.

Atteintes oculaires

Augmentation de la pression intra-oculaire, glaucome, cataracte.

Le glaucome cortisonique représente 1,4 % de l’ensemble des glaucomes et survient plus volontiers chez des sujets myopes qui sont prédisposés. Sa survenue peut être prévenue par des bilans ophtalmiques réguliers avec mesure de la tonométrie (prise de la tension intra-oculaire), pendant les traitements cortisoniques généraux ou par voie oculaire, prolongés.

La cataracte cortisonique est très gênante et relativement commune (prévalence supérieure à 10 %), mais elle peut régresser à l’arrêt du traitement. Elle justifie également une surveillance ophtalmique régulière.

Principales contre-indications

Les contre-indications aux corticoïdes sont liées à leurs effets secondaires. Ainsi :

états infectieux sévères et en particulier viroses en cours d’évolution (varicelle, zona, herpès, hépatites) ;

vaccins vivants atténués ;

états psychotiques non contrôlés ;

ulcère gastro-duodénal évolutif, sans traitement anti-ulcéreux associé ;

HTA sévère non contrôlée ;

diabète non équilibré ;

cirrhose alcoolique avec ascite.

Il est cependant nécessaire de savoir qu’il n’existe aucune contre-indication absolue à une corticothérapie d’indication vitale.

Par ailleurs, la corticothérapie est compatible avec la grossesse, puisqu’elle n’est pas tératogène. En revanche, en cas de traitement à forte dose et prolongé de la mère pendant la grossesse, il est préférable de prévoir un accueil spécialisé du nourrisson pour dépister un risque d’insuffisance surrénalienne néo-natale.

Principales interactions

Avec les vaccins vivants atténués (BCG, rougeole, oreillons, rubéole, fièvre jaune, varicelle, rotavirus) : risque de maladie invasive, éventuellement mortelle, liée à l’immunodépression. Cette association est contre-indiquée et impose de différer la vaccination.

Avec les médicaments hypokaliémiants (diurétiques de l’anse et thiazidiques, amphotéricine B IV, laxatifs stimulants) : risque majoré d’hypokaliémie, justifiant une surveillance renforcée de la kaliémie.

Avec les médicaments torsadogènes (anti-arythmiques, neuroleptiques, mizolastine, halofantrine, méfloquine, quinine, pentamidine) : l’hypokaliémie induite par les corticoïdes majore le risque de survenue de torsades de pointe. L’association au sultopride est déconseillée.

Avec les fluoroquinolones : risque majoré de tendinites, imposant une surveillance clinique renforcée.

Avec les AINS : risque majoré d’hémorragies digestives, du fait d’une addition d’effets indésirables de même nature. Cette association doit donc être évitée, a fortiori en automédication. Toutefois, si elle est justifiée et fait l’objet d’une prescription médicale, une coprescription de protecteur gastrique (de type inibiteur de la pompe à protons ou IPP) est nécessaire.

Avec les AVK : risque hémorragique en cas de corticothérapie à fortes doses ou prolongée (supérieure à dix jours), en raison du risque hémorragique digestif propre à la corticothérapie et d’une diminution de la synthèse du throboxane A2 (facteur d’agrégation plaquettaire), par les corticoïdes. Si l’association AVK/corticoïdes est justifiée, la surveillance biologique doit être renforcée (INR au huitième jour puis tous les quinze jours).

Avec les inhibiteurs du cytochrome P-450 (CYP-450) (antifongiques imidazolés, macrolides, cimétidine, inhibiteurs de protéase, jus de pamplemousse) : risque majoré d’hypercorticisme, par diminution du métabolisme hépatique des corticoïdes.

Avec les inducteurs du CYP-450 (rifampicine, anti-épileptiques, millepertuis, griséofulvine, inhibiteur de la reverse transcriptase, tabac) : risque de diminution de l’efficacité des corticoïdes, par augmentation de leur métabolisme hépatique.

LES AINS

Propriétés pharmacologiques

Les AINS sont :

anti-inflammatoires,

antalgiques,

antipyrétiques,

anti-agrégants plaquettaires.

Mécanisme d’action

Malgré leur grande hétérogénéïté structurale chimique, les AINS ont un mode d’action commun. Ce sont des inhibiteurs des cyclo-oxygénases (ou Cox), enzymes dont il existe deux isoformes : les Cox 1 et les Cox 2 (voir schéma de la page précédente). Les Cox 2 sont impliquées dans la transformation de l’acide arachidonique en prostaglandines E2, médiatrices de l’inflammation. Les Cox 1 sont impliquées dans la synthèse du thromboxane A2, qui intervient dans l’agrégation plaquettaire, et des prostaglandines E1, protectrices de la muqueuse digestive.

L’inhibition de Cox 2 et la diminution de la synthèse des prostaglandines E2 expliquent les propriétés anti-inflammatoires, antalgiques et antipyrétiques des AINS, mises à profit en thérapeutique.

L’inhibition de Cox 1, provoquant une diminution de synthèse du thromboxane A2 mais aussi des prostaglandines E1, explique la propriété anti-agrégante plaquettaire des AINS, de même que leurs importants effets indésirables digestifs, et ulcérogènes.

Indications

Rhumatologie : poussées congestives d’arthrose, rhumatismes inflammatoires chroniques (de type polyarthrite rhumatoïde, par exemple)…

Traumatologie : contusions, tendinites (d’origine sportive ou non), entorses, traitement des œdèmes post-traumatiques.

Douleurs ORL : sinusites, otites, angines, laryngites, rhinopharyngites, etc.

Douleurs stomatologiques.

Dysménorrhées (des règles douloureuses).

Douleurs urologiques : crises de colique néphrétique.

Douleurs d’origine cancéreuse.

Ophtalmologie : prévention des complications inflammatoires post-opératoires après une chirurgie de la cataracte (collyres AINS).

Effets indésirables

Troubles digestifs

Il est important de bien garder à l’esprit que ces effets secondaires s’expliquent par le mode d’action des AINS (à savoir l’inhibition de Cox 1 et la diminution de synthèse des prostaglandines E1), et qu’ils ne sont donc pas liés uniquement à un mode d’administration par voie orale, mais se rencontrent également avec une administration rectale et a fortiori injectable.

La toxicité digestive concerne tout le tube digestif et elle peut se manifester par :

une dyspepsie (difficulté à digérer), des nausées, vomissements, des douleurs abdominales, et des diarrhées : ces troubles sont fréquents, généralement sans caractère de gravité et rapidement résolutifs à l’arrêt du traitement ;

une œsophagite ;

des gastralgies (des douleurs de l’estomac), voire des ulcérations gastro-duodénales ;

une ano-recto-sigmoïdite (inflammation de la partie terminale du tube digestif) pour les AINS administrés par voie rectale ;

une perforation digestive ;

des saignements digestifs : hématémèse (vomissements de sang), méléna (présence de sang noir dans les selles), rectorragies (présence de sang rouge dans les selles).

Il est à noter que la survenue de douleurs digestives sous AINS est mal corrélée à la gravité des complications, et qu’inversement des complications graves peuvent survenir en l’absence de signes cliniques annonciateurs (notamment chez la personne âgée). Tous les AINS exposent au rique de survenue d’effets indésirables digestifs potentiellement graves.

Les facteurs de risque d’effets indésirables digestifs graves sont principalement une posologie élevée d’AINS et/ou un traitement prolongé, un âge supérieur à 65 ans, une antécédent d’ulcère gastro-duodénal ou d’hémorragie digestive, une consommation importante d’alcool et/ou de tabac, un traitement concomitant par anti-agrégant plaquettaire, anticoagulant ou corticoïde.

La toxicité digestive des AINS peut être prévenue par l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons (ou IPP), qui réduisent la sécrétion acide de l’estomac, comme le Mopral (oméprazole). On peut aussi faire appel à des médicaments analogues de prostaglandines de type E1 (pour remplacer celles dont la production est diminuée par les AINS), comme le Cytotec (misoprostol).

Manifestations allergiques

L’allergie aux AINS est croisée avec l’allergie à l’aspirine et peut s’exprimer par une symptomatologie très variée :

réactions cutanées : éruptions cutanées, urticaire, eczéma, syndromes d’hypersensibilité cutanée de type Lyell ou Stevens-Johnson ;

manifestations respiratoires : bronchospasme ou crise d’asthme ;

manifestations générales : œdème de Quincke, choc anaphylactique.

Atteintes rénales

Les AINS sont néphrotoxiques et sont à l’origine d’environ un tiers des insuffisances rénales aiguës iatrogènes, du fait de la diminution de synthèse des prostaglandines. Or, les prostaglandines étant vasodilatatrices, il y a alors vasoconstriction de l’artère rénale sous l’effet des AINS, et donc une perfusion rénale moindre, ce qui empêche le rein de fonctionner normalement et explique une diminution du débit de filtration glomérulaire, avec un risque d’hyperkaliémie.

Le risque d’insuffisance rénale aiguë sous AINS est potentialisé chez les patients âgés, déshydratés, insuffisants rénaux chroniques, suivant un régime hyposodé (comme les insuffisants cardiaques), ou encore suivant un traitement par diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou antagonistes des récepteurs à l’Angiotensine II.

La prise en charge de l’insuffisance rénale aiguë repose sur l’arrêt du traitement AINS. Elle est habituellement réversible, mais parfois incomplètement.

Complications cardiovasculaires

Du fait encore de la diminution de synthèse de prostaglandines vasodilatatrices, les AINS peuvent aggraver une hypertension artérielle (par vasoconstriction qui augmente la résistance artérielle).

Par ailleurs, les AINS peuvent réduire l’effet des anti-hypertenseurs. Il semblerait que l’effet antagoniste soit plus marqué sur les bêta-bloquants.

Effets sur le système nerveux

Les AINS sont ototoxiques (c’est-à-dire toxiques pour l’oreille interne) et peuvent de ce fait induire des bourdonnements d’oreille, des acouphènes et des vertiges, (ce qui justifie la présence d’un pictogramme sur les conditionnements mettant en garde sur les risques liés à la conduite automobile), et dans certains cas des troubles de l’audition.

Principales contre-indications

Les AINS sont contre-indiqués en cas de :

antécédent de manifestation allergique ou d’hypersensibilité (y compris asthme) déclenchée par la prise d’AINS ou d’aspirine ;

ulcère gastro-duodénal évolutif ;

hémorragies digestives ;

insuffisance hépatique sévère ;

insuffisance rénale sévère ;

insuffisance cardiaque sévère ;

grossesse (dès le troisième trimestre en raison, d’une part, d’un effet fœtotoxique avec risque d’atteintes rénales et cardio-pulmonaires fœtales et, d’autre part, en raison d’une inhibition des contractions utérines par les AINS rendant difficile l’accouchement, mais aussi d’une augmentation du temps de saignement).

L’allaitement est déconseillé en raison d’un possible passage dans le lait maternel.

Utilisation des AINS chez un patient âgé

L’utilisation des AINS doit être très prudente chez la personne âgée, en raison d’un risque accru d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, d’un risque d’interaction du fait d’une polymédication, et d’un risque majoré d’effets digestifs d’expression grave (à type de perforation et/ou d’hémorragies digestives). C’est pourquoi une protection gastrique doit être nécessairement envisagée chez ce patient. En dehors de certains rhumatismes, le recours à un AINS chez la personne âgée ne sera envisagé qu’après l’échec du paracétamol.

Enfin, il convient de privilégier chez la personne âgée des AINS à demi-vie courte : comme l’acide méfénamique, niflumique, tiaprofénique, l’ibuprofène, le kétoprofène, le flurbiprofène, le diclofénac ou encore l’indométacine.

Principales interactions

De par leurs effets indésirables et du fait de leur profil pharmacocinétique (forte affinité pour l’albumine plasmatique et excrétion rénale majoritaire), les AINS sont impliqués dans de nombreuses interactions médicamenteuses.

Avec les anticoagulants (héparines ou AVK) : l’association est déconseillée en raison d’une augmentation du risque hémorragique (interaction par addition d’effets indésirables de même nature).

Avec les anti-agrégants plaquettaires : l’association est à prendre en compte (en raison d’un risque majoré de saignements par addition d’effets).

Avec l’aspirine aux doses antalgiques ou un autre AINS : l’association est déconseillée en raison d’une augmentation du risque digestif et hémorragique (interaction par addition d’effets indésirables de même nature).

Avec le lithium : l’association est déconseillée en raison d’un risque d’accumulation et de surdosage en lithium (interaction par compétition d’élimination, les AINS et le lithium étant majoritairement éliminés par voie rénale, et le lithium étant, en outre, à marge thérapeutique étroite).

Avec le méthotrexate : risque de majoration de la toxicité hématologique du méthotrexate du fait d’une diminution de la clairance rénale du méthotrexate par les AINS. L’interaction est classée en association déconseillée lorsque le méthotrexate est administré à des doses supérieures à 15 mg/semaine, et en association nécessitant des précautions d’emploi (avec surveillance vigilante de la NFS), lorsque le méthotrexate est administré à dose moindre.

Avec les sulfamides hypoglycémiants : risque d’hypoglycémie due à une augmentation de l’efficacité de l’antidiabétique par l’AINS (interaction par déplacement de liaison à l’albumine). Cette association nécessite des précautions d’emploi (sensibiliser le patient au risque d’hypoglycémie, lui apprendre à reconnaître les signes annonciateurs, éventuellement renforcer les contrôles de glycémie capillaire).

RÔLE DE L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE

Les infirmières libérales peuvent être sollicitées pour l’administration des anti-inflammatoires : préparation des piluliers des personnes âgées ou des patients souffrant par ailleurs de troubles psychiatriques ou d’un déclin cognitif, mais surtout, injection des anti-inflammatoires administrés par voie parentérale. Les injections d’AINS se pratiquent en intra-musculaire (il existe une solution injectable intraveineuse de Profenid, mais elle est réservée à l’usage hospitalier). Selon les molécules, les injections de corticoïdes peuvent se pratiquer en intra-musculaire, intra-veineux (direct ou perfusion), ou encore en intra-articulaire (mais cette voie est réservée aux médecins).

Outre l’administration des médicaments, les infirmières participent à la surveillance d’un traitement anti-inflammatoire, tant en termes d’efficacité que de tolérance, et ce, sur un plan biologique et clinique.

En ce qui concerne l’efficacité, elle s’apprécie cliniquement par une régression des signes cliniques de l’inflammation, une amélioration de l’état global du patient (en fonction de l’indication qui a motivé la prescription) et éventuellement par une appréciation de la douleur au moyen des différentes échelles d’évaluation de la douleur (échelle numérique ou échelle visuelle analogique, par exemple).

Sur le plan biologique, il faut s’assurer que la Vs et la CRP se normalisent, c’est-à-dire qu’elles diminuent.

La surveillance de la tolérance consiste à rechercher des effets indésirables (voir partie Savoir faire).

Enfin, les infirmières libérales contribuent largement à l’éducation thérapeutique des patients sous anti-inflammatoires et peuvent jouer un rôle important dans la prévention des accidents iatrogènes.

Question de patient

Le médecin m’a dit que j’avais une Vs et une CRP élevées : pouvez-vous m’expliquer de quoi il s’agit ?

Vs signifie “vitesse de sédimentation”. Ce test étudie la vitesse de chute des globules rouges d’un échantillon de sang veineux prélevé dans un tube. Le résultat est exprimé par l’appréciation au bout de 1 heure, puis au bout de 2 heures, de la hauteur (en mm) de plasma clair (c’est-à-dire sans globules rouges, lesquels sont tombés dans le fond du tube). En cas d’inflammation, la Vs s’accélère. La CRP est une protéine synthétisée par le foie. Son taux augmente également en cas de syndrome inflammatoire.

Le syndrome de Cushing

Le syndrome de Cushing regroupe l’ensemble des manifestations cliniques induites par une exposition endogène ou exogène (et notamment médicamenteuse), d’hormones à action glucocorticoïdes.

Il associe de nombreux symptômes non spécifiques (obésité, hypertension artérielle, troubles de la glycorégulation, troubles de l’humeur) à des signes plus spécifiques, comme une répartition facio-tronculaire des graisses, un retard de croissance chez l’enfant (associé à une prise de poids paradoxale), et des signes d’hypercatabolisme osseux (ostéoporose), musculaire et cutané (vergetures, ecchymoses).

Parmi les causes endogènes, on distingue le syndrome de Cushing-ACTH dépendant dû à une sécrétion excessive hypophysaire, et le syndrome-ACTH indépendant dû à une hypersécrétion surrénalienne autonome.

Devant toute manifestation clinique de syndrome de Cushing, avec une discordance entre le tableau clinique et l’exploration hormonale hypophyso-surrénalienne, il convient de rechercher une origine iatrogène ainsi que la prise de corticoïdes.

La prévention de l’ostéoporose cortisonique

La prévention de l’ostéoporose (par des mesures générales et éventuellement par un traitement médicamenteux pré­ventif) doit être systématiquement en­visagée lors d’une corticothérapie par voie générale, durant plus de trois mois, quelle que soit la dose.

• Les mesures générales consistent à :

utiliser la corticothérapie par voie générale à la dose la plus faible possible, sur la durée la plus courte possible ;

privilégier les voies d’administration locales ;

rechercher et traiter les autres facteurs d’ostéoporose (hypogonadisme, dysfonctionnements thyroïdiens ou parathyroïdiens) ;

rechercher et traiter une carence en calcium et vitamine D.

• Le traitement préventif, en cas de traitement à des doses supérieures ou égales à 7,5 mg/jour d’équivalent prednisone, repose sur l’utilisation de deux biphosphonates :

Actonel (risédronate) 5 mg (1 cp/j), indiqué chez la femme ménopausée ;

Didronel (étidronate) 400 mg (1 cp/j pendant 14 jours, suivis d’un apport de calcium et éventuellement de vitamine D, pendant 2 mois et demi), qui a l’AMM pour tout type de patient, sans restriction d’âge ni de sexe.

Les inhibiteurs sélectifs de Cox 2

Appelés également coxibs, car ils sont identifiables par leur DCI se terminant par le suffixe -coxib, à l’instar de Celebrex (célécoxib), ces anti-inflammatoires se distinguent des AINS classiques par une action inhibitrice sélective des cyclo-oxygénase de type 2, qui leur confère une propriété anti-inflammatoire liée à la diminution de synthèse des prostaglandines E2, mais ils n’inhibent pas les cyclo-oxygénases de type 1.

Il convient néanmoins d’être prudent quant à leur utilisation, des effets indésirables digestifs, parfois graves, ayant tout de même été décrits avec ces anti-inflammatoires, ainsi que des troubles cardiovasculaires. C’est pourquoi ils font l’objet d’une mise en garde dans le Vidal : ils ne sont prescrits chez les patients ayant des facteurs de risque cardiovasculaires qu’après évaluation du rapport bénéfice/ risque, et ils sont contre-indiqués en cas d’antécédent ischémique cardiaque ou cérébral.

Les syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson en bref

Il s’agit de syndromes de nécrolyse épidermique, se caractérisant au plan clinique par un érythème diffus et douloureux, s’étendant rapidement sur tout le corps, y compris les muqueuses, et évoluant en lésions bulleuses (dans le cas du syndrome de Lyell) ou en érosions cutanées de type desquamation (dans le cas du syndrome de Stevens-Johnson). Les lésions peuvent être très sévères et s’apparenter à des brûlures au 3e degré.

Ces syndromes, bien que rares, peuvent être gravissimes et mettre en jeu le pronostic vital des patients, en raison de complications viscérales qui peuvent concerner tous les organes et de complications hydro-électrolytiques. Leur prise en charge nécessite une hospitalisation en soins intensifs.

De nombreux médicaments sont susceptibles d’induire ces syndromes d’hypersensibilité cutanée à l’exemple des AINS, mais également des anti-épileptiques (notamment la lamotrigine), des anticancéreux, les sulfamides, des antifongiques (comme la terbinafine et la griséofulvine).

ENTRETIEN CROISÉ AVEC DEUX IDEL
Marie-France Soinard et Martine Portal, Idel à la Garenne-Colombes (92), respectivement 36 et 33 ans d’expérience en libéral

« L’infirmière, c’est comme le curé ! »

Comment percevez-vous le rôle d’une Idel dans la prise en charge de l’inflammation ?

Martine Portal : Quand certains patients, souffrant de rhumatismes, nous montrent leurs doigts, leurs pieds, se plaignent de ne pas pouvoir bouger l’épaule, ou quand il y a les signes typiques (rougeur-chaleur-douleur-œdème), nous suspectons une inflammation, et nous orientons le patient vers le médecin. C’est à lui de poser le diagnostic ! Mais nous pouvons motiver une consultation… Notre rôle est surtout d’administrer les médicaments, le plus souvent il s’agit de pratiquer des injections de Voltarène ou de Profénid pour des problèmes rhumatologiques ou de cortisone en cas d’allergie. Et, bien sûr, nous surveillons les traitements, et appelons le médecin en cas de survenue de troubles digestifs ou d’allergie.

Marie-France Soinard : Nous jouons aussi un rôle fondamental en termes d’éducation sanitaire. Certes, c’est le médecin qui prescrit, mais l’infirmière doit être là pour rappeler des conseils de base comme prendre les AINS au cours des repas. Les médecins n’insistent pas toujours suffisamment ! Avec les corticoïdes au long cours, l’infirmière doit rappeler les règles hygiéno-diététiques, qui n’ont pas toujours été expliquées au patient par le médecin ou le pharmacien, faute de temps. Ou qui ont été mal comprises : l’infirmière, c’est comme le curé, si je puis dire, on lui confie plein de choses ! Parfois, les patients sous corticoïdes viennent nous voir, rien que pour nous demander des conseils alimentaires, parce qu’ils n’ont pas osé demander au docteur en quoi consistait concrètement le régime.

M. P. : Et puis nous tentons de prévenir les accidents médicamenteux. Pour la douleur, les patients peuvent avoir tendance à prendre du Surgam ou de l’Apranax qui reste à domicile car ils ont bien compris que cela les soulageait. Mais gare aux interactions ! Surtout qu’avec le vieillissement de la population, bon nombre de patients sont sous anti-coagulants ou anti-agrégants plaquettaires.

M.-F. S. : Du coup, quand nous nous trouvons au domicile des patients, nous faisons parfois le tri pour qu’ils n’aient sous la main que les médicaments dont ils ont vraiment besoin. Et même si globalement les gens savent que l’aspirine peut être dangereuse, il est parfois utile de rappeler que l’antalgique de première intention est le paracétamol, surtout quand on est sous anti-inflammatoire.