Dr Jean-Paul Ortiz, néphrologue, président du Syndicat des néphrologues libéraux depuis 1997
La vie des autres
Le Dr Jean-Paul Ortiz est néphrologue depuis 1986. Après avoir pratiqué en milieu hospitalier, il s’est installé en libéral en 1990 à Perpignan, pour exercer un métier proche de ses patients.
« Je me suis orienté vers la néphrologie car j’étais attiré à la fois par une médecine de famille où le praticien entretient de longues relations avec son patient, et par une médecine avec un aspect complexe qui s’exprime, pour la néphrologie, avec la dialyse », explique le Dr Ortiz. La néphrologie comporte une dimension humaine très importante, notamment parce que le médecin reste en contact avec son patient pendant de nombreuses années. « Nous tissons une relation forte avec le patient dialysé. Nous accompagnons nos patients, nous suivons son évolution pendant des années dans le domaine de sa santé, mais aussi au niveau de sa vie personnelle. »
Spécialité médicale depuis les années 1960, la néphrologie vise à diagnostiquer, prévenir et soigner les maladies du rein. Le patient peut consulter le néphrologue en première intention pour plusieurs types de pathologies entraînant une atteinte rénale : diabète de type 2, hypertension artérielle, œdèmes, infections urinaires à répétition ou encore coliques néphrétiques. « Ce sont des pathologies classiquement rénales, dont certaines sont souvent héréditaires, indique le Dr Ortiz. De plus en plus de maladies sont liées au vieillissement de la population et certaines sont des maladies rénales secondaires. »
Lorsqu’il reçoit un patient, le néphrologue réalise un examen clinique classique avec la prise de son poids, de sa tension, et il vérifie la présence d’œdèmes. Il contrôle aussi les données biologiques du patient comme son taux d’hémoglobine, son urée, sa créatinine, son taux de sodium, de potassium. « Je regarde également l’échographie rénale du patient, car j’en tire beaucoup d’enseignements dans la phase initiale de sa prise en charge. » Les pathologies dont sont atteints les patients les conduisent souvent vers la dialyse. Mais, avant d’en arriver à ce stade, le Dr Ortiz suit le malade dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique : « Le même message, véhiculé par d’autres professionnels de santé, avec d’autres mots, n’a pas le même effet sur les patients. »
Lorsque l’évolution de la maladie contraint le patient à être sous dialyse, le néphrologue lui propose plusieurs types de prise en charge dont le choix dépend du malade, de son entourage, de son mode de vie et d’éventuelles contre-indications médicales. Tout d’abord, l’hémodialyse, au cours de laquelle le sang du patient est filtré, épuré. Ce choix est effectué par 93 % des patients. Le néphrologue peut aussi proposer au patient la dialyse péritonéale – choisie par 7 % des patients – qui consiste en l’épuration sanguine grâce à la membrane péritonéale.
Les patients atteints de maladies touchant directement ou indirectement les reins doivent souvent, à terme, envisager la transplantation, étape qui suit la dialyse – sauf dans les cas de greffes préemptives qui s’adressent aux jeunes sujets dans le but d’éviter la dialyse. Le néphrologue accompagne alors en amont et en aval son patient. « Pour être certain qu’il n’y a pas d’inconvénients majeurs pour l’opération, je vais faire les recherches de pathologies associées, le bilan cardiaque ou encore les dopplers », avant que le patient soit pris en charge par un centre de transplantation au sein d’un CHU. « Une fois la transplantation effectuée, je reprends en charge mon patient et assure son suivi en alternance avec le centre de transplantation. »
La néphrologie ne peut se pratiquer que dans des grandes ou moyennes villes, car elle doit avoir lieu dans un établissement d’hospitalisation. Le Dr Ortiz exerce actuellement en libéral et apprécie de pouvoir organiser son temps de travail comme il le souhaite. « Je me suis installé en libéral pour avoir plus de liberté dans l’exercice de mon métier, explique le médecin. L’hôpital est une énorme technostructure, avec les lenteurs de l’administration. » Actuellement, le Dr Ortiz suit ses patients issus de sa consultation libérale dans le centre de dialyse géré par la clinique privée au sein de laquelle il travaille. Le médecin estime qu’en clinique privée, le patient est pris en charge plus rapidement. « Il existe une culture d’entreprise, un dynamisme avec le souci d’une bonne prise en charge du patient. Dans mon établissement, si j’ai besoin d’un scanner, de l’avis d’un cardiologue ou d’un autre spécialiste, je l’ai dans les 24 heures. À l’hôpital, c’est souvent beaucoup plus long. »
L’essentiel de la rémunération des néphrologues provient des actes de dialyse. Financièrement, la clinique facture à la Sécurité sociale les forfaits de séances de dialyse et les honoraires liés aux actes du néphrologue, avant de lui reverser la valeur de ses honoraires une fois qu’elle a perçu le versement de la Sécurité sociale.
« Nous sollicitons les infirmières libérales pour la dialyse péritonéale notamment, car les changements de poches peuvent être effectués par l’infirmière. Le développement de ce type de dialyse passe par une action conjointe avec les infirmières libérales, qui doivent néanmoins être un peu formées. Je les fais venir dans mon service deux après-midi pour leur apprendre le protocole. La dialyse péritonéale est une prise en charge technique, relativement bien rémunérée, qui change des soins qu’elles ont l’habitude de faire, c’est pourquoi elles l’apprécient. Lorsque l’infirmière libérale prend en charge un patient sous dialyse péritonéale, nous restons en contact avec elle pour une réévaluation du programme. L’équipe est donc joignable 24 heures sur 24. Seule contrainte : il s’agit de soins qui se déroulent plusieurs fois par jour. Nous devons donc travailler avec des cabinets d’infirmières libérales. »
Le Dr Ortiz est président du Syndicat des néphrologues libéraux (SNL) depuis 1997. Actuellement, le syndicat s’attache à défendre la mise en place d’une meilleure rémunération des néphrologues pour le suivi des patients en dialyse péritonéale. Autre point à améliorer : la démographie médicale. La néphrologie est une spécialité « qui n’attire pas suffisamment les jeunes médecins par rapport aux besoins qui augmentent à mesure que la population vieillit », selon le Dr Ortiz. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une spécialité récente et astreignante en raison des nombreuses gardes et heures supplémentaires. « C’est un internat et un mode d’exercice qui peuvent apparaître relativement contraignants et difficiles pour les jeunes internes. »