L'infirmière Libérale Magazine n° 274 du 01/10/2011

 

PHLÉBOTOMIE

L’exercice au quotidien

Infirmier au cœur de la Bretagne rurale, Bruno Troalen accomplit régulièrement des saignées. Un acte qui rappelle la médecine médiévale mais qui est bien utile dans le traitement de l’hémochromatose.

« La première fois que j’ai entendu parler des saignées (phlébotomie), je venais de m’installer à Gourin, en Centre-Bretagne. En raison de la fermeture de la clinique, les patients se sont retrouvés sans professionnel pour faire leurs saignées. J’ai ainsi commencé à m’y intéresser et à en effectuer.

Aujourd’hui, les saignées représentent une dizaine d’actes par mois pour notre cabinet – ce qui n’est pas rien. En effet, Gourin se trouve à environ 25 kilomètres du centre hospitalier le plus proche et, en Bretagne, le nombre de personnes atteintes d’une hémochromatose, principale raison des prescriptions de saignées avec la polyglobulie et la porphyrie, est relativement important. L’hémochromatose est une maladie génétique provoquant une surcharge en fer, d’où l’intérêt de la saignée qui abaisse son taux. Cette maladie ne touche pas forcément que les anciens. Je me souviens ainsi d’un monsieur à qui nous avons diagnostiqué une hémochromatose. Comme il est d’usage dans ce cas, un bilan de la fratrie et des enfants a été réalisé, ce qui nous a permis de découvrir que ses deux fils l’avaient également. Pour la petite histoire, l’un d’entre eux, qui travaille sur des bateaux de croisière, s’est retrouvé dans les eaux des Caraïbes sans pouvoir trouver quelqu’un pour lui effectuer ses saignées : personne n’en avait entendu parler ! Il a fini par tomber sur une infirmière d’origine bretonne qui a pu lui faire…

Par ici, les choses sont bien organisées et les saignées sont aussi pratiquées à domicile. Pour nous, au-delà de la particularité de l’acte, les saignées sont correctement rémunérées –  un AMI 5 pour une saignée. La durée est variable, car tout dépend du capital veineux. Le matériel a bien évolué ces cinq dernières années. Il existe des kits de saignée adaptés avec des petites aiguilles plus confortables pour le patient. Le système actuel marche par aspiration et non plus par gravité avec une tubulure et une aiguille à chaque bout, ce qui était sommaire. Cela a permis de réduire le calibre de l’aiguille. Tant mieux, parce que les saignées peuvent se répéter : d’une par semaine ou tous les quinze jours à trois ou quatre fois dans l’année. La quantité dépendra de la maladie à l’origine, du taux de fer et du sexe du patient. »

Avis de l’expert

« Des saignées importantes et répétées »

Professeur Pierre Brissot, responsable du centre de référence “Surcharges en fer génétiques rares”, CHU de Rennes (35)

« L’hémochromatose est une surcharge en fer d’origine génétique surreprésentée en Bretagne, du fait surtout de l’origine celtique de la mutation. La base de la prise en charge de l’hémochromatose HFE reste encore aujourd’hui la classique saignée. Dans cette forme, la saignée, en privant l’organisme du fer des globules rouges soustraits, entraîne une sortie du fer des sites de stockage, fer qui gagne alors la moelle osseuse pour aider à fabriquer de nouveaux globules rouges. Cette sortie du fer stocké se fait efficacement grâce à la bonne fonctionnalité de la ferroportine. Des saignées importantes et répétées sont donc bien supportées, sans anémie. En cas d’impossibilité technique de réaliser les saignées, il est possible d’envisager le recours (hors AMM actuellement) à un nouveau médicament chélateur du fer à prise orale. »