L'infirmière Libérale Magazine n° 274 du 01/10/2011

 

POLITIQUE DE SANTÉ

ACTUALITÉ

ÉCONOMIE → À quelques semaines des premiers débats autour du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, la tendance est à la rigueur. « Le seuil de tolérance à l’endettement est dépassé », martèle François Fillon.

Chaque année, la rentrée de septembre annonce les débats autour du financement de la Sécurité sociale. On parle “gros sous”, on échange en millions, en milliards… Et les mauvaises nouvelles – trou de la Sécu oblige – se multiplient. Mais, cette année, une fois n’est pas coutume, la rentrée a eu lieu le 24 août. Et c’est le premier ministre lui-même, François Fillon, qui s’y est collé, annonçant un plan de rigueur censé permettre une économie d’un milliard d’euros dès 2011 et 11 milliards de plus l’an prochain. « Le seuil de tolérance à l’endettement est dépassé », a-t-il lancé, précisant qu’en 2011, le déficit maximal ne saurait dépasser 5,7 % de la richesse nationale et qu’il devra, année après année, diminuer jusqu’à un retour à l’équilibre en 2015 ou 2016. « Notre pays ne peut pas vivre éternellement au-dessus de ses moyens », a fustigé le Premier ministre, considérant toutefois que sans la crise, « nous serions sans doute à l’équilibre ». Pas si mal géré donc, notre pays. Après tout, l’agence de notation Standard & Poor’s, qui fait la pluie et le beau temps, a maintenu la note “triple A” pour la France alors qu’elle vient de dégrader celle des États-Unis.

La branche maladie, bonne élève

Il n’empêche, la France continuera sa politique, engagée dès 2007, rappelle François Fillon, de maîtrise des dépenses publiques. Ce qui se traduit par la poursuite de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) – plan par lequel, notamment, un départ en retraite sur deux dans la Fonction publique n’est pas remplacé* –, par « un gel des dépenses de l’État et des dotations aux collectivités locales », mais aussi par une « progression strictement limitée des dépenses de santé ». Le Premier ministre n’est pas entré dans le détail, sur ce dernier point. D’autant que l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été respecté cette année, la branche maladie ne saurait donc être montrée du doigt en la matière. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, attribue d’ailleurs ce respect de l’Ondam à « un pilotage plus fin et plus ferme de la dépense, mais aussi à des faits circonstanciels favorables » qu’ont été, selon les magistrats, un épisode grippal restreint et une « absence de revalorisation significative des honoraires de professions de santé ».

« La spirale de la dette sociale »

En prélude aux débats relatifs au Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, Didier Migaud présentait le rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation financière de la Sécurité sociale le 8 septembre dernier. « Jamais le déficit de la Sécurité sociale n’a atteint un niveau aussi élevé qu’en 2010 », a-t-il affirmé. En effet, les déficits des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale et du FSV [Fonds solidarité vieillesse, ndlr] ont atteint en 2010 la somme abyssale de - 29,8 milliards d’euros, soit 1,5 % de PIB. Un chiffre qui a triplé en deux ans. Pour les magistrats de la rue Cambon, l’explication est simple : il y a « un effet ciseau entre des recettes majoritairement assises sur les revenus du travail, sensibles aux aléas de la conjoncture, et un rythme de progression des dépenses certes impacté par la crise, mais également entretenu par des rigidités qui contribuent fortement à leur dynamique ». Didier Migaud y voit « une spirale de la dette sociale » et dénonce une « dépendance à la dette », « devenue en réalité le poison de la Sécurité sociale ». La dette, selon lui, est devenue « une drogue ». La Cades [Caisse d’amortissement de la dette sociale, ndlr], prévue pour prendre fin en 2009, restera active au moins jusqu’en 2025, n’ayant pas moins de 86,7 milliards d’euros de dette à amortir, tandis que l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale [Acoss, ndlr] doit se charger d’une dette de court terme de 49,5 milliards d’euros.

Et la démographie ?

Malgré la bonne tenue de l’Ondam, la Cour des comptes estime que l’effort de redressement devra porter « par priorité » sur la maîtrise des dépenses d’Assurance maladie. Au premier chef, la politique du médicament doit faire l’objet d’une attention particulière, autant en termes de fixation des prix – la méthode apparaît insuffisamment rigoureuse – qu’en termes de politique de diffusion des génériques. De même, les professions de santé doivent, selon la Cour des comptes, contribuer à leur manière à l’effort, au travers de leur répartition sur le territoire et de leur coopération, « pour l’accessibilité de tous au système de soins et une prise en charge efficiente et de qualité ». Le rapport pointe l’échec de l’accord conventionnel des médecins qui prévoyait une majoration de 20 % de la rémunération des généralistes exerçant en groupe en zone déficitaire (lire aussi notre article page 10). Seuls 25 médecins ont à ce jour bénéficié du dispositif. Du coup, la Cour des comptes suggère d’introduire une modulation de la prise en charge des cotisations sociales des médecins conventionnés en fonction de l’implantation de ces derniers. Proposition à laquelle s’oppose déjà la CSMF, premier syndicat des médecins libéraux.

Les taxes selon Fillon

Parmi les mesures annoncées par le Premier ministre le 24 août dernier, certaines concernaient la santé, au sens large. François Fillon a en effet de nouvelles mesures offensives à l’encontre du tabac et de l’alcool, mais il a aussi exposé l’idée d’une taxe sur les sodas. Une mesure qui n’a pas manqué de faire réagir le lobby des industriels de l’alimentation, fortement médiatisé. En revanche, peu de choses ont filtré dans les médias pour évoquer la colère des complémentaires santé, une nouvelle fois taxées. En effet, le plan Fillon prévoit le passage de 3,5 à 7 % d’une taxe dite sur les conventions d’assurance (TCA) qui rapportera en année pleine, selon la Mutualité française, 1,1 milliard d’euros à l’État. Il s’agit d’une « taxe sur les ménages », selon le député socialiste Jérôme Cahuzac. Nul doute en effet que les complémentaires santé répercuteront, au moins en partie, cette taxe sur les primes demandées à leurs assurés.

La dépendance à la chausse-trappe

Traiter le dossier de la dépendance dans ce contexte d’austérité, « ? dans l’urgence », « ne serait pas responsable », a considéré le Premier ministre François Fillon. En conséquence de quoi, le chantier de la réforme de la dépendance est reporté à début 2012. À quelques mois de l’élection présidentielle, il semble peu probable cependant que le gouvernement prenne le risque de s’embarquer dans un tel chantier, maintes fois reporté depuis 2007. « La crise financière mondiale que nous rencontrons nous empêche pour le moment de mettre en œuvre un financement massif pour l’année à venir », indiquait récemment Roselyne Bachelot, en charge du dossier.