L'infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous venez faire un prélèvement sanguin à Noémie, 5 ans. Sa mère vous dit qu’elle a eu très mal la dernière fois et que Noémie s’oppose à une nouvelle prise de sang.

Prenez un peu de temps toutes les trois ensemble pour voir comment maîtriser cette douleur.

AGIR SUR LA COMPOSANTE AFFECTIVE

La douleur est une expérience subjective et individuelle, conditionnée par l’état du sujet souffrant et par le contexte dans lequel il est placé. À côté de la composante sensorielle, la composante émotionnelle et affective de la douleur est un facteur majeur chez l’enfant. L’anxiété qui majore considérablement le soin est influencée par le contexte matériel du soin, les relations interpersonnelles et par la présence ou l’absence de personnes proches de l’enfant. En agissant sur l’anxiété, des méthodes non médicamenteuses contribuent au soulagement de l’enfant. Toutefois, cette attitude vis-à-vis de la douleur n’épargne pas le recours à un traitement préventif de la douleur comme une crème anesthésiante pour une ponction veineuse ou une injection (voir l’encadré page suivante).

UNE APPROCHE PROGRESSIVE

« Avant de le toucher, il est important de parler à l’enfant, même tout petit, pour commencer à établir un lien avec lui. Être d’abord ensemble par la parole et le contact visuel jusqu’à ce qu’on sente que l’enfant est disponible à la relation de soin », enseigne Agnès Lucas, psychologue, à ses étudiants puériculteurs. L’enfant est très réceptif aux signes verbaux et non verbaux de l’adulte. Le soignant doit considérer la douleur et la détresse de l’enfant qui peut vivre le soin comme intrusif et même comme visant à faire mal. Cette attitude permet de déculpabiliser l’enfant qui peut se sentir responsable de sa propre douleur, de sa maladie ou encore des soins douloureux qu’il doit subir.

LE RÔLE DE LA DISTRACTION

La distraction agit sur la composante émotionnelle de la douleur. Elle permet de faire abstraction d’une partie du corps, en détournant l’attention de l’enfant de la douleur du soin. La distraction doit débuter avant le déroulement du soin afin que l’enfant ait eu le temps d’être absorbé par le moyen utilisé. Il s’agit de méthodes simples, utilisables au quotidien, et qui ne demandent pas de formation particulière. Elles agissent sur l’anxiété générée par des actes douloureux ou non, à condition qu’ils ne soient pas trop longs (injections, vaccinations, prélèvements sanguins, pose de perfusion, de sonde gastrique…). La distraction peut être passive : écouter de la musique, regarder la télévision, etc. Elle est active quand elle implique une participation de l’enfant qui chante, contrôle sa respiration ou serre la main d’un parent à côté de lui. Dans certains cas, la distraction peut être exercée par une autre personne totalement disponible, un parent par exemple.

QUELQUES DISTRACTIONS

Choisir un moyen

En fonction de l’âge et du type de soin, le soignant peut proposer à l’enfant de faire un dessin, de regarder ou de manipuler des jouets spécialement attrayants et inhabituels, de compter avec lui des objets ou des images, de souffler des bulles de savon réelles ou fictives, d’écouter sa musique préférée ou de chanter une chanson, de regarder un dessin animé ou de jouer à un jeu vidéo, de respirer comme une locomotive ou comme un ballon de baudruche qui se dégonfle.

Le gant magique

« Je vais mettre ce gant magique sur ta main. » Un gant imaginaire est passé sur la main de l’enfant, puis l’infirmière caresse doucement le dos de la main. « Avec le gant magique, tu vas te sentir en sécurité, tu vas te sentir bien. Tu ne seras pas ennuyé quand on mettra le médicament dans ta veine. »

Des questions permettent de fixer son attention. Par exemple, après avoir caressé la main de l’enfant, l’infirmière peut lui demander : « Est-ce que tu sens ta main différemment à présent » Si l’enfant est incertain ou hésitant, l’infirmière peut suggérer que la main est différente et protégée : « Maintenant, tu peux sentir un fourmillement agréable, ou sentir comme si ta main avait sommeil. »

Le robinet à douleur

Une variante du gant magique met en jeu un robinet à douleur. « Tu vois, je vais te mettre un robinet à douleur ici. » L’infirmière désigne un endroit à proximité du soin douloureux qui va être fait. « Comme ça, nous pourrons fermer bien fort le robinet et tu n’auras pas mal parce que la douleur ne pourra plus passer. » L’infirmière pose le robinet à douleur imaginaire, puis donne deux ou trois tours de fermeture…

ACCEPTER LES RÉACTIONS DE L’ENFANT

Des stratégies de coping

Le coping est le processus par lequel une personne adopte différentes attitudes et réponses pour s’adapter à une situation stressante et y faire face. Il ne s’agit pas d’une absence totale de détresse, mais du sentiment de pouvoir faire face à une situation pénible ou inhabituelle. Cette adaptation à une situation stressante peut se faire par différents moyens, par exemple le contrôle (lorsqu’un individu sait qu’il peut empêcher lui-même le déclenchement de ce qui va le stresser, il présente moins de manifestations “stressantes”, cela peut se traduire par de l’évitement), le feed-back (lorsqu’une personne sait comment une situation va se passer parce qu’elle l’a déjà vécue, elle développe une capacité d’adaptation à l’événement stressant), la prédiction (le stress peut être moins important si l’on sait que l’agent “stresseur” va entrer en jeu)…

Accepter les réactions

Lorsqu’il est efficace, le coping se manifeste chez l’enfant par la coopération et un faible niveau d’anxiété, l’utilisation spontanée de nombreuses stratégies et la recherche d’information. Il arrive qu’un comportement actif et opposant, parfois jugé non adapté, soit plus à même de détourner son attention qu’un comportement passif et apparemment coopérant. Il est donc conseillé de ne pas s’opposer à un tel comportement et même de le valoriser. « Il faut autoriser l’enfant à hurler, même si la salle d’attente est pleine, conseille Pascale Revereau-Redon, infirmière libérale à Chelles (77). Je leur dis que crier ou pleurer les aidera à moins sentir la douleur. » Et l’infirmière n’oublie pas de rassurer un petit garçon : « Tu as le droit de pleurer, tu seras toujours un vrai garçon et un vrai caïd auprès de tes copains, mais surtout ne bouge pas le bras ! »

Un antalgique local

La crème Emla 5 % et l’Emla patch 5 % (pansement adhésif cutané), à base de lidocaïne et de prilocaïne, sont indiqués pour l’anesthésie par voie locale de la peau saine avant ponctions veineuses ou sous-cutanées. Ils sont aussi utilisés pour les intramusculaires. Ils sont surtout prescrits chez les enfants de moins de 15 ans (59 % des prescriptions pour la crème, 91 % pour le patch prescrit pour les vaccins). Le retrait de la crème 10 à 15 minutes avant la ponction permet la recoloration de la peau et la réapparition de la veine. La crème anesthésiante est appliquée 1 h avant pour les moins de 3 mois, 1 h 30 avant à partir de l’âge de 3 mois. Pour gagner du temps, l’infirmière explique aux parents l’endroit et le moment de la pose de la crème.

Point de vue…
Catherine Diamantidis-Zinchiri, infirmière puéricultrice libérale à Pierre-Bénite (69)

« Il faut saturer l’enfant d’informations positives »

« J’ai élaboré une “valise pédiatrique” pour susciter plus de curiosité que de peur. Pour faciliter le contact avec le soignant et éviter qu’il ne soit associé qu’à la douleur de la piqûre, le vanity rose de l’infirmière a pris des allures conviviales. Dès son ouverture apparaissent les sifflets à bulle, les ballons, les carambars, le garrot coloré avec des dinosaures. L’enfant est saturé d’informations positives. Tout ce qui pique est caché. Pendant que vous vérifiez votre ordonnance et que vous préparez votre matériel, le gamin est déjà occupé par les objets. »