Échappées
Une grande fresque romantique, reposant sur un fait divers réel qui défraya la chronique au tournant du xixe siècle. Agnès Dempster a 16 ans et présente un arbre généalogique chargé en suicides et internements à l’asile. Délaissée par l’homme qu’elle aime, coureur invétéré, elle sombrera à son tour dans la folie… Schizophrène, érotomane, son amour pathologique la conduit à un geste désespéré. Elle devra d’ailleurs répondre de ses actes face à l’opinion publique et aux médecins de l’asile. Sauvage et effrayant d’un bout à l’autre des 780 pages ! Publié en 1983 aux États-Unis, c’est déjà un classique.
Susan Fromberg Schaeffer, Folie d’une femme séduite. Belfond, 2011. 780 pages, 23 euros.
Une dispute entre deux demi-frères entraîne la mort de l’un d’eux. Celui qui reste en vie fuit le domicile où il n’a plus sa place. Il travaille pour une entreprise qui vide les logements de ces familles américaines ruinées et expropriées, victimes de la crise. Il rencontre une fille, mais elle est trop jeune pour que leur relation soit autorisée, et il doit fuir, encore. Il trouve refuge dans un squat où l’accueille son ami d’enfance, utopiste convaincu et généreux. C’est cet ami qui a maintenu le lien entre les parents abandonnés et le fils, tout au long des années. Chaque locataire de la maison de Sunset Park porte en lui un fantôme, un traumatisme profond et ne pourra s’en défaire qu’en poussant la porte, en délivrant un message… Ou en fuyant encore.
Paul Auster, Sunset Park. Actes sud, 2011. 320 pages, 23 euros.
Une femme est désincarcérée d’une voiture et conduite aux urgences. Dans les lueurs de l’aube, une équipe d’ouvriers a assisté à l’accident, inexplicable et qui restera inexpliqué. Alice, 50 ans, sort du coma avec la sensation d’être devenue un nourrisson qu’on lave et qu’on lange… Un corps en morceaux qui gémit, faute de puiser les forces suffisantes pour hurler. D’anciennes émotions oubliées refont surface : la mort de sa mère, le manque d’amour de son mari, de son fils. C’est en se réappropriant son corps qu’elle réapprend à vivre. Le centre de rééducation fonctionnelle, la douleur de l’apprentissage, les voisines de chambre qui défilent, qui meurent, parfois. Récit d’une lente reconstruction, physique et mentale. Dérangeant, mais beau.
Régine Detambel, Son corps extrême. Actes Sud, 2011. 147 pages. 17 euros.
Une histoire d’amour, de partage. « Je ne savais pas à quel point ton cancer c’était le mien », écrit André. Lorsqu’il débute son Livre de Sabine, en avril 2003, c’est dans la chambre de l’hôpital qu’il vole des heures d’écriture. Il y avoue en notes brèves et sincères la détresse, les maladresses : celles de Sabine, mais les siennes aussi. Jusqu’aux ultimes moments, il se réfugie avec celle qu’il aime sur une radeau de deux matelas juxtaposés, cultivant leur capacité à rêver et celle de s’aimer jusqu’au bout. Seuls quelques exemplaires de ces écrits ont circulé du vivant de l’amant. La maladie l’a emporté à son tour en novembre 2009.
André Benchetrit, Le livre de Sabine. Ed. La Brune, Au Rouergue, 2011. 12 euros, 73 pages.