L'infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011

 

ALPES-MARITIMES (06)

Initiatives

Infirmière depuis 1997, Christelle Priez virevolte avec talent du domicile de ses patients niçois aux salles de danse où l’attendent ses élèves. Une passion dévorante, découverte en Égypte.

« Tenez vos bras, attention à votre tête, dansez ensemble, souriez ! » Dans sa salle de danse, à Nice, Christelle, 38 ans, multiplie les consignes à l’égard des danseuses. Depuis plusieurs semaines, elles répètent sans relâche de nombreuses chorégraphies en vue du spectacle de fin d’année. Les élèves du cours d’aujourd’hui ont entre 40 et 65 ans. Bracelets aux bras et aux chevilles, jupes en mousseline ou en satin roses, violettes, jaunes, blanches, avec une pointe d’argent par-ci et d’or par-là, toutes arborent des tenues plus belles les unes que les autres, dont certaines ont été confectionnées par leurs soins. Un brin dissipées, elles n’en sont pas moins motivées, et quand Christelle leur donne des conseils pour améliorer leur technique, plus aucune ne pipe mot. « La danse orientale, ce n’est pas se trémousser sur de la musique, met en garde Christelle contre cette vision occidentale de cette danse. Il y a toute une technicité et une culture autour de cette discipline. »

Déclic en Égypte

Christelle a découvert la danse orientale il y a environ cinq ans, « au cours d’un voyage en Égypte où je me suis rendue pour mon autre passion, la plongée sous-marine », raconte celle qui s’est mariée sous la mer. « L’aspect féminin et sensuel de cette danse conjugué à sa technicité m’ont tout de suite séduite, se rappelle-t-elle pendant que ses danseuses font une pause. Tout comme les instruments, la musique et le rythme, qui ont un côté mystérieux. »

De retour de son voyage, Christelle décide de s’inscrire à des cours de danse orientale à Nice, sa ville d’adoption. Avec ses longs cheveux blonds et ses yeux bleus, elle n’a rien de l’archétype de la danseuse orientale. Et, pourtant, son déhanché, son port de tête et ses mouvements de bras en feraient pâlir plus d’une. « J’ai pratiqué la gymnastique à un haut niveau, j’ai donc une bonne perception de mon corps, souligne-t-elle. J’ai très vite intégré les ondulations et j’ai progressé assez rapidement. » Aussi, après deux ans d’apprentissage, elle décide de sauter le pas et de donner des cours. Son professeur de l’époque, consciente de ses capacités, l’inscrit à des stages chez des grands maîtres afin qu’elle acquiert un bon niveau pour enseigner. « Il n’y a pas de diplômes dans ce domaine. Ce qui compte, ce sont l’expérience et la réputation. » Une fois formée, Christelle crée son association, Sahara, et commence à enseigner.

Aujourd’hui, elle dispense quatre heures de cours par semaine à une trentaine d’élèves : deux heures dans une salle d’un centre d’animation et de loisirs qui dépend de la municipalité de Nice et qui s’adresse essentiellement aux mères au foyer et aux jeunes retraitées, et deux heures dans une salle qu’elle loue via son association où ce sont davantage des étudiantes et des femmes actives qui viennent s’entraîner. « Mon mari, qui m’a soutenue dans ma démarche, m’a demandé dans un premier temps ce que l’enseignement allait m’apporter, se souvient Christelle. J’ai souhaité donner des cours car j’aime cette ambiance féminine qui me change de la plongée, un monde essentiellement d’hommes pouvant parfois être pesant. » Et de poursuivre : « J’aime aussi le côté festif, mettre des costumes, les strass, les paillettes. La danse orientale est l’expression de la beauté de la femme. »

Un moteur pour aider les autres

Mais ce que Christelle souhaitait plus que tout, c’était transmettre sa passion et créer des spectacles, un moyen pour elle de s’évader. « Toute la journée, je vois des malades. Alors, le soir, être au contact de personnes en forme me donne de l’énergie. Avec la danse, on pense à soi, et quand on se fait applaudir à la fin d’un spectacle, cela fait du bien pour l’égo ! Alors que le métier d’infirmière est basé sur le relationnel : nous pensons avant tout aux autres. »

Inspirée par ses deux grands-mères qui étaient infirmières, Christelle décide de mener la même carrière qu’elles. Elle étudie donc à l’Institut de formation en soins infirmiers d’Armentières, dans le Nord, d’où elle est originaire, en sort diplômée en 1997 et commence à exercer à l’Établissement public de santé mentale (EPSM) des Flandres, à Bailleul. Après quelques années de pratique, elle demande sa mutation dans le Sud et se retrouve à l’hôpital de Cannes, où elle ne reste que cinq mois avant de donner sa démission en raison d’un désaccord avec la politique de l’établissement.

Fatiguée de la pratique hospitalière qu’elle trouve pesante, Christelle se lance alors dans le libéral en 2002, tout d’abord en tant que remplaçante « afin d’acquérir de l’expérience ». Puis, en 2004, elle ouvre son propre cabinet à Saint-Laurent-du-Var. Elle exerce seule pendant deux ans. « Mais ma patientèle a vite augmenté. J’ai donc trouvé un associé depuis deux ans, un ancien collègue du Nord », explique-t-elle en soignant un patient. Les deux infirmiers, qui travaillent chacun en moyenne quinze jours par mois, organisent leur emploi du temps en fonction de leurs obligations respectives. « J’attache beaucoup d’importance à l’aspect relationnel de mon métier. Rencontrer des patients de tous milieux est un véritable enrichissement intellectuel. De plus, l’aspect aidant de ma fonction et le côté technique du soin me plaisent beaucoup. »

Certains patients de Christelle savent qu’elle est danseuse, « cela les fascine », rapporte-t-elle. « Ceux qui ont beaucoup voyagé ont du mal à s’imaginer qu’une petite infirmière blonde soit danseuse orientale. Ils s’ouvrent à une autre culture. Certains viennent voir le spectacle, me posent des questions sur la danse et me demandent de faire leurs soins en tenue de danse », relate Christelle en éclatant de rire.

Toujours plus de danse

Passionnée par la danse, Christelle maintient néanmoins son activité d’infirmière afin de s’assurer un revenu. « Le métier de danseuse est trop aléatoire : tout dépend de mon corps et donc tout peut s’arrêter du jour au lendemain. » Cependant, elle souhaiterait réduire son activité d’infirmière à huit jours par mois afin de pouvoir se consacrer davantage à la danse. D’ailleurs, elle multiplie les formations – une quarantaine d’heures par an – afin de maintenir son niveau et pour répondre aux attentes de ses élèves de plus en plus nombreuses qui veulent apprendre toujours davantage. Christelle a l’occasion de suivre des formations lorsqu’elle retourne dans le Nord voir sa famille. « L’un de mes professeurs, Ketty, exerce à Armentières. Elle a vingt ans d’expérience et m’apprend tout le folklore de la danse orientale. » Des connaissances que Christelle enseigne ensuite à ses danseuses. « Je leur explique aussi la culture de la danse orientale qui est l’expression des coutumes d’un pays ou d’une région. » Par exemple, le “shamadan” qui se danse avec un chandelier sur la tête, le “saidi” qui vient du sud de l’Égypte et qui se pratique avec un bâton, ou encore le “melaya leff” qui se danse avec un sabre. « Il s’agit d’une danse à multifacettes que je m’emploie à leur faire découvrir. » Il y a aussi tout un côté technique et spirituel. « Il n’y a pas que le bassin et le ventre qui bougent, nous dansons jusqu’au bout des doigts, indique Christelle. Nous ressentons la musique : c’est pourquoi il faut avoir conscience de son corps, le comprendre et le préparer avec les assouplissements. Ce côté plaisir et détente n’est pas négligeable. »

Les danseuses de Christelle sont très investies dans leur cours. D’ailleurs, lorsqu’elles font des prestations, elles refusent d’être payées et préfèrent reverser l’argent à l’association Sahara. « De cette manière, je peux investir dans des stages pour elles et dans des beaux costumes pour les spectacles. J’en ai une centaine. Et certaines de mes élèves suivent également des ateliers couture pour confectionner et personnaliser leurs robes. »

En juin, une quinzaine de ses élèves ont participé au spectacle de fin d’année. « Je leur propose à toutes de faire le spectacle, même à celles qui ont un moins bon niveau car, dans ces cas-là, j’utilise des accessoires qui peuvent masquer le déficit technique et les mettre en valeur. » Les danseuses de Christelle, qui préparent entre trois et huit danses par spectacle, effectuent certaines ­représentations sans leur professeur car elles ont atteint un bon niveau. À tel point que Christelle a décidé d’inscrire l’une de ses élèves à un concours et de la coacher. Résultat fin 2012 !

EN SAVOIR +

→ L’ASSOCIATION SAHARA : www.sahara-dance.fr